La cour administrative d'appel de Paris considère notamment que le bénéfice de l'aide médicale d'État et le dépôt d'une demande de RSA suffisent à établir une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale faisant obstacle au droit au séjour.
Dans un arrêt du 8 juillet 2016, la cour administrative d'appel de Paris rejette la demande d’un citoyen européen de nationalité roumaine tendant à l’annulation d’une obligation de quitter le territoire (OQTF) considérant qu’il ne rapportait pas suffisamment la preuve de ce que son séjour était inférieur à trois mois et de ce qu’il ne constituait pas une charge déraisonnable pour le système d’assurance sociale. Par ailleurs, la cour considère que le demandeur ne pouvait pas se prévaloir de sa recherche d’emploi.
Charge de la preuve de la durée du séjour
Si, comme le précise l’article L. 121-2 du Ceseda, les citoyens de l’Union qui ne se sont pas fait enregistrer auprès du maire de leur commune bénéficient d’une présomption de présence sur le territoire d’une durée inférieure à trois mois, cette présomption reste, selon la méthode d’appréciation de la cour, assez fragile.
Et, même si,
à l’instar du Conseil d’État (CE, avis, 26 nov. 2008, n
o 315441), la cour considère qu’il « incombe à l’administration, en cas de contestation sur la durée du séjour d’un citoyen de l’Union Européenne dont elle a décidé l’éloignement, de faire valoir les éléments sur lesquels elle se fonde pour considérer qu’il ne remplit plus les conditions pour séjourner en France », la cour rappelle qu'elle peut « néanmoins s’appuyer sur les déclarations préalablement faites par l’intéressé », ce dernier devant alors apporter tout élément de nature à en contester le bien-fondé.
En l’espèce, pour constater que, comme le soutenait le préfet, l’intéressé résidait depuis plus de trois mois sur le territoire, la cour retient que même si ce dernier déclarait être entré en France le 20 août 2014 (soit moins de trois mois avant la décision attaquée, prise le 30 septembre de la même année), il était inscrit à Pôle emploi depuis le 17 avril 2014 et bénéficiait de l’Aide médicale d’État depuis le 5 mai 2014.
Pour la cour, faute pour l’intéressé de rapporter des éléments tendant à démontrer qu’il avait quitté le territoire entre le 5 mai 2014 et la décision attaquée, de ces constats suffisent à faire présumer sa présence sur le territoire de manière continue.
Présomption de charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale
Pour apprécier la légalité de l’OQTF, la cour devait également vérifier si, comme le soutenait le préfet, l’intéressé constituait une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale.
Après avoir rappelé que l’aide médicale d’État, dont l’intéressé bénéficiait, ne constitue pas une assurance-maladie au sens de l’article de l’article L. 121-1 du Ceseda, la cour relève que le requérant avait déposé une demande tendant au bénéfice du revenu de solidarité active (RSA). Elle en déduit implicitement que le préfet pouvait fonder sa décision sur ces deux circonstances.
Remarque : on notera ici que la Cour de justice de l’Union européenne considère cependant que
la notion de « système d’assistance sociale » ne peut être réduite aux seules prestations d’assistance sociale. A la lumière de l’objectif poursuivi par la directive du 29 avril 2004, la Cour estime en effet que cette notion doit être interprétée comme « faisant référence à l’ensemble des régimes d’aides institués par des autorités publiques, que ce soit au niveau national, régional ou local, auxquels a recours un individu qui ne dispose pas de ressources suffisantes pour faire face à ses besoins élémentaires ainsi qu’à ceux de sa famille et qui risque, de ce fait, de devenir, pendant son séjour, une charge pour les finances publiques de l’État membre d’accueil susceptible d’avoir des conséquences sur le niveau global de l’aide pouvant être octroyée par cet État » (CJUE, 19 sept. 2013, aff. C-140/12, Brey)
Exercice d’une activité professionnelle
Au regard tant de l’article 45 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) que de l’article R. 121-4 du Ceseda, il est clairement établi que le citoyen de l’Union qui exerce une activité professionnelle ou se trouve à la recherche d’un emploi et a de chances réelles d’être engagé ne peut être éloigné du territoire au motif de l’irrégularité du séjour.
Toutefois, en l’espèce, si l’intéressé faisait valoir un contrat de travail d’insertion à durée déterminée conclu postérieurement à la décision attaquée, il n’avait pas été en mesure d’apporter la preuve qu’il avait entrepris cette recherche d’emploi avant de venir en France ni, au surplus, qu’il avait « des chances réelles » de l’obtenir.
Pour la cour, le requérant ne pouvait donc, à la date de décision attaquée, se prévaloir des stipulations du 3° de l’article 45 du TFUE.
Un examen de la situation personnelle sommaire mais suffisant
Enfin, rappelant que l’article L. 511-3-1 du Ceseda oblige le préfet, avant d’éloigner un citoyen de l’Union, à tenir « compte de l’ensemble des circonstances relatives à sa situation, notamment la durée du séjour de l’intéressé en France, son âge, son état de santé, sa situation familiale et économique, son intégration sociale et culturelle en France, et de l’intensité de ses liens avec son pays d’origine », la cour valide la décision du préfet dès lors qu’il a été procédé à une audition au cours de laquelle l’intéressé a pu faire valoir sa situation personnelle et familiale.
Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.
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Claudia Charles, Permanente au Gisti (Groupe d'information et de soutien des immigrés)