La Commission européenne veut relever les seuils de la directive comptable

La Commission européenne veut relever les seuils de la directive comptable

14.09.2023

Gestion d'entreprise

Dans l'objectif d'améliorer la compétitivité des PME, l'exécutif européen veut ajuster les seuils du cadre comptable en tenant compte de l'inflation. Nous détaillons les principales conséquences qu'entraînerait une telle modification.

Le périmètre de l'audit légal des comptes des sociétés commerciales va-t-il changer ? Cette question redevient d'actualité tant à l'échelle européenne que de la France. Avant-hier, la Commission européenne a indiqué vouloir modifier les seuils de la directive comptable, lequels comprennent ceux de contrôle légal des comptes, afin de tenir compte de l'inflation. Une mesure qu'elle avait pourtant écartée en 2021 tout en se réservant la possibilité de changer d'avis pour justement tenir compte de la hausse des prix. Depuis, l'inflation à un niveau élevé s'est installée. Et l'argument de la complexité administrative qui pénaliserait la compétivité des PME a refait surface aux yeux de l'exécutif européen.

Mesures divulguées en octobre

"La Commission [européenne] présentera en octobre 2023 des mesures supplémentaires visant à rationaliser les obligations de reporting, bénéficiant à la fois aux entreprises et aux administrations, déclare l'exécutif européen. Il s'agit par exemple d'ajuster les seuils de la directive comptable en tenant compte des effets de l'inflation. Cela conduira à une approche plus proportionnée et entraînera l'exclusion d'un certain nombre d'entreprises du champ d'application de la directive et des obligations de déclaration associées. Les micro, petites et moyennes entreprises bénéficieront de cet ajustement des seuils de la directive comptable", détaille-t-il dans le cadre d'un plan destiné à renforcer la compétitivité et la résilience des PME.

Seuils non relevés depuis 2013

Il faut donc attendre le mois prochain pour connaître officiellement les mesures. On peut toutefois dores et déjà faire plusieurs remarques. Premièrement, la Icône PDFdirective 2013/34/UE, dite directive comptable, donne la possibilité à la Commission européenne de modifier, par actes délégués, les niveaux définissant les catégories comptables d'entreprises pour tenir compte de l'inflation (article 3, paragraphe 13 de la directive). Quels pourraient être les nouveaux niveaux de chiffre d'affaires et de bilan (le critère de l'effectif ne semble pas a priori concerné) ? Dans la zone euro, l'inflation s'élève à 19,11 % entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2022 (source : Eurostat, 19 pays (2015-2022)) étant précisé que les seuils n'ont pas été modifiés depuis 2013. Dans l'Union européenne, elle s'élève à 21,06 % sur cette même période (source : Eurostat, Union européenne à 27 pays (depuis 2020)).

La Commission européenne évoque aussi "l'exclusion d'un certain nombre d'entreprises du champ de la directive". Ce sujet surprend. Actuellement, la directive s'applique aux sociétés commerciales dont la responsabilité des associés est, directement ou indirectement, limitée. Il n'y a pas de seuils qui excluent ces sociétés de l'ensemble de la directive. Les seuils ont pour conséquence d'apporter des spécificités à certaines entreprises telles que la création d'obligations supplémentaires ou la possibilité, offerte aux Etats membres, de lever des options.

Vers une réduction du périmètre d'audit légal des comptes en France ?

Ainsi, cette directive n'impose pas aux petites sociétés de désigner un contrôleur légal des comptes contrairement par exemple aux moyennes et grandes entreprises. Comme les seuils d'audit de la petite entreprise choisis par la France sont les plus bas possibles (voir le tableau ci-dessous), leur relèvement entraînerait une réduction du périmètre de l'audit légal dans l'hexagone. Parmi les autres mesures spécifiques aux PME figurent une série d'options offertes aux Etats membres en ce qui concerne la confidentialité des informations comptables. Par exemple la possibilité de ne pas exiger la publication des comptes annuels des micro-entreprises ou du compte de résultat des petites entreprises avec toutefois, dans les deux cas, un accès intégral aux comptes annuels qui demeure pour certaines parties prenantes. Des options que la France a levées comme nous le détaillons ci-dessous.

 

Les catégories d'entreprise de la directive comptable (*)
Catégorie d'entreprise Définition Principales caractéristiques à l'échelle de l'Union européenne
Micro-entreprise

Entreprise qui ne dépasse pas les limites chiffrées d'au moins deux des trois critères suivants :

► 350 000 euros de total bilan ;

► 700 000 euros de chiffre d'affaires ;

► 10 salariés

Les Etats membres ne sont toutefois obligés de créer la catégorie des micro-entreprises que pour pouvoir appliquer une ou plusieurs options prévues à l'article 36 de la directive (voir les options dans la colonne ci-contre)

 Possibilité d'être exempté d'établir une annexe.

