Chiropraxie : le recours des associations de chiropracteurs contre une fiche mémo de la HAS tombe à plat dos

07.12.2020

Droit public

Le Conseil d'Etat rejette le recours d'associations de formation en chiropraxie critiquant les recommandations de la HAS relatives à la prise en charge de la lombalgie.

Par un arrêt du 16 novembre 2020, le Conseil d’Etat rejette le recours en annulation déposé par deux associations de chiropracteurs contre une « fiche mémo » de la Haute Autorité de santé (HAS) relative au traitement de la lombalgie.
L’Association pour la formation et l'enseignement en France de la chiropraxie et l'Association française de chiropraxie critiquaient la fiche mémo en ce qu’elle prévoit d’une part que le diagnostic médical de lombalgie commune doit avoir été posé avant d’envisager une prise en charge non médicamenteuse, d’autre part, que les techniques manuelles sont envisageables en deuxième intention seulement.
Le Conseil d’Etat commence par rappeler que cette fiche mémo, qui a le caractère d’un acte administratif faisant grief, a été prise en application de l’article L. 161-37 du code de la sécurité sociale confiant à la HAS le soin d’élaborer des guides de bon usage des soins et des recommandations de bonne pratique.
Il affirme ensuite que sa procédure d’adoption n’est entachée d’aucune irrégularité, notamment au regard de la charte de l’expertise sanitaire annexée au décret du 21 mai 2013 « portant approbation de la charte de l’expertise sanitaire prévue à l’article L. 1452-2 du code de la santé publique » et du Guide méthodologique relatif à la phase de cadrage des recommandations, adopté par la HAS en décembre 2010 et mis à jour en décembre 2014.
Sur le contenu de la fiche mémo, le Conseil d’Etat rappelle les conditions dans lesquelles, au regard de la réglementation, les chiropracteurs sont habilités à réaliser certains actes :
- aux termes du sixième alinéa de l'article 75 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, « un décret établit la liste des actes que les praticiens justifiant du titre d'ostéopathe ou de chiropracteur sont autorisés à effectuer, ainsi que les conditions dans lesquelles il sont appelés à les accomplir » ;
- l’article 1er du décret du 7 janvier 2011 « relatif aux actes et aux conditions d'exercice de la chiropraxie » exclut des actes autorisés aux chiropracteurs les « pathologies organiques qui nécessitent une intervention thérapeutique, médicale, chirurgicale, médicamenteuse ou par agents physiques » ;
- ce même article ajoute que les chiropracteurs exercent dans le respect des recommandations de bonnes pratiques établies par la Haute Autorité de santé ;
- selon l’article 2 du décret susvisé, « les praticiens justifiant d'un titre de chiropracteur sont tenus, s'ils n'ont pas eux-mêmes la qualité de médecin, d'orienter le patient vers un médecin lorsque les symptômes nécessitent un diagnostic ou un traitement médical, lorsqu'il est constaté une persistance ou une aggravation de ces symptômes ou que les troubles présentés excèdent leur champ de compétences ».
Ainsi, en recommandant qu’un diagnostic médical de lombalgie commune soit posé au préalable et en faisant figurer les techniques manuelles en deuxième intention, « la Haute Autorité de santé n’a pas modifié les conditions dans lesquelles les chiropracteurs sont autorisés à effectuer des actes mais précisé les bonnes pratiques applicables au traitement de cette pathologie, pour éviter un retard de diagnostic et une perte de chance pour le patient et pour adapter au mieux le type de prise en charge selon les caractéristiques, et notamment le risque de chronicité, de l’affection dont le patient est atteint ».
Par ailleurs, le contenu de la fiche mémo repose sur l’analyse de l’ensemble des recommandations de bonne pratique françaises et étrangères publiées en français ou en anglais entre 2013 et 2018 et de toutes les revues systématiques d’essais contrôlés publiées dans l’une de ces deux langues entre 2016 et 2018. Il ne peut ainsi être soutenu que la fiche mémo reposerait sur une analyse incomplète.
Enfin, les actes attaqués, qui ne modifient pas la réglementation applicable ni ne bouleversent les conditions d’exercice des chiropracteurs, sont conformes au principe de sécurité juridique.
Les associations requérantes ne sont donc pas fondées à demander l’annulation de la fiche mémo attaquée.
Le Conseil d’Etat opère ainsi un intéressant recadrage sur les conditions d’intervention des chiropracteurs et sur la place de la HAS. En effet, le rôle confié à cette dernière par le législateur dans l’élaboration et la diffusion de recommandations de bonnes pratiques apparaît désormais essentiel pour déterminer les « pathologies organiques qui nécessitent une intervention thérapeutique, médicale, chirurgicale, médicamenteuse ou par agents physiques » excluant en première intention les actes de chiropraxie, dont la liste peut sembler sujette à de multiples discussions.

 

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Maïalen Contis, Docteur en droit, avocat au barreau de Toulouse
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