Dépakine : cassation d'une décision d'indemnisation

02.12.2019

Droit public

La Cour de cassation casse partiellement un arrêt ayant condamné le laboratoire pharmaceutique exploitant la Dépakine à indemniser les préjudices résultant d'une foetopathie.

La Cour de cassation a été saisie d’un pourvoi formé par la société Sanofi Aventis, exploitant du médicament antiépileptique Dépakine, contre un arrêt de la cour d’appel d’Orléans (CA Orléans, 20 nov. 2017, n° 16/00141) l’ayant condamnée à indemniser les préjudices résultant de malformations générales affectant un enfant dont la mère avait poursuivi son traitement antiépileptique durant la grossesse.
Par un arrêt du 27 novembre 2019, la Haute juridiction confirme la relation causale existant entre la prise de Dépakine et la fœtopathie à l’origine des séquelles présentées par l’enfant, ainsi que le caractère défectueux du médicament au regard de la présentation qui en était faite à l’époque des faits (2002), puisque celle-ci omettait de mentionner, parmi les effets indésirables, un risque tératogène d’une particulière gravité.
Elle a également rejeté le moyen fondé sur la prescription de l’action. Cette dernière se prescrit dans le délai de 3 ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu, ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l’identité du producteur (C. civ., art. 1245-16). En matière de médicaments défectueux, il est généralement admis que le demandeur ne peut avoir eu connaissance du défaut qu’à compter de la date de la remise du rapport d’expertise et non pas de la date du diagnostic de la pathologie ou des troubles qui l’affectent, ce qui limite, en pratique, les effets d’un délai de prescription relativement court par rapport au délai décennal applicable aux actions indemnitaires visant les professionnels et les établissements de santé (C. santé publ., art. L. 1142-28).
En revanche, la Cour de cassation censure, au visa de l’article 455 du code de procédure civile, un défaut de motivation, la juridiction d’appel n’ayant pas répondu aux conclusions du laboratoire invoquant la cause d’exonération prévue au 5° de l’article 1245-10 du code civil, selon laquelle la responsabilité du fabricant du produit défectueux n’est pas engagée, dès lors que le défaut est dû à la conformité du produit avec des règles impératives d’ordre législatif ou réglementaire.
En l’espèce, la cour d’appel s’était bornée à rejeter le moyen fondé sur la cause d’exonération pour risque de développement prévue au 4° de l’article 1245-10 du code civil (à savoir que l’état des connaissances scientifiques et techniques ne permettait de déceler l’existence du défaut au moment où le médicament a été mis en circulation).
Il reviendra donc à la cour de renvoi – la cour d’appel de Paris – de déterminer si le défaut d’information affectant la présentation du médicament à l’époque des faits – il s’agit plus exactement du résumé des caractéristiques du produit (RCP) et de la notice d’utilisation – est imputable au respect d’une décision impérative de l’ex-AFSSAPS, cette dernière s’étant opposée, selon les dires du laboratoire, à ce que soit modifié le RCP de la Dépakine pour y mentionner de nouveaux effets indésirables.
La société Sanofi a d’ailleurs annoncé, sur ce point, avoir introduit un recours devant la juridiction administrative visant à engager la responsabilité de l’Etat du fait de l’attitude de l’agence vis-à-vis de la validation des documents d’information de la Dépakine.
Remarque : la loi de finances pour 2020, réforme la procédure d’indemnisation des victimes de valproate de sodium par l’ONIAM : le texte prévoit que les malformations congénitales sont présumées imputables à un manque d’information de la mère sur les effets indésirables du valproate ou de l’un de ses dérivés lorsqu’il a été prescrit à compter du 1er janvier 1982 et que les troubles du développement comportemental et cognitif sont présumés imputables à un manque d’information de la mère sur les effets indésirables du valproate ou de l’un de ses dérivés, lorsqu’il a été prescrit à compter du 1er janvier 1984. Outre l’introduction d’une présomption d’imputabilité, la réforme parlementaire fusionne le collège d’experts et le comité d’indemnisation en une seule instance, afin d’accélérer le traitement des dossiers par l’ONIAM.

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Jérôme Peigné, Professeur à l'université Paris Descartes
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