La consultation sur l'accession à la pleine de souveraineté de la Nouvelle-Calédonie en pratique

07.05.2018

Droit public

Les inscriptions sur les listes et les modalités de vote s'adaptent aux enjeux de la consultation.

Le processus d’autodétermination et d’accession à la souveraineté de la Nouvelle-Calédonie a été émaillé de plusieurs consultations historiques, la première, en 1987, se soldant par de violents affrontements entre les partisans de l’indépendance et leurs opposants. Ces conflits ont donné lieu à la signature des accords de Matignon-Oudinot, des 26 juin et 20 août 1988, soumis eux-mêmes à un référendum national.

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Ces accords ont abouti à la signature, le 5 mai 1998, de l’accord de Nouméa, ratifié par référendum local le 8 novembre 1998. L’accord de Nouméa prévoyait notamment le transfert de certaines compétences de la France vers la Nouvelle-Calédonie dans de nombreux domaines à l'exception des domaines régaliens de la défense, de la sécurité, de la justice et de la monnaie. Il entérinait ainsi l’entrée de la Nouvelle-Calédonie dans un processus officiel d’accession à la souveraineté, dont le principe est encore inscrit au sein même de la Constitution française, en ses articles 76 et 77.

La loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie a par la suite fixé le cadre juridique de la mise en œuvre de ce processus. En particulier, l’article 217 prévoyait que la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie doit se tenir avant la fin de l’année 2018.

C’est dans ce cadre que, le 19 mars 2018, le Congrès de Nouvelle-Calédonie a fixé la date de la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie au 4 novembre 2018.

Alors que les consultations ayant trait à la souveraineté de la Nouvelle-Calédonie ont été notamment caractérisés par des taux d’abstention record lors des scrutins – que ce taux d’abstention ait été la conséquence d’une stratégie politique ou de difficultés liées à leur tenue pratique –, l’un des enjeux majeurs réside dans l’organisation pratique et effective de la prochaine consultation sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie. C'est précisément l'objet de la loi organique n° 2018-280 relative à l'organisation de la consultation sur l'accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie adoptée le 19 avril 2018. Cette loi, qui modifie certaines dispositions de la loi n°99-209 susmentionnée, met en œuvre l’accord politique obtenu à l’occasion du XVIème Comité des signataires de l’Accord de Nouméa du 2 novembre 2017 à Matignon. Ces modalités d’organisation du scrutin inédites ont pour objet de garantir la légitimité et la sincérité du résultat du scrutin.

La  loi, composée de 10 articles, est brève. Elle favorise la représentativité du scrutin en inscrivant d’office près de 11 000 personnes sur les listes électorales. Elle facilite l’accès à la consultation en instaurant la possibilité de voter dans un bureau de vote autre que celui de la commune d’inscription et en encadrant le recours aux procurations. Elle prévoit enfin l’encadrement des campagnes électorales des différents partis et groupements politiques en vue du scrutin.

L’inscription d’office de près de 11.000 personnes sur la liste électorale du référendum

Le 2 novembre 2017, le XVIème Comité des signataires de l’Accord de Nouméa a évalué à 10 922 le nombre des natifs qui résident de manière certaine en Nouvelle-Calédonie et qui ne sont pas inscrits sur la liste électorale générale. Les partenaires ont de ce fait convenu de la nécessité politique de procéder, de manière exceptionnelle et en raison de la consultation, à l’inscription d’office des personnes résidant en Nouvelle-Calédonie sur la liste électorale générale, préalable nécessaire à leur inscription sur la liste électorale pour la consultation.

Afin de favoriser la participation au scrutin, certains critères d’inscription sur les listes électorales générales et spéciales ont donc été modifiés par rapport aux précédentes consultations et un mécanisme d’inscription « d’office » a été mis en place. Ces mesures devraient permettre d’élargir substantiellement la base d’électeurs susceptible de participer à la consultation pour l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie.

Les articles 1er et 2 de la loi ont respectivement enrichi l’article 219 d’un « II ter. » et créé l’article 218-3 du Titre IX "La consultation sur l'accession à la pleine souveraineté de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie. L’article 218 détermine les conditions pour être électeur lors du scrutin et l’article 19 fixe les conditions d’organisation de la consultation.

Les conditions d’applications de ces deux articles seront précisées par décrets en Conseil d’État, pris après avis du gouvernement et du congrès de Nouvelle-Calédonie.

L'inscription d'office des résidents en Nouvelle-Calédonie

L’article 1er de la loi autorise la commission administrative à inscrire d'office sur les listes électorales générales les électeurs ayant leur domicile réel dans la commune ou y habitant depuis 6 mois au moins. Les périodes passées en dehors de la Nouvelle-Calédonie pour accomplir le service national, pour suivre des études ou une formation ou pour des raisons familiales, professionnelles ou médicales ne seront pas décomptées.

L'inscription d'office des personnes nées en Nouvelle-Calédonie

La commission administrative spéciale peut, par ailleurs, inscrire d’office sur la liste électorale spéciale à la consultation les électeurs nés en Nouvelle-Calédonie et présumés y détenir le centre de leurs intérêts matériels et moraux à condition qu’ils y soient domiciliés de manière continue depuis 3 ans.

