Dire non au prélèvement post mortem d'organes : mode d'emploi

31.08.2016

Droit public

Les nouvelles modalités d'expression du refus au prélèvement d'organes et de tissus après la mort sont définies. Les règles de bonnes pratiques relatives à l'entretien avec les proches en matière de prélèvement sont par ailleurs homologuées.

Dans le but d’accroître le nombre de greffons utilisables, le législateur a consacré de longue date une présomption de consentement faisant de tout individu majeur un donneur potentiel d’organes (ou de tissus) pour après sa mort. La loi dite « Santé » n° 2016-41 du 26 janvier 2016 a toutefois amplifié la portée d’une telle présomption.
En effet, si, avant cette loi, la présomption de consentement pouvait être renversée par tout moyen lorsque le défunt, de son vivant, avait fait connaître son refus d’un prélèvement sur son corps après la mort, notamment par une inscription de son refus sur un registre national automatisé, elle pouvait aussi être renversée par un témoignage de ce refus émanant des proches. A cet égard, la loi faisait obligation au médecin d’entreprendre une démarche auprès des proches pour les consulter s’il n’avait pas directement connaissance d’une opposition du défunt au prélèvement.
Les choses ont changé avec la loi du 26 janvier 2016. D’abord, sans remettre en cause la possibilité de renverser par tout moyen la présomption de consentement, elle a fait du registre national automatisé le principal moyen d’expression du refus du défunt. Ensuite, elle a supprimé l’obligation faite au médecin de consulter les proches pour connaître l’existence d’un tel refus s’il n’en a pas directement connaissance. Seule subsiste une obligation d’information des proches quant au prélèvement envisagé.  Plus précisément, le médecin doit informer les proches du défunt de la nature et de la finalité du prélèvement envisagé, conformément à de bonnes pratiques arrêtées par le ministre chargé de la santé sur proposition de l'Agence de la biomédecine (ABM) (C. santé publ., art. L. 1232-1, nouveau).
C’est dans ce contexte que sont intervenus le décret n° 2016-1118 du 11 août 2016 dont l’objet principal est de définir les modalités d'expression du refus au prélèvement post mortem d’organes (et de tissus), ainsi que l’arrêté du 16 août 2016 portant homologation des règles de bonnes pratiques relatives à l’entretien avec les proches en matière de prélèvement d’organes (et de tissus).
Modalités d'expression du refus au prélèvement post mortem
Le décret du 11 août 2016 apporte des précisions quant aux modalités d’expression du refus au prélèvement post mortem d’organes (ou de tissus) (C. santé publ., art. R. 1232-4-4 et s.).
Il rappelle le caractère principal du registre national automatisé pour exprimer, du vivant de l’intéressé, son refus d’être l’objet d’un prélèvement après la mort. Il confirme surtout que ce registre n’est pas exclusif et détaille d’autres modalités d’expression. Ainsi est-t-il précisé qu’une personne peut également exprimer son refus par écrit et confier ce document à un proche. Ce document est alors daté et signé par son auteur dûment identifié par l’indication de ses nom et prénom, date et lieu de naissance.
En outre, si la personne, bien qu’en état d’exprimer sa volonté, est dans l’impossibilité d’écrire et de signer elle-même ce document, elle peut demander à deux témoins d’attester que le document qu’elle n’a pu rédiger elle-même est l’expression de sa volonté libre et éclairée. Ces témoins indiquent leur nom et qualité et leur attestation est jointe au document exprimant le refus.
Il est également précisé qu’un proche de la personne décédée peut aussi faire valoir le refus de prélèvement d’organes que cette personne a manifesté expressément de son vivant. Ce proche ou l’équipe de coordination hospitalière de prélèvement transcrit alors par écrit ce refus en mentionnant précisément le contexte et les circonstances de son expression. Ce document est daté et signé par le proche qui fait valoir ce refus et par l’équipe de coordination hospitalière de prélèvement.
C’est évidemment sur ce dernier point que l’on perçoit le trouble apporté par la loi de 2016. Comment un proche pourrait-il exprimer le refus du défunt si le corps médical, dans l’ignorance par hypothèse de ce refus, n’a pas l’obligation de le consulter pour lui demander s’il connaît la volonté du défunt-ci mais seulement celle de l’informer du prélèvement envisagé ?
