Elections municipales 2020 : les bonnes pratiques à adopter par les candidats et leurs équipes de campagne en période pré-électorale

09.07.2019

Droit public

Mise au point sur les dernières jurisprudences et la bonne utilisation des outils numériques de communication.

L’arrêté fixant la date exacte à laquelle les élections municipales de 2020 se tiendront n’est pas encore paru mais il convient d’ores et déjà, pour les futurs candidats, de se préparer à la période pré-électorale qui débutera le 1er septembre 2019. Cette phase doit être abordée avec prudence, notamment au regard des obligations pesant sur les candidats en matière de propagande, dès lors que le non-respect des dispositions du code électoral peut conduire à l’annulation du scrutin et à des sanctions pécuniaires.

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Les élections concerneront près de 35000 communes françaises, parmi lesquelles de nombreuses communes de moyenne et petite taille. Un grand nombre de campagnes électorales seront menées par des candidats qui ne jouiront pas nécessairement d’une solide expérience dans cet exercice délicat et, qui plus est, dans des communes où le faible nombre d’électeurs peut aboutir à des résultats serrés. Or, c’est précisément dans cette dernière hypothèse que le juge administratif sera le plus attentif et enclin à sanctionner tout écart des candidats en matière de respect des règles de propagande. Une communication mal maîtrisée sera ainsi susceptible d’avoir des conséquences directes sur le résultat et la validité des élections locales.

A ces difficultés s’ajoute la place croissante occupée par la propagande sur Internet – et notamment sur les réseaux sociaux –, parallèlement aux outils traditionnels de campagne (réunions, affichage, tracts, circulaires etc.). En matière de communication numérique, contrairement au recours à l’audiovisuel, aucune autorité ne garantit une représentation équitable de la pluralité des candidats. Par conséquent, c’est le juge administratif qui veille à la bonne application des règles imposées par le code électoral, annulant à plusieurs reprises des élections en raison d’une utilisation imprudente ou dévoyée des réseaux sociaux.

Le présent article se propose d’apporter quelques conseils et recommandations en matière de communication institutionnelle et de propagande, qu’elle soit traditionnelle ou numérique, à la lumière de la jurisprudence récente, afin que les candidats et futurs candidats disposent de repères essentiels pour éviter les pièges qui parsèment les campagnes électorales.

Propagande : vigilance dans le cadre de la communication en ligne

En matière de propagande, l’article L.52-1 du code électoral prohibe l'utilisation de tout procédé de publicité commerciale, par la voie de la presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle, pendant la période de six mois précédant le mois des élections.

En matière de communication institutionnelle, le code électoral interdit toute campagne de promotion publicitaire relative aux réalisations ou à la gestion d'une collectivité sur le territoire concerné, sans pour autant limiter les opérations de communication habituelles des communes, ni empêcher le candidat sortant de présenter son bilan lors de sa campagne.

Les candidats devront redoubler de prudence, dès lors que tout support de communication quel qu’il soit est soumis à ces interdictions en vertu de l’article L.48-1 du code électoral.

Afin de prévenir une violation de ces obligations, par leur propre candidat ou par le candidat adverse, les équipes de campagne peuvent se rapporter à la grille d’analyse du juge administratif. Pour ce faire, il convient d’apprécier in concreto si la mesure envisagée est susceptible de constituer une manœuvre portant atteinte à l’égalité entre les candidats et d’altérer la sincérité du scrutin. Quelques exemples concrets apportés par la jurisprudence récente peuvent aider à appréhender ces qualifications.

Interdiction d’achat de publicité commerciale sur Internet

Si les candidats sont autorisés à mettre en place des sites Internet et comptes dédiés à leur campagne (Instagram, Twitter, Facebook etc.), il leur est en revanche formellement interdit d’utiliser des procédés de publicité commerciale – via l’achat de référencements sur les moteurs de recherche ou des publications sponsorisées sur les réseaux sociaux – afin de promouvoir leurs contenus. Cette limite est visiblement, de bonne ou de mauvaise foi, encore mal appréhendée par les candidats.

