La carence de l'Ase expose les mineurs isolés à des traitements inhumains et dégradants

31.08.2016

Droit public

Pour le Conseil d'État, le département expose des mineurs isolés à un traitement inhumain et dégradant en les laissant à la rue, dans une situation précaire et d'extrême vulnérabilité, en dépit d'une ordonnance de protection.

Dans quatre décisions du 27 juillet 2016, le Conseil d’État juge qu’aucune circonstance ne justifie qu’un mineur isolé bénéficiant d’une ordonnance de protection ne soit pas pris en charge effectivement par les services sociaux.
Une obligation particulière pour le mineur isolé sans abri et en danger
Une telle obligation de prise en charge, qui résulte de l’article L. 222-5 du code de l’action sociale et des familles et doit être remplie « dans les conditions prévues par la décision du juge des enfants », impose au département « de prendre en charge l’hébergement et de pourvoir aux besoins des mineurs confiés au service de l’aide sociale à l’enfance (ASE) ».
 
Plus encore, pour le Conseil d’État, « une obligation particulière pèse sur ces autorités lorsqu’un mineur privé de la protection de sa famille est sans abri et que sa santé, sa sécurité ou sa moralité est en danger ».
 
La carence caractérisée du département, qui résulte notamment du non-respect de l’ordonnance de protection rendue par le juge des enfants, doit donc être regardée comme portant une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale « lorsqu’elle entraîne des conséquences graves pour le mineur intéressé », lesquelles peuvent alors être susceptibles de constituer un traitement inhumain et dégradant.
 
Pour le Conseil d’État, constitue un tel traitement le fait de laisser des mineurs isolés « dans une situation de précarité et d’extrême vulnérabilité » vivre dans des tentes, dans des conditions d’insalubrité, sans assurer la couverture des besoins élémentaires tels que la nourriture, l’accès à l’eau potable et à l’hygiène.
L’office du juge des référés en cas de carence du département
En cas de carence caractérisée du département quant à l’exécution de la mission qui lui échoit, le juge des référés apprécie « les mesures qui peuvent être utilement ordonnées sur le fondement de l’article L. 521-2 ». Compte tenu de l’urgence, ces mesures « peuvent revêtir toutes modalités provisoires de nature à faire cesser l’atteinte grave et manifestement illégale portée à une liberté fondamentale, dans l’attente d’un accueil du mineur dans un établissement ou un service autorisé, un lieu de vie et d’accueil ou une famille d’accueil si celui-ci n’est pas matériellement possible à très bref délai ». Elles doivent être envisagées au cas par cas, « en tenant compte des moyens dont l’administration départementale dispose ainsi que de la situation du mineur intéressé ».
 
En cas de carence, il appartient aux titulaires du pouvoir de police générale, qui sont garant de la sauvegarde de la dignité humaine, de se substituer au département afin de faire cesser la situation. Indépendamment de l’injonction adressée au département, le juge des référés peut donc enjoindre à l’autorité titulaire du pouvoir de police générale de se substituer à ce dernier et, à titre provisoire, d'assurer la protection du mineur si « les mesures de sauvegarde à prendre excéderaient les capacités d’action du département ».
 
A cet égard, dans les quatre espèces, le Conseil d’État valide l’injonction du juge des référés du tribunal administratif de Lille de proposer une solution d’hébergement, « incluant le logement et la prise en charge des besoins élémentaires quotidiens » dans un délai de trois jours.

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Christophe Pouly, avocat
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