Contrôle judiciaire des mesures de soins psychiatriques sans consentement : attention à l'autorité de la chose jugée

14.11.2016

Droit public

Lorsqu'une irrégularité d'une mesure de soins psychiatriques sans consentement a déjà été soumise à l'examen du juge des libertés et de la détention (JLD), elle ne peut, à peine d'irrecevabilité, être soulevée à nouveau dans le cadre d'une nouvelle demande de mainlevée présentée au JLD.

La Cour de cassation, dans une décision du 19 octobre 2016, donne application de la notion d’autorité de la chose jugée en matière de soins psychiatriques sans consentement. Une personne fait l’objet d’une admission par décision du directeur d’établissement d’accueil sur demande d’un tiers, dans le cadre de la procédure d’urgence prévue à l’article L. 3212-3 du code de la santé publique, mise en œuvre sous forme d’hospitalisation complète. Lors du contrôle de plein droit à 12 jours de la mesure de soins, le JLD relève une erreur matérielle contenue dans le document de notification de la décision d’admission, relativement à la date du certificat initial nécessaire à l’admission. Il valide néanmoins la mesure et ordonne donc le maintien de celle-ci. Cette décision ne fait l’objet de l’exercice d’aucune voie de recours.

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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15 jours après cette décision d’un premier JLD, le malade, soulevant à nouveau cette irrégularité, présente au JLD une nouvelle demande de mainlevée de la mesure de soins. Ce second JLD fait droit à la demande en se fondant sur cette irrégularité. Le premier président de la cour d’appel, saisi en cause d’appel, infirme alors la décision du JLD en considérant que l’irrégularité en question n’est pas de nature à vicier la procédure, et ce d’autant plus que la mesure a été validée par le premier JLD intervenant à 12 jours qui a ainsi couvert cette irrégularité.

Un second JLD ne peut défaire ce qu’un premier JLD a décidé

La décision d’appel fait alors l’objet d’un pourvoi devant la Cour de cassation qui, confrontée à la question de savoir si le second JLD peut fonder la mainlevée de la mesure sur une irrégularité couverte par la décision du premier JLD, prononce ainsi : « à peine d’irrecevabilité, prononcée d’office, aucune irrégularité de la procédure de soins psychiatriques sans consentement, antérieure à une audience à l’issue de laquelle le juge des libertés et de la détention se prononce sur la mesure, ne peut être soulevée lors d’une instance ultérieure devant ce même juge ». Dès lors, la Cour de cassation considère que, ayant constaté que la décision initiale d’hospitalisation complète a déjà été soumise au contrôle de plein droit du JLD, le premier président a, par ces seuls motifs, exactement décidé que la procédure a été validée par l’ordonnance de ce juge prescrivant la poursuite de la mesure. En somme, il n’était même pas été nécessaire au premier président, pour justifier sa propre décision, d’affirmer que l’irrégularité en question n’était pas de nature à vicier la procédure : il lui suffisait de relever qu’elle avait été couverte par le premier JLD.

Une cause d’irrecevabilité de la demande qui doit être soulevée d’office

La Cour de cassation offre ainsi une bonne illustration de l’autorité de la chose jugée déclinée au cas des soins psychiatriques sans consentement. Celle-ci interdit aux parties de recommencer un nouveau procès qui porterait sur un différend qui aurait été déjà jugé, sous la condition, prévue à l’article 1355 du code civil (anciennement 1351), d'une identité entre les deux procédures, identité résultant de trois éléments tous réunis dans cette affaire :

- identité de parties : en l’espèce, le malade et l’établissement d’accueil ;

- identité de chose demandée : en l’espèce, la mainlevée de la mesure ;

- identité de cause sur laquelle la demande est fondée : en l’espèce, l’irrégularité matérielle contenue dans le document de notification de la décision d’admission.

Lorsque ces trois éléments sont réunis, l’autorité de la chose jugée impose de prononcer  l’irrecevabilité de la demande, celle-ci devant être soulevée d’office par le juge comme l’a rappelé la Cour de cassation dans cette décision.

Quid des irrégularités non examinées par le premier JLD ?
Un point demeure cependant problématique à la lecture de l’arrêt de la Cour de cassation. Qu’en sera-t-il d’une irrégularité préexistant au premier contrôle du JLD mais qui ne serait pas venue à sa connaissance ? Lors du contrôle suivant, le JLD pourrait-il quand même, considérant que l’irrégularité en question n’a pas déj�� fait l’objet d’un examen, se fonder sur elle pour prononcer la mainlevée ? L’arrêt de la Cour de cassation semble le proscrire en affirmant qu’aucune irrégularité de la procédure de soins psychiatriques sans consentement, antérieure à une audience à l’issue de laquelle le juge des libertés et de la détention se prononce sur la mesure, ne peut être soulevée lors d’une instance ultérieure devant ce même juge, et non qu’aucune irrégularité déjà examinée par le juge ne peut être soulevée lors d’une instance ultérieure. Il existerait alors une forme d’exigence d’unicité de l’instance dans la procédure de contrôle des soins psychiatriques sans consentement : lorsqu’un contrôle du JLD intervient, il faut impérativement soulever toutes les irrégularités envisageables pour la période sur laquelle porte le contrôle car il ne sera plus possible de le faire dans une instance ultérieure.

 

Mathias Couturier, Maître de conférences à l'université de Caen
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