Le Conseil d’Etat a, par deux fois, jugé que l’achat d’un référencement commercial de site est prohibé et a lourdement sanctionné cette violation de l’article L. 52-1 du code électoral en annulant les élections concernées après avoir estimé que la sincérité du scrutin avait été altérée (CE, 13 févr. 2009, n°317637 ; CE, 25 févr. 2015, n°382904).

Dans les deux cas, afin de caractériser l’existence d’un procédé de publicité commerciale, le Conseil d’Etat a relevé que le référencement du site à finalités électorales permettait d’attirer vers lui des internautes effectuant des recherches dépourvues de lien avec les élections municipales.

L’annulation n’est cependant pas systématique. Le Conseil Constitutionnel – compétent en matière de contrôle de la régularité de l'élection des députés et des sénateurs – a pu estimer que si le référencement commercial d’un site électoral est frontalement contraire aux dispositions de l’article L.52-1 du code électoral,  la brièveté de la diffusion du lien en cause et l’absence de connexions n’ont pu altérer la sincérité du scrutin (Cons. Const., 8 déc. 2017, déc. n° 2017-5026 AN).

Il est par conséquent interdit aux candidats d’acheter toute prestation visant à mettre en avant leurs publications, à obtenir des soutiens fictifs (achat de « followers » et/ou d’abonnés) ou les faveurs d’une personne disposant d’un important auditoire sur Internet (recours à un « influenceur »). Les équipes de communication devront se contenter d’optimiser les fonctionnalités de chaque plateforme.

Par ailleurs, la prudence est également requise concernant le choix du site Internet : l’affichage de publicités par celui-ci peut être considéré comme un financement de campagne par une personne morale.

Vigilance accrue pour le maire sortant en matière de communication institutionnelle

Les règles imposées par le code électoral visent à prémunir les électeurs contre tout risque de confusion entre, d’une part, le maire en tant qu’élu en fonction et, d’autre part, le maire en tant que candidat. Elles visent également à prévenir le financement partiel de la campagne électorale du candidat sortant sur le budget municipal.

Le respect de ce double objectif, qui requiert parfois des qualités d’équilibriste, impose aux collectivités et aux élus une discipline rigoureuse dans la gestion de leur communication en période pré-électorale.

Concernant les opérations de communication, le juge administratif a sanctionné l’utilisation par un maire sortant, durant la campagne électorale, d’une page Facebook publique mélangeant informations institutionnelles et propagande électorale. Le Conseil d’Etat a confirmé que cette communication avait créé une confusion dans l’esprit des électeurs et constituait une manœuvre de nature à altérer la sincérité du scrutin (CE, 6 mai 2015, n°382518).

Il est donc impératif d’utiliser sur les réseaux sociaux des pages, comptes ou profils clairement distincts selon que le contenu est publié par le maire ou le candidat, par la commune ou la liste de candidats. Le lecteur doit être mis en mesure de déterminer, au premier coup d’œil, s’il se trouve en présence d’un support de communication relevant de la collectivité ou d’un outil de propagande. Il est notamment recommandé d’employer un ton adapté à chaque publication, ainsi que d’adopter une identité visuelle se distinguant clairement des codes graphiques traditionnels associés à la municipalité et à la commune.

A contrario, les outils de communication de la municipalité peuvent continuer d’être utilisés « normalement » : le bulletin municipal, à condition qu’il conserve un caractère informatif, peut faire état des réalisations et de la gestion de la municipalité sortante (CE, 17 juin 2015, n°385204).

En matière d’organisation d’évènements au profit du candidat sortant, le juge administratif a estimé, à l’occasion des dernières élections municipales, que le maire sortant peut légitimement :

  • participer à l’inauguration d’un bâtiment dès lors que cette cérémonie intervient réellement dans le cadre de l’ouverture au public de l’édifice et que la cérémonie d’inauguration ne revêt pas un caractère inhabituel (CE, 17 juin 2015, n°385204) ;
  • organiser une cérémonie de vœux dans chacun des quartiers de la commune, puis au Palais des Congrès de la Ville, si cette pratique s’inscrit dans une tradition établie (CE, 8 juin 2015, n° 385721) ;
  • tenir des réunions visant à présenter aux habitants les projets de la commune si celles-ci s’inscrivent dans une pratique habituelle d’information et de concertation avec les habitants mise en œuvre par la municipalité (CE, 17 avril 2015, n°382194).

