Droit de rétention sur l'immeuble et report sur le prix de vente

04.03.2019

Gestion d'entreprise

L'exercice d'un droit de rétention sur l'immeuble légitimement retenu, ne fait pas obstacle à la vente du bien, le droit de rétention se trouvant alors directement reporté sur le prix.

Des époux ont acquis une maison d'habitation pour y loger leur fille mais la vente est annulée pour dol par un jugement devenu irrévocable, en date du 22 septembre 2011 qui a ordonné la restitution du prix de vente aux acquéreurs et condamné la société à leur payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts. La société étant mise en liquidation judiciaire le 30 juillet 2013, le prix de vente n'est pas été restitué aux acquéreurs. Il fait donc l’objet d’une déclaration de créance admise par une ordonnance du juge-commissaire du 31 janvier 2014. Le liquidateur assigne, ensuite, les époux et leur fille par des actes des 19 et 23 novembre 2015, pour voir ordonner leur expulsion, juger qu'ils ne disposent d'aucun droit de rétention et qu’ils sont occupants sans droit, ni titre de l'immeuble.

Cependant, l’arrêt d’appel rejette les demandes du liquidateur. La fille des acquéreurs est, selon l’arrêt, occupante de l'immeuble du chef de ses parents, eux-mêmes bénéficiaires d'un droit de rétention en application de l'article 2286 du code civil. Le liquidateur voit également son pourvoi rejeté par la Cour de cassation. Pour la Cour de cassation, il résulte des constatations et appréciations d’appel que les époux titulaires d’un droit de rétention sur l’immeuble, ne se sont pas dessaisis de la détention de ce bien, occupé de leur chef et pour leur compte, par leur fille, en vertu d’une convention écrite, dont la qualification adoptée par les parties et le notaire instrumentaire importe peu.

En l’espèce, les époux détenaient les clés de l’immeuble qu’ils assuraient eux-mêmes, s’y rendaient fréquemment et leur fille procédait à l'entretien régulier de l'immeuble pour le compte de ses parents. Les juges du fonds,  se référant à l'acte notarié du 21 janvier 2013 donnant « mandat d'occupation de l'immeuble » à leur fille, en déduisent à bon droit, nonobstant le paiement de certaines taxes d'habitation par cette dernière, qu’elle occupe l'immeuble du chef et pour le compte de ses parents, légitimes rétenteurs du bien.

L’arrêt d’appel retient ensuite qu'il ne peut être soutenu que les époux s'octroient un droit perpétuel d’occupation de l'immeuble, dès lors que l'exercice d'un droit de rétention ne fait pas obstacle à la vente du bien retenu et que l'article L. 642-20-1 du code de commerce, prévoit qu'en cas de vente, le droit de rétention est de plein droit reporté sur le prix.

Répondant, en les écartant, aux conclusions du liquidateur qui soutenaient à tort que la libération de l’immeuble était un préalable à la saisine du juge-commissaire pour voir autoriser la vente du bien, la cour d’appel a satisfait aux exigences de l’article 455 du code de procédure civile.

Par cette décision, la chambre commerciale de la Cour de cassation apporte des précisions importantes à l’application de l’article L. 642-20-1 du code de commerce. La solution  va à l’encontre de celle de la troisième chambre civile selon laquelle l’article L. 642-20-1 du code de commerce  est inapplicable aux immeubles (Cass. 3e civ., 23 oct. 2002, n° 98-18.109, n° 1552 P+B). L’affirmation de la chambre commerciale est en conformité avec le début de cet article visant son champ d’application : « à défaut de retrait du gage ou de la chose légitimement retenu… ».

Selon le pourvoi, le maintien de la fille des acquéreurs dans les lieux, à la suite de l'annulation de la vente, en sa prétendue qualité de créancier rétenteur du prix du bien, faisait obstacle à la mise en oeuvre par le liquidateur de son obligation légale résultant de l'article L. 642-20-1 de solliciter du juge-commissaire dans une telle situation l'autorisation de réaliser le bien dans les 6 mois du jugement de liquidation. Mais la chambre commerciale précise que le dessaisissement n’est pas un préalable nécessaire à la vente, le droit de rétention se trouvant alors de plein droit reporté sur le prix.

Catherine Cadic, Dictionnaire Permanent Difficultés des entreprises

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