Cette présomption est néanmoins réfragable. Il appartient aux commissions administratives spéciales d’apprécier le bien-fondé d’une inscription d’office au regard des éléments fournis par l'Etat.

Les informations nominatives limitativement énumérées qui doivent être communiquées aux commissions administratives et aux commissions administratives spéciales afin de leur permettre d’apprécier l’opportunité d’une inscription d’office sont énumérées par la loi.

Elles leur seront transmises par l’intermédiaire de l’INSEE de la Nouvelle-Calédonie à partir des données fournies par les autorités gestionnaires de listes électorales générales de Nouvelle-Calédonie, de Wallis-et-Futuna et de Polynésie française. Les autorités du fichier national des électeurs de l’INSEE, des fichiers sociaux et des fichiers d'état civil de droit commun et de droit coutumier transmettront également les informations pertinentes.

La facilitation de l’accès au scrutin
La possibilité de voter ailleurs que dans sa commune d'inscription

Afin de tenir compte des spécificités géographiques de l’archipel de la Nouvelle-Calédonie, l’article 3 de la loi prévoit un « droit d’option » pour les votants. Les électeurs inscrits sur la liste électorale spéciale à la consultation des communes de Bélep, de l'île des Pins, de Lifou, de Maré et d'Ouvéa pourront en effet choisir de ne pas voter au sein de leur île de domiciliation mais à Nouméa.

Ces dispositions s’appliqueront à la publication d’un décret en Conseil d’Etat fixant notamment la durée d’ouverture de cette option, les conditions de vérifications d’absence de double inscription, les modalités d'établissement des listes d'émargement, la composition des bureaux de vote et les modalités de transmission des résultats.

L'encadrement des procurations

L’article 4 de la loi encadre strictement les conditions d’octroi de procurations.

Le vote par procuration est ouvert aux personnes placées en détention provisoire et aux détenus détenteurs de leur capacité électorale, ainsi qu’aux électeurs qui établissent que des obligations professionnelles, une formation, un handicap, des raisons de santé, une absence de Nouvelle-Calédonie, l'assistance apportée à une personne malade ou infirme les placent dans l'impossibilité d'être présents dans leur commune d'inscription le jour de la consultation ou de participer au scrutin en dépit de leur présence dans la commune.

Un décret n°2018-300 du 25 avril 2018, pris pour l'application de l’article 4 de la Loi et composé de quatre articles, précise et encadre à quelles conditions des procurations pourront être accordées, la manière dont elles doivent être inscrites et jointes aux listes d’émargements et les conditions de mise à disposition du public des formulaires de demande.

Une liste des causes d’empêchement justifiant le recours à la procuration et des documents justificatifs devant être impérativement présentés aux fins d’obtenir une procuration est ainsi établie.

La procuration sera valable pour la seule consultation. Les électeurs titulaires de procurations et leurs mandants seront mentionnés sur les listes d’émargement et les procurations devront être conservées pendant 4 mois, soit jusqu’à expiration des délais de recours contre la consultation.

Des modèles de procuration spéciaux, valables pour la consultation, seront tenus à la disposition des autorités mais également accessibles en ligne.

Le remboursement des frais de campagne et l’égalité des temps de parole dans les médias

L’article 8 de la loi modifie l’article 216 de la loi organique du 19 mars 1999 précitée. Il prévoit que le décret de convocation des électeurs devra également organiser les conditions de remboursement par l’État des dépenses engagées par les partis ou groupements politiques habilités pour la campagne.

Enfin, l’article 9 de la loi organise la répartition des temps d’antenne entre les partis ou groupements habilités à participer à la campagne. Le législateur privilégie la concertation. Les différents partis et groupement doivent en principe trouver un accord de répartition équilibré qui n’octroie pas à l’une des forces en présence un temps d'antenne hors de proportion avec sa représentation au Congrès. A défaut d'accord, la commission de contrôle fixe la répartition des temps d'antenne entre les partis ou groupements habilités en fonction du nombre de membres du congrès qui ont déclaré s'y rattacher.

Le texte définit, par ailleurs, les prérogatives du CSA en matière de recommandations à l'ensemble des services de radio et de télévision à vocation nationale et locale pour l'application des principes relatifs à la liberté de communication durant la campagne mais également pour la présentation et l'accès à l'antenne équitables en ce qui concerne la reproduction des déclarations et écrits émanant des représentants de chaque parti ou groupement politique.

Si le scrutin conclut à l’accession de la Nouvelle-Calédonie à la souveraineté, l’indépendance sera immédiate. En revanche, quelles sont les suites de la procédure s’il aboutit au rejet de l’accession à la souveraineté ? L’article 217 de la loi organique n°99-209 du 19 mars 1999 prévoit qu’une deuxième consultation, sur la même question, peut être organisée à la demande du tiers des membres du Congrès.

Si cette deuxième consultation confirmait le rejet, une troisième pourrait être demandée dans les mêmes conditions. Cette possibilité d’organiser des consultations de confirmation permettrait de conférer d’autant plus de légitimé au résultat du scrutin.

Julia Estrade Avocat à la Cour, De Guillenchmidt & Associés – DGA
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