L'habilitation familiale n'est pas une mesure de protection judiciaire

27.12.2017

Droit public

Lorsque le juge des tutelles est saisi d'une demande d'ouverture d'une mesure de protection judiciaire (sauvegarde de justice, curatelle ou tutelle), il n'est pas autorisé à mettre en place une mesure d'habilitation familiale.

En vigueur depuis le 26 février 2016, l’habilitation familiale est une procédure qui permet aux proches de la famille d’un majeur hors d’état de manifester sa volonté, de le représenter ou de passer certains actes en son nom en évitant la mise en place d’une mesure de protection judiciaire (sauvegarde de justice, curatelle ou tutelle). Cette procédure, prévue aux articles 494-1 et suivants du code civil, relève du juge des tutelles. Lorsque ce dernier est saisi d’une demande d’ouverture d’une mesure de protection judiciaire, peut-il néanmoins ouvrir une habilitation familiale ? Non, tranche la première chambre civile de la Cour de cassation de manière inédite.

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Une tutelle contestée

Dans l’affaire qui lui était soumise, un juge des tutelles, saisi par un procureur de la République, avait placé sous tutelle une personne majeure et désigné un mandataire judiciaire à la protection des majeurs en qualité de tuteur. La fille de la personne protégée a fait appel de cette décision et demandé, à cette occasion, l’ouverture d’une habilitation familiale afin qu’elle représente sa mère. La cour d’appel refuse de procéder à cette substitution de mesure en considérant que « la représentation de la majeure protégée devait être globale et totale ».

Pas d’habilitation familiale possible

La fille de la majeure protégée forme alors un pourvoi qui est rejeté par la Cour de cassation. Dans un attendu très clair, la Haute juridiction souligne « qu’aucune disposition légale n’autorise le juge des tutelles, saisi d’une requête aux fins d’ouverture d’une mesure de protection judiciaire, à ouvrir une mesure d’habilitation familiale ». En d’autres termes, pour qu’une telle mesure soit ouverte, il faut que le juge des tutelles soit initialement saisi d’une demande en ce sens. Ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

Singularité des procédures

Cette décision souligne la nature très particulière de l’habilitation familiale qui ne doit pas être confondue avec une mesure de protection judiciaire. Ce, alors même qu'elle requiert l'intervention du juge des tutelles pour être ordonnée principalement, l'accomplissement de certains actes par la personne habilitée nécessitant par ailleurs l'autorisation du juge.

À l’inverse de l’affaire tranchée par la Haute juridiction, si un juge des tutelles est saisi d’une demande d’habilitation familiale (générale ou spéciale), il ne pourra pas prononcer l’ouverture d’une mesure de protection judiciaire à la place. En cas de refus de l’habilitation, le juge devra être ultérieurement saisi, le cas échéant, d’une demande d’ouverture d’un des trois dispositifs de protection plus contraignants. Dans le cas d'espèce, il aurait fallu que la fille de la personne protégée demande la mainlevée de la mesure de tutelle pour ensuite solliciter l'habilitation familiale.

En pratique, la méconnaissance de l’autonomie de ces différentes procédures risque de se traduire par une multiplication des démarches engagées notamment par les familles. Avec, in fine, le maintien de l’engorgement des tribunaux encore récemment critiqué par la Cour des comptes (« La protection juridique des majeurs : une réforme ambitieuse, une mise en œuvre défaillante », sept. 2016).

 

Véronique Baudet-Caille, Docteur en droit
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