Contentieux des étrangers : d'ici au 1er décembre 2024, le JLD ne sera plus le juge des libertés des étrangers

21.11.2023

Droit public

L'article 44 de la loi d'orientation et de programmation de la justice pour 2023-2027 substitue un magistrat du siège du tribunal judiciaire au juge des libertés et de la détention dans le contentieux des étrangers.

Aux termes de l’article 44 de la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 (JO, 21 nov.), le contrôle des procédures administratives privatives de libertés ou attentatoires à la liberté individuelle des étrangers est soustrait à la compétence du juge des libertés et de la détention (JLD) pour être transféré à celle d’un « magistrat du siège du tribunal judiciaire ».

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Remarque : le transfert de compétence concerne également le contrôle juridictionnel des hospitalisations forcées.

Cette réforme, qui entrera en vigueur au plus tard le 1er décembre 2024, après publication d’un décret en Conseil d’État qui en fixera la date précise, concernera :

  • la prolongation du maintien en zone d’attente (C. étrangers, art. L. 342-1, L. 342-4, L. 342-5, L. 342-7, L. 342-9, L. 342-11, L. 342-16, L. 342-17, et L. 343-3) ;

  • le contrôle de légalité des décisions de placement en rétention administrative (C. étrangers, art. L. 614-13) ;

  • l’autorisation de conduite forcée au consulat et de visite domiciliaire en cas d’obstruction à l’exécution de la mesure d’éloignement (C. étrangers, art. L. 733-7 à L. 733-11) ;

  • et les différentes prolongations de la rétention administrative (C. étrangers, art. L. 742-4 à L. 743-20).

Une volonté de recentrer le juge des libertés et de la détention sur la matière pénale

Dans son rapport annexé au projet de loi, le ministre de la justice justifie cette réforme par la nécessité de recentrer le JLD sur la matière pénale, en confiant à un « magistrat du siège du tribunal judiciaire » les fonctions civiles qui lui sont actuellement dévolues dans le Ceseda et le code de la santé publique (contentieux des hospitalisations sous contrainte). Une mesure soutenue par les présidents de juridiction (Doc. Sénat, n° 1140, 23 juin 2023, p. 16).

Comme le note le même rapport, ce seront donc des juges non spécialisés qui siègeront aux audiences de rétention et de zone d’attente, ou décideront des mesures de contraintes sollicitées par l’autorité administrative pour surmonter l’obstruction à l’exécution des mesures d’éloignement.

Remarque : un retour, donc, au régime antérieur à la loi du 15 juin 2000, qui a institué le juge des libertés et de la détention, sous lequel le contrôle et la prolongation des mesures privatives de liberté était confié « au président du tribunal de grande instance ou à un magistrat du siège délégué par lui ».

Un transfert de compétence conforme à la Constitution

La constitutionnalité de ces dispositions était contestée par les députés de la NUPES au motif qu’elles méconnaissaient les droits de la défense et les principes d’indépendance et d’impartialité des juridictions.

Les députés requérants reprochaient à ces dispositions le transfert aux magistrats du siège des compétences du JLD, notamment en matière de contentieux de l’entrée et du séjour des étrangers, alors que celui-ci bénéficiait statutairement, à leur sens, d’une « indépendance particulière ».

Toutefois, pour le Conseil constitutionnel, eu égard aux garanties d’indépendance et d’impartialité attachées au statut des magistrats du siège, il ne saurait être reproché à ces dispositions de méconnaître ces principes.

Remarque : on notera que, symboliquement, c’est désormais la fonction de protection des personnes qui est apparente, par éviction du terme « détention » des fonctions du magistrat compétent. Par ailleurs, cette modification, avant tout managériale, devrait avoir peu de conséquences sur les contentieux en cause, à moins que, faute de spécialisation des juges, la jurisprudence devienne plus aléatoire, comme peuvent en attester les décisions rendues en période de vacation.

Christophe Pouly, Avocat
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