Covid-19 : le refus de se soumettre à un « test PCR » justifie la prolongation de la rétention

03.12.2020

Droit public

L'exigence de présentation d'un résultat négatif d'un test PCR conditionne désormais l'exécution des mesures d'éloignement vers un grand nombre de pays. Par conséquent, le refus de se soumettre à ce test constitue une obstruction à l'exécution de ces mesures.

Depuis qu’est exigée la présentation d’un résultat négatif d’un test PCR (devenu, en quelque sorte, un « laissez-passer biologique ») avant l’embarquement à destination d’une grande majorité de pays, le refus de se soumettre à un tel examen fait obstacle, à l’exécution des mesures d’éloignement. Et, alors même que nul ne peut être contraint à se soumettre à un test PCR (CA Paris, 14 nov. 2020, n° 20/02727), même si pour certains la réalisation du test PCR ne peut être regardé comme une atteinte à l’intégrité physique (CA Paris, 17 nov. 2020, n° 20/02760), les juges qualifient de manière unanime un tel refus « d’obstruction à l’exécution d’office » de la mesure d’éloignement, au sens du cinquième alinéa de l’article L. 552-7 du Ceseda.
Remarque : l’article L. 552-7 du Ceseda dispose que, « avant l'expiration de la durée maximale de rétention prévue aux troisième ou quatrième alinéas, le juge compétent peut, à titre exceptionnel, être à nouveau saisi lorsque, dans les quinze derniers jours, l'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la mesure d'éloignement [...]. Si l'une des circonstances mentionnées à la première phrase du présent alinéa survient au cours d'une période de prolongation ordonnée en application du présent alinéa, le juge peut être à nouveau saisi dans les mêmes conditions. Toutefois, la rétention ne peut être prolongée plus de deux fois en application du présent alinéa et sa durée maximale ne peut excéder quatre-vingt-dix jours ou, par dérogation, deux-cent-dix jours dans le cas prévu au quatrième alinéa ».
Absence d’incidence sur les perspectives raisonnables d’éloignement
La condition de présenter le résultat négatif d’un test PCR ne caractérise pas, par elle-même, un obstacle à l’exécution d’une mesure d’éloignement dès lors que ce test peut être réalisé dans les centres de rétention (CA Aix-en-Provence, 9 sept. 2020, n° 20/00602).
Bien que l’éloignement soit évidement compromis, le refus de se soumettre au test PCR « ne constitue pas [non plus] une circonstance extérieure de nature à justifier l’absence de perspective d’éloignement » (CA Rennes, 6 nov. 2020, n° 20/00380), quel qu’en soit le motif (CA Nîmes, 26 oct. 2020, n° 20/00659), à moins de rapporter la preuve d’un état de santé incompatible avec la réalisation d’un tel test (CA Nîmes, 28 oct. 2020, n° 20/00662).
De même, le fait que la présentation d’un résultat négatif d’un test PCR ne soit plus exigé par l’État de destination (en l’espèce la Géorgie), ne fait pas obstacle à la poursuite de la rétention dès lors que l’éloignement a été retardé par le refus de se soumettre à ce test lorsqu’il était encore exigé (CA Paris, 17 oct. 2020, n° 20/02476)
Nature des diligences exigées de l’administration
L’obligation de recourir à des tests préalables constitue une nouvelle contrainte à la charge de l’administration. A ce titre, il lui appartient toujours de prouver que toutes les démarches nécessaires à l’exécution de la mesure d’éloignement ont été réalisées avec diligence.
Toutefois, l’absence de production d’une réservation du test PCR et du paiement de ce test ne peut être assimilé à un défaut de justification de diligences (CA Rennes, 27 nov. 2020, n° 20/00414), la prise de rendez-vous pour la réalisation d’un tel test n’étant pas exigé au stade d’une première demande de prolongation (CA Rennes, 21 oct. 2020, n° 20/00349).
Et, dès lors qu’une nouvelle demande de routing est présentée après un refus de se soumettre au test PCR, elle établit, à elle seule, une perspective raisonnable d’éloignement (CA Paris, 16 nov. 2020, n° 20/02753).
Contrôle des modalités de réalisation des tests
Le retenu ne peut utilement alléguer le fait qu’on lui a fait signer un formulaire d’acceptation sans la présence d’un interprète (ce qui fait pourtant grief, comme le précise la cour d’appel de Paris), si son comportement traduit une volonté d’obstruction à la mesure d’éloignement et qu’il a bénéficié de l’assistance d’un interprète lors d’une première tentative de réalisation du test (CA Paris, 24 nov. 2020, n° 20/02815).
Il a également été jugé qu’est constitutif d’une obstruction le fait d’avoir refusé un test PCR pour des raisons médicales alors qu'un examen sanguin, dont le résultat a été transmis trop tardivement pour permettre l’exécution, avait été consenti et réalisé (CA Pau, 10 sept. 2020, n° 20/02036).
Remarque : le juge judiciaire n’est pas compétent pour apprécier la légalité de la réquisition d’un médecin pour pratiquer un test PCR (CA Paris, 20 oct. 2020, n° 20/02486). L’illégalité, si elle était avérée, ne pourrait pas être qualifiée de nullité d’ordre publique (CA Paris, 19 nov. 2020, n° 20/02777).
Sanctions du refus
La sanction principale du refus de se soumettre au test PCR réside dans la prolongation de la rétention, même à l’issue de la seconde (CA Lyon, 12 nov. 2020, n° 20/06235) ou de la troisième (CA Paris, 20 oct. 2020, n° 20/02486) prolongation.
Mais ce refus, en tant qu’obstruction à l’exécution de la mesure d’éloignement est également, comme le rappellent certains juges (CA Lyon, 10 nov. 2020, n° 20/06198 ; CA Rouen, 1er déc. 2020, n° 20/03879), une infraction pénale, ce dont sont informés les intéressés lors de leur refus. Aussi, les personnes visées sont exposées à une condamnation à une peine d’emprisonnement de trois ans à l’issue de la période de rétention, laquelle peut être assortie d’une interdiction du territoire d’une durée de dix ans (C. étrangers, art. L. 641-1-1).
Remarque : pour cette raison, ils s’exposent à un placement en garde à vue au cours de leur rétention, comme celle relatée par la cour d’appel d’Aix-en-Provence (CA Aix-en-Provence, 13 oct. 2020, n° 20/00707).

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Christophe Pouly, avocat
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