Juridictions de la tarification sanitaire et sociale : des compétences confortées

31.05.2016

Droit public

Par deux arrêts du 6 mai 2016, le Conseil d'État conforte les compétences des juridictions de la tarification sanitaire et sociale.

Les juridictions de la tarification sanitaire et sociale sont des juridictions administratives spécialisées. Elles ont des compétences d’attribution, fixées par la loi. Elles doivent les interpréter strictement, sous peine sinon d’empiéter notamment sur celles des tribunaux administratifs. Interpréter strictement leurs compétences d’attribution certes, mais pas trop non plus. Tel est l'enseignement de deux arrêts du Conseil d'État du 6 mai 2016 qui se situent dans le prolongement de précédentes décisions de la Haute juridiction administrative (notamment, CE avis, 21 juin 2016, n° 290909 et CE, 11 janv. 2008, Association Les Parentèles, n° 304476).

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

Découvrir tous les contenus liés
Clôture des comptes d'un CER

Dans la première affaire, un centre éducatif renforcé (CER) géré par l’association Les amis de Tatihou, avait fait l’objet d’une décision de fermeture prise par le préfet de département du Gard. Cet arrêté, daté du 17 juin 2014, entra en vigueur le 1er juillet de la même année. Par un second arrêté du 7 novembre 2014, le préfet de département clôtura les comptes de cet établissement. Pour ce faire, il se fonda sur le compte administratif portant sur la période du 1er janvier au 30 juin 2014. Incluant, notamment, les indemnités résultant du licenciement du personnel, le préfet arrêta à 296 975,83 € le total des charges devant être financées par l'État en complément des produits de la tarification déjà versés à l'établissement, soit un montant inférieur à ce qu’avait proposé l’association.

Cette dernière, en désaccord avec le montant finalement retenu par le préfet, décida de saisir le tribunal administratif de Nîmes mais aussi le tribunal interr��gional de la tarification sanitaire et sociale (TITSS) de Bordeaux. Espérant qu’un de ces tribunaux pourrait traiter le litige. Malheureusement pour elle, les deux juridictions se déclarèrent incompétentes et le TITSS, qui se prononça en second, transmis l’affaire au président de la section du contentieux du Conseil d’État. Or, la Haute juridiction administrative a considéré que ce litige se rapportait à la détermination des tarifs des établissements et services sociaux et médico-sociaux. Et que, en vertu de l’article L. 351-1 du CASF, c’est bien le TITSS qui est compétent pour trancher ce type de litige.

L’affaire a donc été renvoyée au TITSS de Bordeaux qui va devoir maintenant se prononcer sur le fond de l’affaire, notamment sur la base légale de l’arrêté du préfet et, s’il y en a une, le niveau du montant fixé et versé.

Cas du contentieux des créances glissantes

La seconde affaire portait sur les fameuses créances glissantes d’un centre d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS). Les centres existants avant le 1er janvier 1986 étaient financés par prix de journée. A partir de cette date, ils le furent par dotation globale annuelle. Afin de ne pas avoir à payer en 1986, les prix de journée de décembre 1985 facturés en janvier 1986 et l’intégralité de la dotation annuelle de 1986, l’État décida de reporter de mois en mois et d’année en année une somme équivalente à celle due au titre de l'ancien mode de tarification (D. n° 85-1458, 30 déc. 1985 et D. n° 88-279, 24 mars 1988). Dans ces conditions, un certain nombre d’établissements ou services ont dans leurs comptes ces fameuses créances glissantes.

En l'espèce, la caisse d’allocations familiales (CAF) de Lille, gestionnaire d’un CHRS, céda, au 1er janvier 1994, un tel centre à une association. A une date non précisée par l’arrêt du Conseil d’État mais remontant à 2011 selon le Rapporteur public, la CAF demanda à l’État le paiement de la créance glissante. L’État n’ayant pas réglé la somme en question, le tribunal administratif de Lille fut saisi et son vice-président rejeta par ordonnance la requête de la CAF. En appel, la Cour administrative d’appel de Douai annula cette ordonnance, considérant que le tribunal administratif n’avait pas à se prononcer sur le fond de l’affaire mais que cela relevait du TITSS de Nancy. Interprétant strictement sa compétence d’attribution, ce dernier se déclara à son tour incompétent et renvoya l’affaire au Président de la section du contentieux du Conseil d’État.

Dans cette affaire également, le Conseil d’État considéra que ces contentieux relèvent des TITSS. En effet, pour la Haute juridiction administrative, ce litige est relatif aux règlements effectués par l'État en 1986 au titre des facturations de prix de journée de 1985 et des dotations globales de financement des années suivantes. Il se rattache ainsi à la détermination des tarifs des établissements et services sanitaires, sociaux et médico-sociaux, au sens des dispositions de l'article L. 351-1 du code de l'action sociale et des familles. Par suite, il relève donc de la compétence en premier ressort du tribunal interrégional de la tarification sanitaire et sociale.

L’affaire porte sur 315 752,20 €, on la suivra avec beaucoup d’attention, notamment pour apprécier les règles de prescription de la somme en question et, en cas de non prescription, si la somme demandée par l’asssocation est bien la bonne.

Rationalisation des blocs de compétences

A travers ces deux arrêts, il faut voir une volonté du Conseil d’État de poursuivre la rationalisation des blocs de compétences attribués aux différentes juridictions relevant de l’ordre administratif, comme l’indique le Rapporteur public dans ses conclusions. Qui entend simplifier un peu les règles de répartition des compétences juridictionnelles, dont on conviendra qu’elles sont loin d’être limpides pour le justiciable. En matière de tarification sanitaire et sociale, le projet de loi de modernisation de la justice du 21me siècle n’apporte malheureusement pas de telles simplifications, se désintéressant des juridictions de la tarification sanitaire et sociale.  

 

Arnaud Vinsonneau, Juriste en droit de l'action sociale
Vous aimerez aussi

Nos engagements