DAHO et hébergement d'urgence : des dispositifs complémentaires

27.01.2017

Droit public

En cas de carence de l'État à fournir un hébergement au demandeur dans le cadre du droit à l'hébergement opposable, malgré une injonction du juge administratif, l'intéressé ne peut pas demander l'exécution du jugement dans le cadre du référé-liberté.

Dans un arrêt du 11 janvier, le Conseil d’État a précisé l’office du juge du référé-liberté dans l’articulation entre le droit à l'hébergement opposable (DAHO) et le droit à l'hébergement d’urgence (DAHU). En cas d'inaction de l'État à fournir un hébergement au demandeur dans le cadre du DAHO, l'intéressé peut faire valoir, dans le cadre d'un référé-liberté, son droit à l'hébergement d'urgence.

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Face à l’inexécution d’une injonction d’hébergement par le juge��

En l'espèce, le demandeur a été reconnu par la commission de médiation comme prioritaire et devant hébergé en urgence sur le fondement des dispositions de l'article L. 441-2-3, III du code de la construction et de l'habitation (droit à l'hébergement opposable). Constatant la carence de l'État, le tribunal administratif de Paris, sur le fondement de l'article L. 441-2-3-1, II du CCH, a enjoint le préfet, par un jugement du 30 octobre 2015, d’assurer l’hébergement du demandeur.

N’ayant reçu aucune proposition d’hébergement, le demandeur a demandé à l’autorité préfectorale au mois de septembre 2016 d’assurer son hébergement dans les plus brefs délais, en exécution du jugement précité.

En l’absence de réponse, l’intéressé a ensuite saisi le juge des référés du tribunal administratif de Paris sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative (CJA) (référé-liberté), d'une demande tendant à ce qu’il soit enjoint au préfet, d’une part, d’exécuter le jugement du 30 octobre 2015 et, d’autre part, de lui attribuer dans les meilleurs délais un hébergement tenant compte de ses besoins. Le juge des référés ayant rejeté sa requête, le demandeur s'est pourvu en cassation devant le Conseil d'État.

… le référé-liberté ne permet pas l’exécution du jugement...

Dans son arrêt du 11 janvier, le Conseil d’État indique en premier lieu que si le juge des référés, saisi d’un référé-liberté, "peut ordonner des mesures susceptibles d’avoir le même effet que celles que l’administration est tenue de prendre en exécution d’un jugement de tribunal administratif, des conclusions tendant à l’exécution d’un tel jugement ne relèvent pas de son office". Ainsi, le juge des référés ne peut pas, dans le cadre d'un référé-liberté, ordonner l'exécution du jugement enjoignant le préfet d'assurer l'hébergement du demandeur reconnu prioritaire dans le cadre du DAHO.

Ensuite, la Haute juridiction administrative précise que les dispositions de l’article L. 441-2-3-1, II du CCH, "par lesquelles le législateur a ouvert aux personnes déclarées prioritaires pour l’accueil dans une structure d’hébergement un recours spécial en vue de rendre effectif leur droit à l’hébergement, définissent la seule voie de droit ouverte devant la juridiction administrative afin d’obtenir l’exécution d’une décision de la commission de médiation". Le Conseil d'État avait déjà pris cette position dans le cadre du droit au logement opposable (CE, 3 mai 2016, n° 394508).

Le juge en conclut qu’une action en ce sens dans le cadre d’un référé-liberté est par conséquent irrecevable, de même que dans le cadre d’un référé mesures utiles (C. just. adm., art. L. 521-3 ; CE, 3 mai 2016, n° 394508).

… mais peut permettre, sous conditions, l’hébergement d’urgence du demandeur

Le demandeur reconnu prioritaire au DAHO dont l'hébergement n'est toujours pas assuré à l'issue de ces diverses démarches ne se retrouve toutefois pas sans recours, tempère la Haute juridiction administrative. En effet, elle rappelle que dans une telle situation, les dispositions des articles L. 345-2 et suivants du code de l’action sociale et des familles permettent à l’intéressé de solliciter le bénéfice de l’hébergement d’urgence, le cas échéant dans le cadre d’un référé-liberté.

Le Conseil d’État affirme à ce titre que "Une carence caractérisée dans la mise en œuvre du droit à l’hébergement d’urgence reconnu par la loi peut faire apparaître, pour l’application de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale lorsqu’elle entraîne des conséquences graves pour la personne intéressée".

Toutefois, ces conséquences graves doivent être appréciées par le juge des référés au regard à la fois des diligences accomplies par l’administration en tenant compte des moyens dont elle dispose au sein du département concerné, ainsi que de l’âge, de l’état de santé et de la situation de famille de l'intéressé.

En l’espèce, le juge a considéré que le requérant ne démontrait pas une situation d’urgence et une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale qui justifieraient que le juge des référés fasse usage des pouvoirs qu’il tire de l’article L. 521-2 du CJA pour enjoindre l’administration, à titre exceptionnel, de l’accueillir sans délai dans une structure d’hébergement d’urgence. Le requérant, âgé de 24 ans, célibataire et sans enfant, sans problème de santé n’était pas prioritaire dans l’ordre défini par l’administration qui, à Paris, ne dispose pas de places d’hébergement en nombre suffisant pour répondre à l’ensemble des demandes.

Matthieu Perdereau, Avocat
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