La LFSS pour 2022 et les dispositifs médicaux

03.01.2022

Droit public

La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2022 comporte un certain nombre de dispositions concernant le secteur des dispositifs médicaux, notamment ceux qui impliquent des technologies numériques.

La LFSS pour 2022 contient une série de mesures concernant les dispositifs médicaux.

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

Découvrir tous les contenus liés

Prise en charge spécifique des dispositifs médicaux numériques et des activités de télésurveillance

L’une des mesures importantes de la loi concerne l’institution d’une procédure de prise en charge spécifique et pérenne pour les activités de télésurveillance médicale. Ces dernières constituent un acte de télémédecine (au sens de l’article R. 6316-1 du code de la santé publique) et ont fait l’objet de modalités de prise en charge expérimentale par l’assurance maladie, dans le cadre des articles 51 et 54 de la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018.

A la suite de la pandémie de Covid-19 et des orientations adoptées lors du Ségur de la santé, la LFSS pour 2022 a souhaité pérenniser le périmètre et les principes du financement de la télésurveillance médicale. L’entrée en vigueur de cette réforme, vouée à remplacer les expérimentations existantes (programme ETAPES pour les pathologies chroniques, application COVIDOM pour le covid-19…), a été fixée au plus tard le 1er juillet 2022 (les dispositifs expérimentaux bénéficiant d’une prise en charge transitoire jusqu’au 31 décembre 2022, sous réserve qu’ils se conforment à la nouvelle procédure, au plus tard dans le mois suivant son entrée en vigueur).

Dans la mesure où l’activité de télésurveillance médicale consiste à associer un acte médical et un dispositif numérique (CSS, art. L. 162-48), le législateur a décidé d’instituer une liste d’inscription spécifique (CSS, art. L. 162-52), distincte de la liste  de prise en charge des dispositifs médicaux prévue à l’article L. 165-1 du code de la sécurité sociale (LPP) et de la liste des actes et prestations (LAP) définie à l’article L.162-1-7 du même code (les dispositifs médicaux de télésurveillance ayant été inscrits sur la LPP devront être radiés de celle-ci avant le 1er janvier 2023).

La surveillance médicale consiste à analyser des données et des alertes transmises au moyen d’un dispositif numérique, à réaliser toutes les actions nécessaires à sa mise en place, au paramétrage du dispositif, à la formation du patient en vue de son utilisation, à la vérification et au filtrage des alertes ainsi que, le cas échéant, des activités complémentaires, notamment des activités d'accompagnement thérapeutiques.

Le dispositif médical numérique a pour fonction de collecter, d’analyser et de transmettre des données physiologiques, cliniques ou psychologiques et d’émettre des alertes lorsque certaines de ces données dépassent des seuils prédéfinis et, le cas échéant, des accessoires de collecte associés, lorsqu'ils ne sont ni implantables, ni invasifs et dépourvus de finalité thérapeutique.

Il est précisé que les dispositifs médicaux numériques s’entendent de tout logiciel répondant à la définition du dispositif médical établie par l’article 2 du règlement (UE) 2017/745 du 5 avril 2017 (CSS, art. L. 162-48- II).

On rappellera, à cet égard, que le Groupe de coordination en matière de dispositifs médicaux (MDCG) a publié en octobre 2019 un guide d’interprétation permettant de savoir, au moyen d’un logigramme, quand un logiciel – défini comme un ensemble d’instructions traitant des données entrantes et produisant des données sortantes – peut être qualifié de dispositif médical. Pour relever de cette qualification, le logiciel doit exercer une action sur les données différente de celle consistant en une simple fonction de stockage, d’archivage, de recherche ou de communication. Si tel est le cas, il faut aussi que cette action apporte un bénéfice individuel au patient. Le logiciel sera alors qualifié de dispositif médical (appelé « medical device software » ou MDSW dans le guide) s’il est destiné à être utilisé, seul ou en association, dans l’une des quatre finalités médicales prévues dans la définition du règlement (UE) 2017/745. Ce dernier ne s’attache cependant qu’à régir la mise sur le marché des dispositifs médicaux (notamment par la procédure du marquage CE), et non les conditions de prise en charge par les régimes nationaux d’assurance maladie, lesquelles relèvent de la compétence des Etats membres.

