Selon la CJUE, un État membre peut sanctionner le comportement violent qu'un demandeur d'asile a adopté à l'extérieur du lieu d'hébergement par une réduction du bénéfice des conditions matérielles d'accueil ; il ne peut toutefois pas les retirer totalement.
Par un arrêt du 1er août 2022, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) juge que l’article 20, paragraphe 4 de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 (directive « accueil »), doit être interprété en ce sens qu’il s’applique à un comportement particulièrement violent adopté à l’extérieur d’un centre d’hébergement.
Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.
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Elle rappelle toutefois que, même en cas de comportement particulièrement violent à l’égard de fonctionnaires publics, la directive s’oppose à l’infliction d’une sanction consistant à retirer le bénéfice des conditions matérielles d’accueil ayant trait au logement, à la nourriture ou à l’habillement, dès lors qu’elle aurait pour effet de priver ce demandeur de la possibilité de faire face à ses besoins les plus élémentaires. De fait, toute sanction, en toutes circonstances, doit respecter le principe de proportionnalité et de la dignité humaine.
Comportement violent et violation du règlement intérieur sont deux choses différentes
Enseignement principal de l’arrêt de la Cour : tout comportement violent doit être sanctionné, même s’il n’est pas adopté au sein même de la structure d’hébergement.
Pour justifier cette extension du contrôle du comportement du demandeur d’asile, la Cour précise en effet que si l’intention du législateur de l’Union était de ne viser que « le comportement particulièrement violent adopté par un demandeur de protection internationale dans un centre d’hébergement, une référence spécifique à l’hypothèse d’un tel comportement n’aurait pas été nécessaire, dans la mesure où un tel comportement, adopté à l’intérieur d’un centre d’hébergement, constituerait certainement un manquement grave au règlement de ce centre et serait, partant, couvert par la première hypothèse envisagée à cette disposition, la seconde de celle-ci étant alors sans utilité ».
Pour parvenir à sa solution, la Cour s’appuie donc aussi bien sur le contexte de l’article 20 de la directive que sur l’objectif poursuivi par cette directive, en relevant que :
les paragraphes 1 à 3 de l’article 20 envisagent des hypothèses susceptibles de justifier la limitation ou le retrait, selon le cas, du bénéfice des conditions matérielles d’accueil qui n’ont pas de lien avec un comportement adopté à l’intérieur d’un centre d’hébergement ;
l’article 20, paragraphe 4 de la directive sanctionne les comportements particulièrement violents compte tenu du danger qu’ils peuvent représenter pour l’ordre public ainsi que pour la sécurité des personnes et des biens. Aussi, pour la Cour, « rien ne justifie de limiter cette possibilité aux seuls comportements particulièrement violents adoptés à l’intérieur d’un centre d’hébergement ».
Ainsi, quel que soit le lieu, le contexte ou la victime du comportement (a fortiori si elle est fonctionnaire), l’État, ou son opérateur, est habilité à le sanctionner.
Caractère proportionné et respectueux de la dignité humaine de la sanction
S’appuyant sur son arrêt « Haqbin » (CJUE, grande ch., 12 nov. 2019, aff. C-233/18, Haqbin), la Cour rappelle et souligne avec force que, à supposer même que le comportement soit particulièrement violent, justifiant de ce fait une sanction, son auteur ne peut être privé de la possibilité de faire face à ses besoins les plus élémentaires.
Par conséquent, une sanction consistant à retirer, même de manière temporaire, le bénéfice de l’ensemble des conditions matérielles d’accueil ou des conditions matérielles d’accueil relatives au logement, à la nourriture ou à l’habillement, serait inconciliable avec l’obligation de garantir au demandeur un niveau de vie digne, dès lors qu’elle le priverait de la possibilité de faire face à ses besoins les plus élémentaires, tels que ceux de se loger, de se nourrir, de se vêtir et de se laver.
Pour la Cour, une telle sanction méconnaît l’exigence de proportionnalité, et ce en toutes circonstances, même en cas de comportement à caractère particulièrement grave et répréhensible.
L’État peut en revanche sanctionner de manière adaptée un tel comportement, par exemple par le « maintien dans une partie séparée du centre d’hébergement, accompagné d’une interdiction d’entrer en contact avec certains résidents du centre ou son transfert dans un autre centre d’hébergement ou dans un autre logement », voire d’un placement en rétention si les autres conditions sont réunies.