Le Conseil constitutionnel valide la procédure d'expulsion en urgence absolue

10.10.2016

Droit public

Répondant à une QPC qui contestait le principe de l'exécution d'office des arrêtés d'expulsion en urgence absolue au regard du droit à un recours effectif, le Conseil constitutionnel conclut à la constitutionnalité de l'article L. 522-1 du Ceseda, sans toutefois statuer sur la notion d'immédiateté de l'exécution.

Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité par le Conseil d’État (CE, 6 juill. 2016, n° 398371), le Conseil constitutionnel déclare, dans une décision du 5 octobre 2016, les mots « sauf en cas d’urgence absolue » figurant au premier alinéa de l’article L. 522-1 du Ceseda conformes à la Constitution.
 
Cet article, qui organise les règles de procédure en matière d’expulsion, y compris lorsqu’elle est prononcée pour atteinte à la sûreté de l’État ou à la sécurité publique, prévoit notamment que l’étranger doit être « préalablement avisé » au moyen d’un bulletin de notification, valant convocation devant la commission d’expulsion (C. étrangers, art. R 522-4), puis être entendu par cette commission dont l’avis ne lie pas le ministre de l’intérieur.
 
Or, pour le Conseil constitutionnel, en dispensant l’autorité administrative d’accomplir ces formalités en cas d’urgence absolue, le législateur « a opéré une conciliation qui n’est pas manifestement déséquilibrée entre, d’une part, le droit à un recours juridictionnel effectif et le droit au respect de la vie privée et, d’autre part, la prévention des atteintes à l’ordre public et des infractions ».
Remarque : en l’espèce, par un arrêté du 11 janvier 2016, le ministre de l’intérieur avait prononcé l’expulsion en urgence absolue du requérant, ressortissant algérien entré en France à l’âge d’un mois, condamné à plusieurs peines équivalentes à cinq ans d’emprisonnement, au motif qu’il était susceptible à tout moment de fomenter, commettre ou apporter un soutien logistique à une action terroriste en France. La mesure d’expulsion lui avait été notifiée le 19 janvier 2016 à 9 h 05 avant qu’il soit placé à 13 h 30 le même jour à bord d’un vol partant de Roissy.
Conformité de la procédure d’expulsion en urgence absolue au regard du droit au recours effectif
Le requérant et les parties intervenantes estimaient qu’en permettant l’expulsion d’un étranger en urgence absolue, sans lui laisser la possibilité matérielle de saisir un juge avant l’exécution de la mesure, l’article L. 522-1 portait « une atteinte injustifiée et disproportionnée au droit à un recours juridictionnel effectif résultant de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, ainsi qu’au droit au respect de la vie privée reconnu par l’article 2 de cette Déclaration ».
 
Les Sages rejettent cependant ces arguments et confirment la validité :
 
- de la notion d’urgence absolue, qui « répond à la nécessité de pouvoir, en cas de menace immédiate, éloigner du territoire national un étranger au nom d’exigences impérieuses de l’ordre public » ;
 
- des garanties de procédure qui restent possibles (et que le requérant avait exercé sans succès… après son renvoi), dès lors que « les dispositions contestées ne privent pas l’intéressé de la possibilité d’exercer un recours contre la décision d’expulsion devant le juge administratif, notamment devant le juge des référés qui, sur le fondement des articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative, peut suspendre l’exécution de la mesure d’expulsion ou ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale ».
Rejet de l’examen de la notion d’immédiateté de l’exécution de l’expulsion
Les requérants soutenaient également « qu’en n’ayant ni défini la notion d’urgence absolue, ni prévu de garantie faisant obstacle à la mise en œuvre immédiate d’une décision d’expulsion, le législateur aurait, en outre, méconnu sa compétence ».
 
Or, semblant « botter en touche » sur cette notion de « mise en œuvre immédiate », le Conseil constitutionnel considère que « l’absence de tout délai, critiquée par le requérant, entre, d’une part, la notification à l’étranger de la mesure d’expulsion et, d’autre part, son exécution d’office, ne résulte pas des dispositions contestées ».
 
Ainsi, considérant que cette question ne relève pas du texte contesté, le Conseil ne se prononce pas. Et il est probable qu’une nouvelle QPC portant sur l’article L. 523-1 du Ceseda, qui prévoit que « l’arrêté prononçant l’expulsion d’un étranger peut être exécuté d’office par l’administration », soit nécessaire afin de résoudre cette incertitude.

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Sylvia Preuss-Laussinotte, Maître de conférences Honoraire, Université Paris Ouest Nanterre la Défense
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