ITF : le rejet d'une demande de relèvement doit se fonder sur l'actualité de la dangerosité

05.01.2022

Droit public

Pour apprécier le bien fondé d'une demande de relèvement d'une interdiction du territoire français, le juge doit apprécier le caractère actuel de la dangerosité du demandeur, et non se reporter exclusivement aux faits pour lesquels il a été condamné, si graves soient-ils.

Par un arrêt du 7 décembre 2021, non publié, la chambre criminelle de la Cour de cassation casse pour défaut de motivation et au motif que l’actualité de la dangerosité du demandeur n’avait pas été appréciée, la décision d’une cour d’appel qui avait refusé de relever une peine d’interdiction du territoire français (ITF) compte tenu de la gravité des faits pour lesquels l’intéressé avait été condamné.

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

Découvrir tous les contenus liés

Remarque : pour rejeter la demande de relèvement, la cour d’appel avait estimé que le maintien de la peine d'ITF prononcée ne constituait pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé, eu égard à la gravité des faits sanctionnés, rendant l'ingérence de l'autorité publique dans l'exercice de ce droit nécessaire à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales.

Pour la Cour de cassation, le contrôle de proportionnalité de la nécessité de maintenir une peine d’ITF implique en effet nécessairement de prendre en compte l’évolution de la situation du demandeur. 

En l’espèce, par une motivation particulièrement circonstanciée, la cour d’appel avait rappelé les antécédents du demandeur et estimé que l'objectif de préservation de l'ordre public et de prévention des infractions pénales restait pleinement d'actualité, « compte tenu de l'importance de [son] engagement djihadiste antérieur et profond dans un contexte toujours actuel de menace terroriste islamiste », rendant nécessaire le maintien de l’interdiction du territoire français, « quelle que soit l'importance de ses liens familiaux ».

Remarque : ces antécédents consistaient notamment en des liens étroits en France avec d'autres personnes, dont un personnage clé au sein du dijhadisme français qui avait projeté des attentats en Europe, en un refuge en Grande-Bretagne auprès d'une autre cellule activiste, en un déplacement en Afghanistan avec des personnes ayant reconnu avoir décidé de s'installer dans ce pays pour y combattre aux côtés de membres d'Al Qaïda, en une participation à des entraînements dans les camps sous une fausse identité et, avant et après ce séjour, en des contacts avec les membres de différentes cellules européennes de la mouvance djihadiste.

Pour la chambre criminelle, cette motivation est toutefois insuffisante au sens de l’article 593 du code de procédure pénale.

En effet, précise-t-elle, « les juges ne pouvaient, sans insuffisance, justifier le maintien de la peine complémentaire en cause sans apprécier le caractère actuel de la dangerosité de l'intéressé en lien avec le terrorisme, lequel ne saurait résulter de son seul engagement djihadiste antérieur, même profond, mais désormais ancien, quand bien même serait-il rapporté au contexte toujours actuel de menace terroriste islamiste ».

Christophe Pouly, avocat
Vous aimerez aussi

Nos engagements