En l’occurrence, pour être pris en charge en droit interne, les dispositifs médicaux numériques doivent respecter une condition technique préalable : permettre d’exporter les données traitées dans des formats et dans une nomenclature interopérables, appropriés et garantissant l’accès direct aux données. Ils peuvent comporter des interfaces permettant l’échange de données avec des dispositifs ou accessoires de collecte des paramètres vitaux du patient. Ils peuvent également nécessiter l’usage d’un accessoire de collecte destiné par son fabricant à être utilisé avec le dispositif numérique pour permettre une utilisation de ce dernier conforme à sa destination ou pour contribuer spécifiquement et directement à sa fonction médicale.

Les activités de télésurveillance médicale ne peuvent être prises en charge ou remboursées par l’assurance maladie qu’à trois conditions (CSS, art. L. 162-49) :

  • elles doivent être inscrites sur la liste mentionnée à l’article L. 162-52 du code de la sécurité sociale ;

  • elles doivent être assurées par un opérateur de télésurveillance médicale disposant d’un récépissé de l’agence régionale de santé ;

  • elles impliquent que l’opérateur ait mis à la disposition de l’assuré, soit directement en tant qu’exploitant, soit par l’intermédiaire d’un autre exploitant ou d’un distributeur au détail avec lequel il a conclu une convention (un prestataire de services et distributeur de matériel par exemple), le dispositif médical numérique au moyen duquel la surveillance médicale est assurée.

L’opérateur de télésurveillance médicale, qui est nécessairement un professionnel médical (médecin, chirurgien-dentiste, sage-femme) ou une personne morale regroupant ou employant un ou plusieurs professionnels de santé, dont au moins un professionnel médical, et qui souhaite bénéficier de la prise en charge ou du remboursement de tout ou partie de ses activités de télésurveillance, doit préalablement déclarer ses activités à l’ARS (CSS, art. L. 162-51). Un récépissé de cette déclaration est établi par l’ARS, puis transmis à l’opérateur et à l’organisme local d’assurance maladie, récépissé valant éligibilité au remboursement des activités de télésurveillance pour les indications mentionnées dans la déclaration.

Faisant suite à une demande présentée par l’exploitant du dispositif médical (et non par l’opérateur de télésurveillance), l’inscription sur la liste mentionnée à l’article L. 162-52 du code de la sécurité sociale est établie par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, après avis de la Commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé (CNEDIMTS). Elle précise les indications de l’activité de télésurveillance ouvrant droit à la prise en charge ou au remboursement et elle est effectuée sous la forme d’un référentiel proposé par la HAS.

L’inscription peut être subordonnée au respect de spécifications techniques, d’indications de télésurveillance et de conditions particulières de prescription, d’utilisation et de distribution. Elle peut également être subordonnée au dépôt auprès des ministres d’un certificat de conformité aux référentiels d'interopérabilité et de sécurité prévus à l’article L. 1470-5 du code de la santé publique.

Quand elle examine les demandes d’inscription, la CNEDIMTS indique si elle reconnaît l’existence d’une amélioration de la prestation médicale par l’activité de télésurveillance au regard des référentiels inscrits dans l’indication concernée, lorsqu’ils existent, ou, à défaut, au regard de la même prise en charge sans télésurveillance (CSS, art. L. 162-53). Si une telle amélioration est reconnue au regard d’un référentiel existant, ce dernier est radié de la liste au terme d'une période de dégressivité de la rémunération des activités réalisées.

Le montant forfaitaire de l’activité de télésurveillance médicale pris en charge ou remboursé par l’assurance maladie est également fixé par arrêté ministériel (CSS, art. L. 162-54). Il comprend une base forfaitaire, déterminée en fonction des moyens humains nécessaires à la surveillance médicale et des caractéristiques des dispositifs numériques. La base forfaitaire de rémunération est modulée en fonction, notamment :

- de la fréquence du suivi réalisé par l'organisation de télésurveillance médicale pour une période donnée, au regard des exigences minimales définies par le référentiel ;

- de la complexité de la prise en charge ;

- du recours à des accessoires de collecte associés ;

- des volumes d'activité de télésurveillance médicale prévus ou constatés ;

- des montants remboursés par l’assurance maladie prévus ou constatés au titre de l'activité de télésurveillance médicale ;

- des conditions prévisibles ou réelles de recours à l'activité de télésurveillance médicale concernée.

