La Cour de cassation précise les contours du délit d’entrave à l’exercice des fonctions du Cac

La Cour de cassation précise les contours du délit d’entrave à l’exercice des fonctions du Cac

03.04.2024

Gestion d'entreprise

Un arrêt du 28 février retient que le simple refus pour un gérant de communiquer sur place des pièces à son commissaire aux comptes suffit pour caractériser le délit. Peu importe la volonté d’entraver l'exercice de ses fonctions.

Le délit d'entrave à l'exercice des fonctions du commissaire aux comptes (Cac) est défini par le code de commerce comme le fait "de mettre obstacle aux vérifications ou contrôles des commissaires aux comptes (...), ou de leur refuser la communication sur place de toutes les pièces utiles à l'exercice de leur mission et, notamment, de tous contrats, livres, documents comptables et registres de procès-verbaux". Cette entrave peut venir des dirigeants d'une personne morale ayant un Cac ou de toute personne ou entité au service d'une personne ou entité ayant un Cac (ancien article L. 820-4 2° du code de commerce applicable au cas d'espèce, devenu l'article L. 821-6 3° depuis le 1er janvier 2024). 

Communication des documents le lendemain de la visite sur place du Cac

Dans une affaire soumise récemment à la Cour de cassation, la question se posait de savoir si un tel délit d'entrave était caractérisé. Que s'est-il passé ? Un commissaire aux comptes exerçant une mission au sein d'une entreprise du secteur du bâtiment demande communication d'un certain nombre de documents à la société. Il prend rendez-vous avec la comptable puis se présente dans les locaux de l'entreprise auditée le 14 février 2019. Sur place, la comptable est absente et le personnel refuse de donner au Cac les documents demandés. Le gérant, absent le jour de la visite du Cac, transmet à ce dernier les pièces sollicitées le lendemain soit le 15 février 2019.

Le 20 février 2019, le commissaire aux comptes dénonce des anomalies dans la gestion de la société. A la suite d'une enquête, le gérant est notamment condamné pour abus de biens sociaux, escroquerie et entrave à l'exercice des fonctions de commissaire aux comptes, et ce "pour avoir refusé de communiquer des pièces au commissaire aux comptes dans le cadre de l'exercice de sa mission". La décision de première instance est confirmée en appel, et le gérant se pourvoit en cassation.

Peu importe la volonté d'entraver

Sur le chef d'entrave à l'exercice des fonctions de son Cac, le gérant de la société argue que ce délit "suppose la conscience et la volonté d'entraver l'exécution de la mission du commissaire aux comptes". Et d'après le gérant, le fait d'avoir transmis les documents nécessaires à l'exercice de la mission du Cac "dès le lendemain" de la visite sur place du professionnel montre qu'il n'a pas eu la volonté d'entraver sa mission. Dans un arrêt du 28 février 2024, la chambre criminelle rejette ce raisonnement. Pour caractériser le délit d'entrave à l'exercice des fonctions de Cac, les juges n'ont pas à caractériser une volonté du prévenu (le gérant) d'entraver la mission du Cac, estime-t-elle.

Dans tous les cas, le simple refus de fournir sur place les pièces nécessaires à l’exercice des fonctions du commissaire aux comptes suffit pour caractériser l’infraction. Et la Cour de cassation relève que le gérant a refusé volontairement de communiquer sur place des pièces utiles à l'exercice de la mission de son commissaire aux comptes. Il avait donné instruction à sa comptable de s'absenter le jour de la visite du Cac car il voulait - selon ses justifications - être "l'interlocuteur principal" du commissaire aux comptes et ne pouvait être présent le jour de la visite en raison d'un arrêt maladie. Il a donc donné des instructions afin que les pièces demandées ne soient pas remises le 14 février.

De plus, la communication des pièces utiles à l'exercice de la mission le lendemain de la visite du commissaire aux comptes "ne présente pas les mêmes garanties que leur remise immédiate", estime la Haute juridiction. La communication des pièces doit se faire sur place.

"Le refus de communiquer des pièces au commissaire aux comptes, fût-il provisoire, constitue un délit d’entrave", analyse l'avocat Augustin Robert. "La Cour de cassation en conclut que ces faits caractérisaient suffisamment l’élément intentionnel de l’infraction".

L'arrêt d'appel est confirmé sur ce point.

Céline Chapuis

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