La Commission européenne veut remettre la Grèce sur le chemin de Dublin

28.10.2016

Droit public

Adressant six nouvelles recommandations à l'État grec, la Commission européenne prépare une reprise graduelle des transferts « Dublin » vers ce pays... à l'horizon 2017.

Comme le rappelle la Commission européenne, depuis 2011, à la suite des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH, 21 janv. 2011, aff. 30696/09, M.S.S. c/ Belgique et Grèce) et de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, 21 déc. 2011, aff. C-411/10, N.S. et a) constatant des défaillances systémiques dans le système d'asile grec, les États membres (et notamment la France) ont suspendu le transfert à la Grèce des demandeurs d'une protection internationale dans le cadre du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 (dit « règlement Dublin »).
 
Dans une recommandation du 28 septembre 2016 publiée au Journal officiel de l’Union européenne du 21 octobre 2016, la Commission demande à nouveau à la Grèce d’adopter et de mettre en œuvre des mesures spécifiques urgentes en vue d’une reprise progressive des transferts « Dublin » à l’horizon du 1er janvier 2017. L’exposé des motifs de cette recommandation dresse pourtant un bilan plus que mitigé quant aux progrès réalisés par les autorités grecques depuis le 1er décembre 2016, et les six recommandations qu’elle adresse révèlent que tout ou presque reste à faire.
Remarque : au demeurant, il est peu probable que la Grèce atteigne les objectifs fixés par l’Union avant la fin de l’année. Et, à supposer même qu’elle y arrive, il semble évident que la reprise des transferts aggravera nécessairement une situation déjà très difficile.
Un déficit chronique de places d’hébergement
S’agissant des conditions et structures d’accueil, la Commission demande d’abord à la Grèce de poursuivre ses efforts en mettant en œuvre les plans qui ont été élaborés, et de garantir l’accès aux soins médicaux des migrants. Au 14 septembre 2016, 62 987 places étaient disponibles (chiffres comprenant l’ensemble des structures d’accueil, mêmes provisoires). Toutefois, la Commission relève qu’entre le 1er janvier et le 12 septembre 2016, 165 202 migrants sont arrivés en Grèce, parmi lesquels près de 28 000 d’entre eux ont pu déposer une demande d’asile.
Remarque : à ce compte, on peut se demander dans quelle mesure les autorités grecques pourront un jour faire face à leurs obligations. Et ce d’autant que, selon les informations recueillies par Bruxelles, les deux mécanismes mis en place pour soulager le pays (procédures de relocalisation et reprises en charge des migrants pas les autorités turques) ne fonctionnent pas. Les autorités grecques s’inquiètent à raison de la perspective d’une reprise des transferts qui n’auraient que pour effet d’augmenter encore plus le contingent des demandeurs d’asile.
Il est également demandé que la prise en charge des mineurs isolés soit mieux assurée, le dispositif étant également saturé : seulement 891 places recensées au 19 septembre 2016 et près de 1 487 mineurs déclarés isolés n’ayant accès à aucun hébergement. Or, pour faire face à cette situation, les autorités grecques placent les mineurs isolés en rétention « pendant de longues périodes, dans des conditions de surpopulation et d’insalubrité, sans représentant et sans accès à l’aide juridictionnelle, jusqu’à ce qu’un logement approprié puisse être mis à leur disposition », relève la Commission, qui recommande par ailleurs la pleine application de la nouvelle loi grèque créant une structure administrative dédiée à la prise en charge des mineurs isolés.
 
Le traitement des personnes vulnérables doit aussi être amélioré, tant au stade de leur identification que de celui de leur prise en charge, notamment par la mise en œuvre d’une nouvelle procédure de tutelle.
Une amélioration des conditions d’examen des demandes de protection
Du point de vue de la procédure d’examen des demandes de protection internationale, la Commission recommande fortement que les effectifs du « service asile » soient renforcés afin de pouvoir traiter les demandes de manière efficace. Si les effectifs ont doublé par rapport à 2016, comptant ainsi près de 350 agents, 300 autres postes devraient être ouverts dans les prochains mois. Mais pour la Commission, le nombre d’agents présents et à venir reste très en deçà de ce qui est requis pour assurer un traitement rapide et efficace des demandes de protection.
 
Les autorités grecques doivent encore optimiser le fonctionnement des nouvelles commissions de recours (au nombre de cinq actuellement) au sein desquelles siègent deux juges de la cour administrative et, soit un représentant du HCR, soit un représentant de la Commission nationale des droits de l’homme, afin que celles-ci puissent statuer sur « tous les recours formés contre des décisions prises par le service d'asile grec à partir du 24 juin 2016 [...] et principalement sur les affaires introduites dans les îles grecques, afin de contribuer à la mise en œuvre de la déclaration UE-Turquie ». Ces commissions s’ajoutent aux vingt préexistantes en charge de l’examen de « l’arriéré » comptant près de 8 700 dossiers.
 
Enfin, si le principe de l’aide juridique, dont une partie est financée par l’Union et l’autre par le HCR, a été intégré dans la législation, celle-ci n’est manifestement pas encore effective. Une décision ministérielle pour l’application des nouvelles dispositions a toutefois été adoptée le 9 septembre 2016 et une liste d’avocats devrait être établie d’ici la fin de l’année.

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Christophe Pouly, avocat
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