L’article L. 162-55 du code de la sécurité sociale confère par ailleurs aux ministres chargés de l’économie, de la santé et de la sécurité sociale le pouvoir de fixer un prix maximal (comprenant les marges) des dispositifs médicaux numériques de télésurveillance médicale et des accessoires de collecte associés.

En aucun cas le patient ne peut se voir facturer par un opérateur de télésurveillance médicale d’autres montants que le montant forfaitaire arrêté. En revanche, la prise en charge et le remboursement des activités de télésurveillance médicale sont subordonnés à l’utilisation effective du dispositif de télésurveillance par le patient et, lorsqu’ils existent, à l’obtention de résultats individualisés ou nationaux d'utilisation en vie réelle, évalués sur le fondement d’indicateurs définis dans le référentiel (CSS, art. L. 162-56).

Dans ce contexte, les opérateurs de télésurveillance peuvent recueillir et transmettre, avec l’accord du patient (et dans le respect des dispositions du RGPD), les données nécessaires à la vérification de l’utilisation effective du dispositif numérique au service du contrôle médical de l’assurance maladie. En cas de refus opposé par le patient à la transmission de ces données, l’activité de télésurveillance médicale ne peut faire l’objet d’une prise en charge ou d’un remboursement. Lorsque ce refus est opposé après l’ouverture de la prise en charge ou du remboursement, ces derniers sont suspendus et le patient en est informé, sans délai, par l'assurance maladie.

Prise en charge anticipée des dispositifs de télésurveillance et des thérapies digitales

A la suite du Conseil stratégique des industries de santé (CSIS) du 29 juin 2021, le gouvernement a souhaité faire adopter des mesures en faveur de l’accès des patients aux dispositifs médicaux numériques à visée thérapeutique, parfois appelés thérapies digitales (DTx en anglais), lesquels impliquent un logiciel au sens du règlement (UE) 2017/745 (ce logiciel pouvant d’ailleurs impliquer une intelligence artificielle).

L’idée est de permettre d’accélérer l’accès aux innovations numériques présumées, dans l’attente de l’évaluation par la CNEDIMTS de leur service attendu (SA), qui conditionne l’inscription sur la LPP, et de l’amélioration du service attendu (ASA), qui détermine leur tarification et leur prix. Le but de la prise en charge anticipée est de garantir un niveau de financement des entreprises commercialisant ces dispositifs numériques innovants, en attendant une rémunération pérenne, ce qui constitue une forme de subvention à l’innovation technologique en santé, dans la lignée du plan « innovation santé 2030 ».

La LFSS pour 2022 a ainsi introduit, sous l’article L. 162-1-23 du code de la sécurité sociale, un mécanisme de prise en charge anticipée pour deux catégories de solutions numériques : les dispositifs médicaux numériques à visée thérapeutique (ou thérapies digitales) et les dispositifs médicaux numériques utilisés dans le cadre d’une activité de télésurveillance (précédemment évoqués).

Portant sur une indication particulière et prévue pour une durée limitée à un an, non renouvelable, la prise en charge anticipée est demandée par l’exploitant du dispositif numérique et décidée par un arrêté conjoint des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, après avis de la CNEDIMTS. Elle est accordée lorsque les conditions suivantes sont remplies :

- le dispositif médical numérique à visée thérapeutique ou les activités de télésurveillance médicale sont présumés innovants, notamment en termes de bénéfice clinique ou de progrès dans l’organisation des soins, d’après les premières données disponibles et compte tenu d’éventuels comparateurs pertinents ;

- le dispositif médical numérique à visée thérapeutique ou utilisé dans le cadre des activités de télésurveillance bénéficie du marquage CE dans l’indication considérée ;

- l’exploitant du dispositif médical numérique à visée thérapeutique ou utilisé dans le cadre des activités de télésurveillance médicale garantit sa conformité aux règles relatives à la protection des données personnelles ainsi qu’aux référentiels d’interopérabilité et de sécurité applicables ;

- le dispositif médical numérique à visée thérapeutique ou utilisé dans le cadre des activités de télésurveillance permet d’exporter les données traitées, dans des formats et dans une nomenclature interopérables, appropriés et garantissant l’accès direct aux données, et comporte, le cas échéant, des interfaces permettant l’échange de données avec des dispositifs ou accessoires de collecte des paramètres vitaux du patient.

