Par une décision du 24 mai 2023, le Conseil d’État se prononce sur la juridiction compétente pour connaitre des litiges tarifaires opposant un gestionnaire d’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et d’unité de soins de longue durée (USLD) à la collectivité territoriale de Saint-Pierre et Miquelon. Explication.
Les juridictions de la tarification sanitaire et sociale sont des juridictions administratives spécialisées qui ont une compétence d’attribution qu’elles doivent interpréter strictement ainsi que les autres juges administratifs. En première instance, ces juridictions sont les tribunaux interrégionaux de la tarification sanitaire et sociale (TITSS) qui ont leur siège à Paris, Nancy, Nantes, Lyon et Bordeaux. L’article L. 351-1 du code de l’action sociale et des familles (CASF) leur confie le soin de trancher les litiges tarifaires pouvant opposer les autorités de tarification à d’autres parties ayant un intérêt à agir (gestionnaires d’établissement ou service, caisses d’assurance maladie, usagers…). Toutefois, cet article n’est pas applicable à Saint-Pierre et Miquelon et ce, en vertu de l’article L. 531-1 du CASF.
Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.
Découvrir tous les contenus liés
Le ressort du TITSS de Nantes…
Saisi par le Centre hospitalier François Dunan notamment de litiges tarifaires l’opposant à la collectivité territoriale de Saint-Pierre et Miquelon portant sur les financements de son établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et de son unité de soins de longue durée (USLD), le tribunal administratif (TA) eut un doute quant à sa compétence. En effet, un article réglementaire du CASF portant sur les ressorts territoriaux des TITSS évoque Saint-Pierre et Miquelon au niveau de celui de Nantes (CASF, art. R. 351-2). La présidente du TA de Saint-Pierre et Miquelon interrogea le Conseil d’État sur cette question.
… interprété très strictement par le Conseil d’État
En réponse, la Haute juridiction administrative indique qu’en vertu de l’article L. 531-1 du CASF, les litiges tarifaires opposant un gestionnaire d’établissements ou services sociaux ou médico-sociaux (ESSMS) ou sanitaires situés à Saint-Pierre et Miquelon relèvent du TA de ce territoire et non du TITSS de Nantes. Le fait que l’article R. 351-2 du CASF fasse référence à ce territoire dans le ressort du TITSS de Nantes s’explique par le fait que cette juridiction est compétente pour trancher les désaccords entre le représentant de l’État et le département en cas de tarification tarifaire conjointe.
Complexité administrative
Un bel exemple de simplicité administrative pour un territoire français d’un peu moins de 6 000 habitants situé au sud de l’Ile canadienne de Terre Neuve !
Quand le litige tarifaire oppose un gestionnaire d’établissement ou service à son autorité de tarification, le litige relève du TA de Saint-Pierre et Miquelon mais quand le litige oppose deux autorités de tarification de ce territoire le litige tarifaire est porté devant le TITSS de Nantes.
Avec très peu de recours tarifaires portés devant le TA de Saint-Pierre et Miquelon, on souhaite bien du courage aux magistrats de ce tribunal pour comprendre toutes les subtilités du CASF et du code de la santé publique. Beaucoup de temps devra être investi pour régler une affaire qui ne se représentera peut-être pas de sitôt. Le TITSS de Nantes, qui a l’habitude de ce type de contentieux, n’aurait pas eu besoin d’y consacrer autant de temps. Au surplus, la décision prise par le Conseil d’État revêt plus d’importance qu’il n’y paraît à l’heure où le gouvernement envisage la suppression des juridictions de la tarification sanitaire et sociale et le transfert de ce contentieux très spécifique à certaines juridictions administratives de droit commun.
Arnaud Vinsonneau, juriste en droit de l’action sociale et médico-sociale, Associé du Cabinet Jegard Créatis