En réalité, ce sont les règles de bonnes pratiques homologuées par l’arrêté du 16 août 2016 qui permettront dans les faits de redonner cohérence au système mis en place. Elles prévoient en effet un entretien du corps médical avec les proches ayant pour but, après l’annonce du décès, et entre autres, de permettre, « à défaut d’inscription sur le registre national des refus, de recueillir l’éventuelle expression d’un refus de prélèvement d’organes et de tissus qui aurait été manifestée par le défunt de son vivant ». Les proches devront donc bien, dans ce cadre, être consultés sur la connaissance qu’ils peuvent avoir d’une expression de refus par le défunt. Mais quel détour pour en revenir à d’évidentes réalités de terrain. L’arrêté relatif aux bonnes pratiques est à cet égard exemplaire car il prend la vraie mesure de la situation. Il souligne notamment que « l’entretien avec les proches constitue en soi un acte de soin fondé sur des principes éthiques encadrés et sur le dialogue. L’entretien intervient dans un contexte extrêmement difficile pour les proches qui sont plongés dans le bouleversement émotionnel lié au décès de leur proche. Il s’agit d’un moment singulier qui doit être appréhendé avec humanité et attention par les soignants. Cet entretien participe de la démarche de deuil ». On imagine mal dans un tel cadre comment une équipe hospitalière pourrait s’abstenir de rechercher auprès des proches la volonté du défunt lorsqu’elle ne la connaît pas, et c’est bien pourquoi l’arrêté érige fort sagement cette démarche en « bonne pratique ».
Pour le reste et en substance, le décret du 11 août 2016 souligne que le refus de prélèvement peut concerner l’ensemble des organes (ou des tissus) susceptibles d’être prélevés ou seulement certains de ces organes (ou tissus) et qu’il est révisable et révocable à tout moment. Si plusieurs volontés ont été successivement exprimées, l’équipe de coordination hospitalière de prélèvement doit prendre en compte l’expression de volonté la plus récente (C. santé publ., art. R. 1232-4-5 et R. 1232-4-6).
Quant à l’inscription du refus sur le registre national automatisé, elle fait l’objet d’une demande sur papier libre ou au moyen d’un formulaire mis à disposition du public par l’ABM. Celle-ci a du reste en charge d’informer  le public sur les modalités d’expression du refus (C. santé publ., art. R. 1232-4-7 et R. 1232-7).
Bonnes pratiques d’entretien avec les proches du défunt
C’est l’objet de l’arrêté précité du 16 août 2016, pris sur proposition de l’ABM. On ne peut ici qu’en relater l’esprit et la fonction. Les détails des étapes de l’entretien de l’équipe hospitalière avec les proches du défunt sont exposés avec pédagogie et minutie et seule une lecture attentive peut en rendre compte.
On retiendra en substance que l’entretien avec les proches a pour but, après l’annonce du décès, de les informer sur la nature, la finalité et les modalités du prélèvement d’organes et de tissus, lorsque le décès de la personne survient dans un contexte permettant de tels prélèvements et en cas de non-inscription de la personne décédée sur le registre national des refus.
L’entretien permet aussi à la coordination hospitalière de prélèvement d’organes et de tissus, de recueillir, en vue de satisfaire aux exigences de qualité et de sécurité, des informations sur les antécédents médicaux de la personne décédée et les circonstances du décès, et de réduire ainsi les risques de transmission d’une pathologie infectieuse ou chronique.
Cet entretien permet également, et à défaut d’inscription sur le registre national des refus, de recueillir l’éventuelle expression d’un refus de prélèvement d’organes et de tissus qui aurait été manifestée par le défunt de son vivant.
Les bonnes pratiques d’entretien ainsi homologuées déclinent en somme le cadre législatif et réglementaire en lignes directrices à l’usage des professionnels de santé en charge de l’abord des proches. Elles tiennent compte de la réalité de terrain : l’entretien avec les proches constituant, ainsi que cela a déjà été souligné, un acte de soin fondé sur des principes éthiques encadrés et sur le dialogue. Cela est d’autant plus important et sagement mis en avant qu’un tel entretien intervient dans un contexte extrêmement difficile pour des personnes affectées par le décès de leur proche. Il participe de la démarche de deuil et doit, pour cette raison, être appréhendé avec humanité et attention par les soignants.

 

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Daniel Vigneau, Agrégé des facultés de droit, professeur à l'université de Pau et des Pays de l'Adour, conseiller scientifique honoraire du DP Santé, bioéthique, biotechnologies
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