L’arrêté ministériel de prise en charge fixe également, sur une base forfaitaire, le montant de la compensation financière versée à l’exploitant du dispositif numérique ou, le cas échéant, au distributeur au détail ou à l’opérateur de télésurveillance médicale.

La prise en charge anticipée pour l’indication considérée ne peut pas être cumulée avec un autre mode de prise en charge (inscription sur la LPP, la liste en sus ou la liste intra-GHS, forfait innovation, accès précoce), ni avec une prise en charge au titre des prestations d’hospitalisation.

Elle est subordonnée à l’utilisation effective du dispositif médical par le patient et, lorsqu’ils existent, à l’obtention de résultats individualisés ou nationaux d’utilisation en vie réelle évalués sur le fondement d'indicateurs définis par la CNEDIMTS. Les données nécessaires à la mise en œuvre du contrôle de l’utilisation effective du dispositif peuvent, avec l’accord du patient et dans le respect des exigences du RGPD, être télétransmises au médecin prescripteur, au prestataire et au service du contrôle médical de l’assurance maladie. En cas de refus opposé par le patient à la transmission de ces données, le dispositif médical numérique ne peut faire l’objet d’une prise en charge anticipée. Lorsque ce refus est opposé après l’ouverture de la prise en charge anticipée, celle-ci est suspendue et le patient en est informé sans délai par l’assurance maladie.

La prise en charge anticipée implique l’engagement du bénéficiaire de déposer une demande d’inscription sur la LPP ou sur la liste spécifique aux activités de télésurveillance pour l’indication considérée, dans le délai de six mois pour la première et de neuf mois pour la seconde, à compter de la décision ministérielle de prise en charge anticipée.

L’entreprise bénéficiaire doit s’engager à assurer la continuité du traitement initié pendant la durée de la prise en charge anticipée et pendant une durée supplémentaire d’au moins six mois à compter de l’arrêt de cette prise en charge (délai ramené à quarante-cinq jours lorsque l’indication concernée fait l’objet d'un refus de prise en charge). En cas de manquement à l’obligation de continuité du traitement, les ministres peuvent prononcer une pénalité financière à l’encontre de l’exploitant du dispositif, après qu’il a été mis en mesure de présenter ses observations. Les engagements de l’exploitant cessent de s’appliquer si le dispositif médical fait l’objet d’un arrêt de commercialisation pour des raisons sérieuses relatives à la sécurité des patients.

La prise en charge anticipée cesse si aucune demande d’inscription n’est déposée dans les délais requis, lorsqu’une décision relative à l’inscription ou au refus d’inscription de l’indication concernée sur la liste est prise et que, dans les cas où un tel avis est prévu, l’avis de fixation du tarif de responsabilité est publié, lorsque le dispositif médical ne bénéficie plus du marquage CE ou lorsque les règles relatives à la protection des données personnelles ainsi qu’aux référentiels d’interopérabilité et de sécurité ne sont plus respectées, ou encore lorsque l’exportation des données et leur accès ne sont plus assurés et si le dispositif numérique a fait l’objet d’un arrêt de commercialisation pour un motif de sécurité sanitaire.

Encadrement du forfait innovation et de la prise en charge précoce

La mise en œuvre du forfait innovation, dispositif dérogatoire permettant la prise en charge de dispositifs ou d’actes innovants, conditionnée à la réalisation d’une étude clinique ou médico-économique, a soulevé des interrogations sur les modalités de fixation du montant du forfait ainsi que les engagements des entreprises au regard de leurs stratégies commerciales.