Conformément à sa jurisprudence antérieure, le juge administratif continue de veiller à ce que les évènements municipaux ne se transforment pas en actions détournées de promotion des réalisations du maire, financée par la municipalité. Afin d’éviter tout écueil à l’approche des élections, la collectivité s’abstiendra de toute communication inhabituelle ou orientée vers la valorisation du maire, sans pour autant renoncer au fonctionnement normal de ses services de communication dans l’intérêt de la commune.

Le respect du devoir de réserve sur tous les réseaux sociaux

L’article L.49 du code électoral interdit, à partir de la veille du scrutin à zéro heure, la distribution de bulletins, circulaires et autres documents, ainsi que la diffusion par tout moyen de communication au public par voie électronique de messages ayant le caractère de propagande électorale. La diffusion de sondages d’opinions est également interdite.

Cette interdiction vise notamment à empêcher qu’un candidat fausse le débat électoral en diffusant publiquement un nouvel élément de polémique électorale, sans que son adversaire ne soit en mesure d’y répondre (C. élect., art. L. 48-2).

Concernant le respect de ce devoir de réserve dans le cadre de l’utilisation d’outils numériques de communication, le Conseil Constitutionnel, dans une décision n° 2017-5092 AN du 18 décembre 2017, a été amené à apprécier la régularité de publications diffusées sur des comptes Facebook publics appartenant au candidat aux élections législatives – également maire – et à son premier adjoint. Compte tenu du faible écart de voix, le Conseil constitutionnel a estimé que cette communication avait bien altéré la sincérité du scrutin.

Le Conseil d’Etat a également annulé des élections au motif que des éléments nouveaux de polémique électorale avaient été introduits dans le débat et diffusés pendant la période de réserve. Le juge a estimé que les propos tenus – sous forme de nouvelle promesse électorale – avaient pu influencer le débat et que le candidat perdant avait été privé de la possibilité de répliquer (CE, 25 févr. 2015, n°385686).

Avant de prononcer une annulation, le juge administratif examine attentivement la teneur des propos, ainsi que leur impact sur le scrutin compte tenu du caractère public et de l’étendue de leur diffusion. Ces critères d’analyse sont applicables à tous types de publications sur les réseaux sociaux, par exemple à la diffusion de « selfies » réalisés dans un isoloir. Interrogé sur la violation du devoir de réserve, le juge a estimé que compte tenu de l’accessibilité retreinte de la publication, de l’absence d’affluence plus marquée au bureau de vote après la diffusion et de propos ayant un lien réel avec le débat électoral dans les commentaires, la publication n’avait pu altérer la sincérité du scrutin (TA Strasbourg, 20 mai 2014, n°1401578).

Bien que la communication privée reste possible sur les réseaux sociaux durant cette période, elle apparaît risquée : il existe en effet une probabilité non-négligeable pour qu’une publication initialement privée soit ensuite relayée et rediffusée à une échelle plus vaste.

Dans de telles circonstances, toute publication après minuit, la veille du scrutin, fait courir un risque inutile au candidat et sa campagne. De même, si la page, le profil ou le forum du site Internet du candidat n’est pas désactivée la veille des élections, celui-ci s’expose à ce que des tiers y publient des propos potentiellement assimilables à de la propagande. Le devoir de réserve s’imposant aussi bien au candidat, à son équipe, aux sympathisants qu’aux citoyens, la sensibilisation du public peut s’avérer nécessaire à son respect scrupuleux.

L’encadrement de l’affichage

Tout affichage relatif à l’élection municipale, même par affichage timbré, est interdit en dehors des emplacements spéciaux prévus par l’article L.51 du code électoral et des panneaux d'affichage d'expression libre.

Néanmoins, en cas d’inobservation de cette règle, le juge administratif se montre pragmatique et n’annule les élections qu’à la condition qu’elle revête le caractère d’une manœuvre ayant altéré la sincérité du scrutin. Seule un affichage massif, dont la durée pourrait être évaluée serait susceptible d’être pris en considération.

Matthieu RAGOT et Julia ESTRADE Avocats à la Cour, DGA, Guide Pratique des Elections
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