Gestation pour autrui : transcription et adoption de l'enfant du conjoint

25.07.2017

Droit public

La Cour de cassation, dans quatre arrêts du 5 juillet 2017, revient sur les conditions de la transcription de l'acte civil d'un enfant né par gestation pour autrui et ouvre la voie de l'adoption de l'enfant du conjoint.

Par quatre arrêts rendus le 5 juillet 2017, la Cour de cassation suit la voie ouverte par son important revirement de jurisprudence en 2015 ( Cass. ass. plén., 3 juill. 2015, n°14-21.323) et les condamnation multiples de la France par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) (CEDH, 21 juill. 2016, aff. 9063/14 et 10410/14, Foulon et Bouvet c/ France), en ordonnant la transcription des actes de naissance dressés à l’étranger après une gestation pour autrui et en admettant l’adoption de l’enfant par le conjoint du parent biologique. Surtout, elle admet la possibilité d’une adoption de l’enfant du conjoint en dépit du recours à la gestation pour autrui. En revanche, la Cour de cassation refuse la transcription d’un acte dressé à la suite de manœuvres frauduleuses (falsification de pièces médicales) et s’oppose toujours à la désignation de la mère d’intention comme mère de naissance.

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Transcription sous conditions

A quelles conditions un acte d’état civil régulièrement dressé dans les formes du droit étranger peut-il servir à établir un acte de naissance français d'un enfant né par gestation pour autrui ? La question n’est pas nouvelle et la réponse, tranchée il y a deux ans ; sous la pression des condamnations de la CEDH, la Cour de cassation avait fini par accepter la transcription "d’un acte de naissance concernant un Français, dressé en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays [...] sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité" (Cass. ass. plén., 3 juill. 2015 n° 14-21.323 et n° 15-50.002). Les faits déclarés doivent avoir une réalité, ce qui signifie en particulier que la mère de naissance doit être désignée comme la mère dans l’acte d’état civil étranger, pour que celui-ci puisse être transcrit. Tel n’était pas le cas dans deux des quatre affaires tranchées par la cour de cassation le 5 juillet 2017 (arrêts n° 15-28.597 et 16-16.901) qui concernaient des couples de sexes différents : dans une première espèce (arrêt n°15-28.597), les enfants étaient nés d’une mère de substitution en Californie dont la loi prévoit un assignement préalable à la naissance au profit des parents d’intention par l’effet d’un jugement et se voient ainsi déclarés parents automatiquement à la naissance y compris la mère d’intention. Dans une seconde espèce, les parents d’intention avaient établi leur filiation conformément aux formes ukrainiennes et la mère d’intention des deux enfants nés de gestation pour autrui était indiquée comme mère de naissance (n° 16-16.901). Dans ces deux affaires, la Cour de cassation admet donc la transcription à condition que celle-ci soit effectuée sans indication de la mère d’intention, conformément aux règles dégagées par l’arrêt d’assemblée plénière du 3 juillet 2015.

Adoption de l'enfant du conjoint

L’adoption de l’enfant du conjoint est-elle possible dans un tel contexte ? La troisième affaire (n° 16-16.455) apporte cette précision. Il s’agissait cette fois d’un couple de même sexe ayant eu recours à une mère de substitution en Californie laquelle avait reconnu l’enfant ainsi que le géniteur de l’enfant. Le couple d’intention était constitué de deux hommes pacsés au moment de la naissance de l’enfant et qui se sont mariés peu après l’adoption de la loi ouvrant le mariage aux personnes de même sexe en 2013. Logiquement, on ne voit rien à redire à la validité de l’acte de naissance ni à sa transposition dans les actes d’état civil français et la question n’était pas soulevée ni même évoquée devant la Cour de cassation. En revanche, l’adoption de l’enfant du conjoint (adoption simple car l’enfant avait déjà une filiation maternelle établie, C. civ., art. 345-1, 1°) avait été rejetée au double motif qu’elle résultait d’un processus de gestation pour autrui prohibé par la loi française et que « le consentement initial [au processus de gestation pour autrui] de [la mère] dépourvu de toute dimension maternelle subjective ou psychique, prive de portée juridique son consentement ultérieur à l’adoption de l’enfant dont elle a accouché ». L’arrêt de la cour d’appel de Dijon est cassé car en premier lieu « le recours à la gestation pour autrui à l’étranger ne fait pas, en lui-même, obstacle au prononcé de l’adoption, par l’époux du père, de l’enfant né de cette procréation, si les conditions légales de l’adoption sont réunies et si elle est conforme à l’intérêt de l’enfant » alors qu’en second lieu la cour « constatait l’existence, la sincérité et l’absence de rétractation du consentement à l’adoption donné par la mère de l’enfant ». Il en résulte une ouverture manifeste aux adoptions de l’enfant du conjoint après gestation pour autrui, qui toutefois ne pourraient être des adoptions plénières que dans le cas où l���acte de naissance ne comporte pas le nom de la mère.

Manœuvres frauduleuses

Quant aux manœuvres frauduleuses s’apparentant à un trafic d’enfant, elles restent bien évidemment sanctionnées. Ainsi, dans le quatrième arrêt (n°16-16.495), l’officier de l’état civil du consulat de France à Bombay (Inde) avait dressé, sur ses registres de l’état civil, l’acte de naissance d’un enfant comme étant né des deux parents sur la foi de documents falsifiés par ces derniers. L’acte est annulé et ni le recours à la possession d’état ni la preuve de la réalité biologique de la paternité, qui n’avait d’ailleurs pas été semble-t-il rapportée, ne pouvaient y faire obstacle s’agissant d’un acte manifestement frauduleux.
Au fil des arrêts et des circulaires, la gestation pour autrui pratiquée à l’étranger se voit ainsi reconnaître une véritable validité juridique sous le contrôle du parquet de Nantes, compétent en matière de reconnaissance d'un jugement d'adoption étranger, et l’œil vigilant des juridictions internes et européennes.

Yann Favier, Professeur de droit privé à l'université Jean Monnet (CERCRID-UMR-CNRS 5137)
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