La LFSS pour 2022 est venue ajouter, sous l’article L. 165-1-1 du code de la sécurité sociale, que le niveau de prise en charge d’un produit de santé et de la prestation associée ou de l’acte pris en charge au titre du forfait innovation est fixé au regard notamment d’un ou de plusieurs des critères suivants :

- des tarifs des produits et prestations à visée thérapeutique comparable, compte tenu des remises applicables ;

- des tarifs, des prix ou des coûts de traitement, déduction faite des différentes remises ou taxes en vigueur, constatés dans d’autres pays européens ;

- des volumes de vente prévus des produits ou prestations ainsi que les montants des produits ou prestations remboursés par l’assurance maladie obligatoire prévus ;

- des actes existants déjà pris en charge, compte tenu du temps médical engagé sur l’acte.

La loi a également introduit des obligations à la charge de l’exploitant sollicitant une prise en charge par la voie du forfait innovation. Celui-ci doit s’engager à mener à leur terme les études prévues, sauf lorsqu’apparaît en cours d’étude un risque avéré pour la sécurité des patients ou que des résultats intermédiaires démontrent manifestement l’existence ou l’absence de bénéfice clinique ou médico-économique et justifient, pour ce motif, l’interruption anticipée de l’étude. Il doit aussi déposer une demande d’inscription sur la LPP dans un délai d’un an à compter de la fin de l’étude, sauf lorsque les résultats de celle-ci ne permettent raisonnablement pas d’envisager une issue favorable à une demande d’inscription.

En cas de manquement à ces obligations, les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale peuvent prononcer une pénalité financière à l’encontre de l’entreprise exploitant le dispositif, après que cette dernière a été mise en mesure de présenter ses observations.

A la différence du forfait innovation, la procédure de prise en charge précoce et transitoire prévue à l’article L. 165-1-5 du code de la sécurité sociale ne peut porter que sur des dispositifs médicaux ayant obtenu un marquage CE dans l’indication innovante concernée. Cette prise en charge provisoire est décidée par arrêté ministériel, après avis de la CNEDIMTS.

La LFSS pour 2022 est venue préciser qu’elle peut être, au vu des exigences de qualité et de sécurité des soins mettant en œuvre le produit ou la prestation, être assortie de conditions concernant la qualification ou la compétence des prescripteurs, l’environnement technique ou l’organisation de ces soins et d’un dispositif de suivi des patients traités. La prise en charge transitoire peut également être assortie de spécifications techniques, d’indications thérapeutiques ou diagnostiques et de conditions particulières de prescription, d’utilisation et de distribution.

La loi a également indiqué que, durant la période de continuité du traitement postérieure à la prise en charge transitoire, les conditions de prise en charge, le cas échéant fixées par le CEPS, s’appliquent, les dernières conditions de prescription, d’utilisation et de distribution étant également maintenues. En cas de manquement aux obligations de continuité des traitements, ce n’est plus le CEPS qui est compétent pour infliger une sanction pécuniaire à l’entreprise, mais les ministres chargées de la santé et de la sécurité sociale.

Réforme de l’accès à la liste en sus

De même que la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 de financement de la sécurité sociale pour 2014 a prévu que l’inscription des spécialités pharmaceutiques sur la liste en sus est établie par indication et non plus par médicament, la LFSS pour 2022 a modifié l’article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale pour que l’inscription des dispositifs médicaux et prestations sur la liste en sus soit désormais réalisée par indication.

A la différence des médicaments pour lesquels un décret d’application est prévu (CSS, art. R. 162-37-2), les conditions d’inscription sur la liste en sus des dispositifs médicaux implantables (titre III de la LPP) et invasifs (titre V de la LPP) sont simplement précisées par la voie d’une note ministérielle. Afin de prendre en compte la décision du Conseil stratégique des industries de santé (CSIS) du 29 juin 2021, prônant un élargissement de l’accès à la liste en sus aux produits ou prestations présentant une amélioration du service attendu mineure (ASA IV), une nouvelle note ministérielle intégrant cette évolution a été publiée le 17 décembre 2021 sur le site du ministère de la santé (l’entrée en vigueur de ces nouvelles conditions étant effective depuis le 1er janvier 2022).