La France a levé cette option (article L 123-16-1 du code de commerce)

 

Possibilité de ne pas publier les comptes annuels.

La France a levé cette option mais l'accès aux comptes annuels demeure pour certaines parties prenantes (article L 232-25 du code de commerce).

 

► Possibilité d'établir un bilan abrégé.

La France a levé cette option pour les micro-sociétés en sommeil (article L 123-28-2 du code de commerce).

 

► Possibilité d'établir un compte de résultat abrégé.

La France a levé cette option pour les micro-sociétés en sommeil (article L 123-28-2 du code de commerce).

 

► Les micro-entreprises sont exemptées d'établir un reporting de durabilité

 

► Les micro-entreprises sont par ailleurs considérées comme des petites entreprises

Petite entreprise

Entreprise qui ne dépasse pas les limites chiffrées d'au moins deux des trois critères suivants :

► 4 millions d'euros de total bilan ;

► 8 millions d'euros de chiffre d'affaires ;

► 50 salariés

Les Etats membres peuvent relever les seuils de bilan et de chiffre d'affaires jusqu'à respectivement 6 millions d'euros et 12 millions d'euros. La France a levé cette option au maximum possible (bilan de 6 millions d'euros, chiffre d'affaires de 12 millions d'euros) pour les seuils comptables mais a choisi les seuils minimum pour la désignation obligatoire du commissaire aux comptes (bilan de 4 millions d'euros, chiffre d'affaires de 8 millions d'euros)

► Les petites sociétés ne sont pas tenues de désigner un contrôleur légal des comptes

 

► Les États membres peuvent autoriser les petites entreprises à établir un compte de résultat abrégé

La France a levé cette option (article L 123-16 du code de commerce).

 

► Les États membres peuvent autoriser les petites entreprises à établir un bilan abrégé

La France a levé cette option (article L 123-16 du code de commerce).

 

► Les petites sociétés cotées sur un marché réglementé dans l'Union européenne sont soumises au futur reporting de durabilité (avec des normes spécifiques aux PME) lequel doit faire l'objet d'un contrôle externe

 

► Les États membres peuvent exempter les petites entreprises d'établir un rapport de gestion

La France a levé cette option (article L 232-1 du code de commerce).

 

► Les États membres peuvent exempter les petites entreprises de l'obligation de publier leur compte de résultat.

La France a levé cette option mais l'accès au compte de résultat demeure pour certaines parties prenantes (article L 232-25 du code de commerce).

La France donne aussi aux petites entreprises la possiblité d'amortir comptablement leurs fonds commerciaux sur dix ans (article 214-3 du plan comptable général)

Moyenne entreprise

Une moyenne entreprise est une entreprise qui n'est pas une micro- entreprise ou une petite entreprise et qui, à la date de clôture du bilan, ne dépasse pas les limites chiffrées d'au moins deux des trois critères suivants :

► 20 millions d'euros de total du bilan ;
► 40 millions d'euros de chiffre d'affaires

► 250 salariés

► Les États membres peuvent autoriser les moyennes entreprises à établir un compte de résultat abrégé.

La France a levé cette option (article L 123-16 du code de commerce).

 

► Les moyennes sociétés cotées sur un marché réglementé dans l'Union européenne sont soumises au futur reporting de durabilité (avec des normes spécifiques aux PME) lequel doit faire l'objet d'un contrôle externe

► L'annexe doit contenir des informations complémentaires au cadre commun

► Les États membres peuvent autoriser les moyennes entreprises à publier un bilan abrégé

La France a levé cette option (article L 232-25 du code de commerce).

 

► Les États membres peuvent autoriser les moyennes entreprises à publier une annexe abrégée

La France a levé cette option (article L 232-25 du code de commerce).

 

► Les moyennes sociétés doivent désigner un contrôleur légal des comptes

Grande entreprise

Une grande entreprise est une entreprise qui, à la date de clôture du bilan, dépasse les limites chiffrées d'au moins deux des trois critères suivants :

► 20 millions d'euros de total du bilan ;
► 40 millions d'euros de chiffre d'affaires

► 250 salariés

► Les grandes entreprises sont soumises au futur reporting de durabilité lequel doit faire l'objet d'un contrôle externe

► L'annexe doit contenir des informations complémentaires au cadre commun

► Les grandes entreprises doivent désigner un contrôleur légal des comptes

(*) directive 2013/34/UE. Ni les entités d'intérêt public ni les catégories de groupe ne sont présentées dans ce tableau. Par ailleurs, nous ne mentionnons pas toutes les éventuelles conditions à remplir pour bénéficier de certaines mesures.

Ludovic Arbelet

Nos engagements