Dans plusieurs arrêts récents, le Conseil d'État a eu l'occasion de revenir sur l'étendue de la responsabilité de l'État née de sa carence à exécuter ses obligations au titre du DALO, ainsi que sur la nature du préjudice résultant des troubles dans les conditions d'existence de l'intéressé.
Les conséquences de la carence de l'État à procéder au logement ou relogement des personnes reconnues prioritaires et devant être logées d'urgence au titre du droit au logement opposable (DALO) sont au cœur de plusieurs arrêts récents du Conseil d'État.
Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.
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L’étendue de la responsabilité de l’État
Le Conseil d’État considère que lorsqu’une personne a été reconnue comme prioritaire et devant être logée ou relogée d’urgence par une commission de médiation (CCH, art. L. 441-2-3) et que le juge administratif a ordonné son logement ou relogement par l’État (CCH, art. L. 441-2-3-1), la carence fautive de l’État à exécuter ces décisions dans le délai imparti engage sa responsabilité (CE, 16 déc. 2016, n° 383111 et n° 384500).
Cette responsabilité pour faute est engagée à l’égard du seul demandeur, au titre des troubles dans les conditions d’existence résultant du maintien de la situation qui a motivé la décision de la commission. Ces troubles sont appréciés en fonction des conditions de logement qui ont perduré du fait de la carence de l’État, de la durée de cette carence et du nombre de personnes composant le foyer du demandeur pendant la période de responsabilité de l’État.
L’existence d’un préjudice réel, direct et certain
Dans plusieurs affaires récentes, la Haute juridiction administrative a censuré les jugements des premiers juges, lesquels, après avoir considéré que la carence de l’État à reloger les demandeurs était constitutive d’une faute de nature à engager sa responsabilité, ont toutefois écarté l’existence de tout préjudice.
Le Conseil d'État précise que dès lors que la situation qui a motivé la décision de la commission perdure, l’intéressé justifie, « de ce fait » - et même dans un arrêt du 31 mars « de ce seul fait » -, de troubles dans ses conditions d’existence lui ouvrant droit à réparation.
Par conséquent, le juge administratif ne pouvait juger, sans commettre une erreur de droit, que la carence de l’État ne causait à l’intéressé aucun préjudice réel, direct et certain alors même qu’il était constant que la situation qui avait motivé la décision de la commission perdurait (CE, 31 mars 2017, n° 395726 et n° 399941).
Mais le juge suprême va plus loin en jugeant que ne permettent pas d’écarter l’existence d’un tel préjudice :
- ni le fait que la décision ordonnant l’expulsion du demandeur (qui avait motivé la décision de reconnaissance du DALO) n’ait été exécutée (CE, 25 avr. 2017, n° 402182) ;
- ni même le fait que la personne ait réussi à trouver un logement ne présentant pas les caractéristiques d’un logement suroccupé ou insalubre (CE, 31 mars 2017, n° 394917).
Ce faisant, le Conseil d’État semble indiquer que la persistance de la carence fautive de l’État suffit à justifier les troubles à l’origine du préjudice, nonobstant la disparition de la situation de mal logement.
Matthieu Perdereau, Avocat