Prise en compte de l’implantation industrielle dans la fixation des tarifs de responsabilité

La pandémie de Covid-19 ayant mis en lumière la dépendance de l’industrie pharmaceutique française et européenne en matière de production de certains dispositifs médicaux (et de médicaments), la LFSS pour 2022 a ajouté, en vue de favoriser la relocalisation des sites de production, que pour les produits ou prestations inscrits sous forme de nom de marque ou de nom commercial, la fixation du tarif de responsabilité peut également tenir compte de la sécurité d’approvisionnement du marché français que garantit l’implantation des sites de production (CSS, art. L. 165-2). Une disposition analogue a été introduite en matière de fixation du prix des médicaments remboursables (CSS, art. L. 162-16-4). Reste à voir concrètement comment ce critère sera appliqué par le CEPS dans les négociations qu’il mène avec les entreprises.

Sécurisation des ordonnances dont la durée de validité est expirée

Afin d’éviter toute interruption de traitement préjudiciable à la santé des patients, la LFSS pour 2022 a modifié l’article L. 5125-23-1 du code de la santé publique pour étendre le champ d’application de la procédure de délivrance exceptionnelle aux dispositifs médicaux. Dans le cadre d’un traitement chronique, à titre exceptionnel et sous réserve d’informer le médecin prescripteur, lorsque la durée de validité d’une ordonnance renouvelable est expirée, le pharmacien peut dispenser, dans le cadre de la posologie initialement prévue, les dispositifs médicaux nécessaires à la poursuite du traitement, dans la limite d’un mois.

Ajustements de la clause de sauvegarde

La loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020 a instauré une contribution financière, appelée clause de sauvegarde, pour les dispositifs médicaux inscrits sur la LPP et pris en charge à 100 % par l’assurance maladie au titre de la liste en sus (CSS, art. L. 138-19-8 à L. 138-19-13).

Le champ d’application de la clause de sauvegarde a été étendu par la LFSS pour 2022 aux produits et prestations bénéficiant d’une prise en charge précoce et transitoire (CSS, art. L. 165-1-5).

La mesure de sauvegarde est déclenchée lorsque les dépenses remboursées (compte tenu des minorations résultant des remises conventionnelles négociées avec le CEPS et des majorations versées par l’assurance maladie aux établissements de santé lorsque ces derniers ont obtenu un prix d’achat inférieur au tarif de responsabilité) dépassent un montant défini par le législateur appelé « montant Z », les entreprises exploitant les dispositifs concernés devant reverser le surcroît de dépenses au bénéfice de l’assurance maladie (via l’URSSAF). Pour 2022, le montant Z a été établi à 2,15 milliards d’euros.

Le montant de la contribution due par chaque entreprise était initialement plafonné à 10 % de son chiffre d’affaires HT réalisé en France métropolitaine et dans les départements d’outre-mer. Pour être en cohérence avec l’assiette de la clause de sauvegarde, laquelle repose sur les dépenses remboursées et non sur le chiffre d’affaires, la LFSS pour 2022 a prévu que le montant de la contribution individuelle ne peut excéder 10 % du montant remboursé, les entreprises redevables de la contribution n’ayant donc plus à déclarer leur chiffre d’affaires à l’URSSAF.

Sur le plan fiscal, on mentionnera que l’article 30 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 a étendu le taux réduit de TVA à 5,5 % pour les appareillages, matériels et équipements pour personnes en situation de handicap bénéficiant du forfait innovation ou d’une prise en charge précoce (CGI, art. 278-0 bis).

Lutte contre les pénuries de dispositifs médicaux indispensables

Tandis que des mesures nationales ont été adoptées depuis plusieurs années pour lutter contre les pénuries de médicaments, aucune disposition n’a été prévue pour les dispositifs médicaux, ni par le droit de l’Union, ni par le droit interne. L’article 60 de la LFSS pour 2022 avait donc envisagé des dispositions particulières pour prévenir les ruptures ou les risques de ruptures de disponibilité de certains dispositifs médicaux, qualifiés d’indispensables, mais le Conseil constitutionnel, ayant considéré qu’il s’agissait d’un cavalier social, a annulé l’article (Cons. const., déc., 16 déc. 2021, n° 2021-832 DC).

Jérôme Peigné, Professeur à l'Université de Paris
Vous aimerez aussi

Nos engagements