Dublin : la cour administrative d'appel de Bordeaux censure une décision de transfert vers la Hongrie

30.09.2016

Droit public

Les demandeurs d'asile renvoyés en Hongrie en application du règlement « Dublin » ne bénéficient pas d'un examen de leur demande dans des conditions conformes aux garanties exigées par le droit d'asile.

Dans une décision du 27 septembre 2016, la cour administrative d’appel de Bordeaux annule une décision de transfert à destination de la Hongrie aux motifs que, à la date de l'arrêté litigieux (le 4 janvier 2016), les conditions d'examen des demandes de protection internationale n'y étaient pas conformes aux garanties exigées par le droit d’asile et que les demandeurs étaient susceptibles d’être exposés à des traitements inhumains et dégradants.
 
Pour conclure en ce sens, la cour s’appuie sur trois sources émanant des organes de l’Union et du Conseil de l’Europe, lesquelles sont jugées suffisantes pour considérer qu’il existait « des motifs sérieux et avérés de croire qu’en cas de remise aux autorités hongroises » les demandeurs ne bénéficieraient pas de l’ensemble des garanties du droit d’asile et qu’ils seraient en outre exposés à des traitements contraires à l’article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
 
Après avoir cité une résolution du Parlement européen du 16 décembre 2015 (Parlement européen, Résolution n° 2015/2935 (RSP), 16 déc. 2015) « faisant état de la situation critique de demandeurs d’asile en Hongrie », la Cour se réfère plus largement aux constatations de la Commission européenne qui, dans une procédure d’infraction ouverte le 10 décembre 2015 contre la Hongrie (Commission européenne, communiqué n° IP/15/6228, 10 déc. 2015), relève que la procédure d’asile dans cet État est incompatible avec le droit de l’Union, notamment en raison du fait que :
 
- les demandeurs ne peuvent pas présenter de faits nouveaux à l’appui de leurs demandes ;
 
- les recours ne sont pas suspensifs, contraignant les demandeurs de protection à quitter le territoire avant leur examen ;
 
- les demandeurs ne bénéficient pas de l’effectivité du droit à l’interprétariat et à la traduction ;
 
- la nouvelle législation hongroise relative au contrôle juridictionnel est susceptible de méconnaître le droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial, la Commission européenne soulignant que les décisions sont rendues « à un niveau sous-judiciaire » par les greffiers.
 
La cour se réfère enfin aux constatations du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, opérées en novembre 2015, selon lesquelles les demandeurs de protection sont placés en rétention administrative sans aucun recours effectif contre cette privation de liberté.
 
Ainsi, quand bien même ils présentent un caractère général, au sens de la jurisprudence du Conseil d’État (CE, réf., 20 mai 2010, n° 339478), ces documents suffisent à la cour pour établir une situation de défaillance systémique, au sens de l’article 3 paragraphe 2 du règlement « Dublin », qui autorise les États membres à déroger aux règles de détermination de l’État responsable de l’examen des demandes d’asile.
Remarque : le 31 mai 2016, la cour administrative d’appel de Lyon avait adopté une position opposée en écartant les « documents généraux » dont se prévalaient les intéressés et en considérant, notamment, que « la Commission européenne n’a[vait] pas relevé d’infractions potentielles ou avérées à la législation européenne en matière d’asile par la Hongrie ». Dans sa décision, la cour s’appuyait exclusivement sur la décision de la CJUE du 17 mars 2016 (CJUE, 17 mars 2016, C-695/15 PPU, Mirza) qui, pourtant, ne concernait pas les conditions d’examen des demandes d’asile ou le traitement des demandeurs mais la seule question de l’irrecevabilité des demandes lorsque les personnes provenaient d’un pays tiers sûr (CAA Lyon, 2e ch., 31 mai 2016, n° 15LY03569).

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Christophe Pouly, avocat
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