En référé, le droit à l'allocation pour demandeur d'asile ne vaut que pour l'avenir

14.10.2016

Droit public

Bien que le défaut de versement de l'allocation pour demandeur d'asile en complément d'un hébergement puisse faire regarder la situation comme relevant d'une urgence, le juge des référés ne peut enjoindre son versement qu'à compter de la notification de son ordonnance.

Dans une ordonnance du 29 septembre 2016, le Conseil d’État juge que, quand bien même une solution d’hébergement aurait été apportée à la demanderesse, il y a urgence à enjoindre à l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) de verser l’allocation de demandeur d’asile. Il n’y a pas toutefois pas lieu de faire droit à la demande tendant au paiement de l’ensemble des sommes dues à compter du jour de l’enregistrement de la demande, l’office du juge des référés étant limité, dans le cadre du référé, au pouvoir de faire cesser, par des mesures provisoires, une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.
Remarque : en l’espèce, le 18 mai 2016, une ressortissante tchadienne avait été déboutée d'une demande de réexamen de sa demande d’asile par une décision de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) qu'elle a contestée devant la Cour nationale du droit d'asile. L'Ofii lui ayant refusé le bénéfice des conditions matérielles d’accueil le 23 juin 2016, l’intéressée a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Nantes qui, par ordonnance du 12 août 2016, a enjoint à l’Ofii de réexaminer sa demande dans un délai de vingt-quatre heures. Le 16 août suivant, l’Ofii l'ayant informé que sa demande était susceptible d’être rejetée, la requérante a ànouveau saisi e juge des référés qui la débouta de sa demande le 9 septembre 2016. C’est cette décision qui était déférée au Conseil d’État.
Une appréciation in concreto de la condition d’urgence
L’ADA nécessaire en complément de l’hébergement
La première question était de savoir dans quelle mesure l’intéressée pouvait se prévaloir d’une situation d’urgence, au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, dès lors que, depuis le 23 septembre 2016, l’Ofii l’avait admise dans un centre d’hébergement.
 
Après avoir rappelé que le juge des référés apprécie la condition d’urgence d’une demande à la date à laquelle il se prononce, le Conseil d’État considère que, malgré une prise en charge effective de l’hébergement, l’urgence était toujours caractérisée. En effet, à la date à laquelle il statuait, l’intéressée ne touchait toujours pas l’allocation pour demandeur d’asile (ADA) et vivait donc dans une situation de grande précarité.
 
La seule circonstance qu’elle arrivait à pourvoir à ses besoins et à ceux de ses enfants grâce à la générosité de compatriotes et d’associations caritatives ne pouvait être, à elle seule, de nature à ne plus faire regarder la situation comme relevant d’une urgence au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative.
Une méconnaissance manifeste des exigences découlant du droit d’asile
S’agissant de l’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, il a suffi au juge des référés du Conseil d’État de constater qu’à la date à laquelle il statuait, l’intéressée ne bénéficiait toujours pas de l’ADA de manière effective, pour en déduire que les conditions posées par la loi étaient réunies.
 
Rappelant à cette occasion qu’une telle atteinte doit s’apprécier en tenant compte des moyens dont dispose l’autorité administrative compétente et de la situation du demandeur, le Conseil d’État considère que « la situation d’extrême vulnérabilité » dans laquelle se trouvait l’intéressée (notamment en raison du fait qu’elle était seule avec ses cinq enfants mineurs) caractérisait « une méconnaissance manifeste des exigences qui découlent du droit d’asile par l’Ofii ».
 
Le cumul de ces deux circonstances (une situation de vulnérabilité et le manquement de l’Ofii à ses obligations), conduit le juge des référés du Conseil d’État à reconnaître tant la gravité que le caractère manifestement illégal de l’atteinte portée à l’exercice du droit d’asile.
Point de départ du droit à l’allocation pour demandeur d’asile
Dans sa décision, le Conseil d’État répond également, bien que de façon implicite, à la question de savoir si le juge des référés peut enjoindre à l’Ofii de verser l’intégralité des sommes dues depuis le jour de l’ouverture des droits.
 
Et ici la réponse paraît claire : dans le strict cadre du référé, le Conseil d’État refuse de conférer un caractère rétroactif à l’octroi d’une d’allocation pour demandeur d’asile.
 
En effet, en ne faisant droit à la demande de versement de l’ADA qu’à compter du 16 août 2016, il estime implicitement mais nécessairement qu‘au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, le règlement au fond du litige de nature pécuniaire ne relève pas de l’office du juge des référés.
 
En l’espèce, la requérante avait demandé que l’ADA lui soit versée à compter du 18 avril 2016, date à laquelle elle avait déposé la demande de réexamen de sa demande d’asile. L’Ofii soutenait cependant que ne devait être prise en compte que la date à laquelle les conditions d’accueil avaient été acceptées par l’intéressée et, dans son ordonnance du 12 août 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes avait seulement enjoint à l’Ofii de réexaminer la demande de versement de l’allocation, dans un délai de vingt-quatre heures. Or, bien qu’il tranche en faveur de la requérante, le Conseil d’État n’enjoint à l’Ofii que de verser l’allocation pour demandeur d’asile « avec effet au 16 août 2016 », la Haute juridiction prenant comme point de départ le jour où l’injonction décidée par la première ordonnance a acquis un caractère exécutoire.
Remarque : le demandeur peut toujours demander au tribunal, dans le cadre d’un recours au fond, le paiement des sommes dues à la date à laquelle il estime avoir ouvert ses droits.

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

Découvrir tous les contenus liés
Christophe Pouly, avocat
Vous aimerez aussi

Nos engagements