Faute pour le législateur d'avoir prévu une voie de recours à l'encontre des décisions de refus de légalistation, les alinéas 1 et 3 du paragraphe II de l'article 16 de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice sont inconstitutionnels. Une censure qui ne produira ses effets qu'à compter du 31 décembre 2022.
Dans une décision du 18 février 2022, le Conseil constitutionnel juge non conformes à la Constitution l’obligation de légalisation et le renvoi de ses modalités à un décret d’application, prévus par la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.
Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.
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Il censure ainsi comme portant atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif en raison de la méconnaissance de l’étendue de sa compétence par le législateur, les alinéas 1er et 3 du paragraphe II de l’article 16 de cette loi qui prévoient que, « sauf engagement international contraire, tout acte public établi par une autorité étrangère et destiné à être produit en France doit être légalisé pour y produire effet » et qu’« un décret en Conseil d’État précise les actes publics concernés par le présent II et fixe les modalités de la légalisation ».
Une censure dont l’application ne prendra toutefois effet qu’à compter du 31 décembre 2022.
Remarque : le Conseil constitutionnel était saisi par le Conseil d’État (CE, 3 déc. 2021, n° n° 448305) de cette question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portée par plusieurs associations et syndicats d’avocats ainsi que le Conseil national des barreaux. Les parties requérantes reprochaient aux dispositions en cause d’imposer à une personne la légalisation d’un acte public étranger dont elle entend se prévaloir en France, sans garantir que l’examen de sa demande intervienne dans un délai utile, ni prévoir de recours en cas de refus de légalisation par l’autorité compétente. La procédure s’inscrit dans le cadre du recours en annulation porté à l’encontre du décret pris pour l’application de l’article 16 (D. n° 2020-1370, 10 nov. 2020 : JO, 13 nov.) . Pour rappel, le Conseil d’État avait rejeté le référé-suspension qui accompagnait ce recours en annulation, considérant qu’aucun doute sérieux n’existait sur la légalité de ce décret (CE, réf., 12 févr. 2021, n° 448294).
Nécessité de prévoir une voie de recours contre les décisions de refus de légalisation
La légalisation est la formalité par laquelle est attestée la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l’acte a agi et, le cas échéant, l’identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu. Cette obligation de légalisation des actes étrangers de l’état civil, jusqu’alors fondée sur la coutume internationale (Cass. 1re civ., 4 juin 2009, no 08-13.541, no 627 FS - P + B + I), a trouvé un support légal dans l’article 16 de la loi du 23 mars 2019.
Dans sa décision, le Conseil constitutionnel constate toutefois :
que le juge administratif ne s’estime pas compétent pour apprécier la légalité d’une décision de refus de légalisation ;
qu’aucune disposition législative ne permet aux personnes intéressées de contester un tel refus devant le juge judiciaire.
Ainsi, pour les Sages, il appartenait bien au législateur d’instaurer une voie de recours à l’encontre d’une décision de refus de légalisation d’un acte d’état civil, au vu des conséquences qu’est susceptible d’entraîner cette décision.
En l’absence d’une telle disposition dans la loi, le législateur a donc méconnu l’étendue de sa compétence dans des conditions affectant le droit à un recours juridictionnel effectif.
Effets de la censure différés dans le temps
Estimant de façon désormais classique que « l’abrogation immédiate des dispositions déclarées inconstitutionnelles entraînerait des conséquences manifestement excessives », le Conseil constitutionnel diffère néanmoins l’application de sa censure au 31 décembre 2022.
Il permet ainsi au législateur d’intervenir avant cette date pour remédier à l’inconstitutionnalité des dispositions en cause.
Marjolaine Roccati, Maitre de conférences en droit privé, Université Paris Ouest Nanterre