La police aux frontières peut retenir, pour le temps strictement nécessaire aux opérations de vérifications et de notification des refus d'entrée, les migrants provenant d'Italie, dans le respect des droits reconnus par le Ceseda. La législation relative à la zone d'attente ne s'applique pas.
Il considère d'abord que la législation relative à la zone d’attente n’est pas applicable aux migrants franchissant la frontière franco-italienne. Il estime également qu’il n’y a pas lieu de fixer à quatre heures le délai maximal nécessaire aux opérations de vérifications et de notification des décisions de refus d’entrée. Il juge en revanche qu’il appartient à l’administration de veiller à ce que tous les droits des personnes interceptées à la frontière et prévus par le Ceseda soient respectés.
Remarque : la situation était assez particulière le Conseil d’État invalidant le raisonnement du juge des référés du tribunal administratif de Nice sans censurer l’ordonnance sur ces points de désaccord, le ministère de l’Intérieur n'ayant pas interjeté appel.
Pas de zone d’attente à la frontière terrestre
Le juge des référés du Conseil d’État estime que la législation relative à la zone d’attente (C. étrangers, art. L. 213-2) ne concerne que les personnes qui arrivent en France « par la voie ferroviaire, maritime ou aérienne » et qui peuvent alors être maintenues « dans une zone d’attente située dans une gare ferroviaire, dans un port ou dans un aéroport ouvert au trafic international », et non celles qui sont contrôlées �� un point de passage de la frontière terrestre.
Dans ces conditions, le juge des référés du tribunal administratif de Nice ne pouvait légalement enjoindre au Préfet de procéder au placement en zone d’attente des personnes retenues au-delà d’une durée de quatre heures.
Un délai d’examen de situation laissé à l’appréciation des autorités policières
Le Conseil d’État estime par ailleurs que le juge des référés ne pouvait pas fixer de durée au-delà de laquelle il convenait de mettre en œuvre une procédure de contrainte spécifiquement prévue par le Ceseda (en l’occurrence, le placement en zone d’attente).
En effet, pour la Haute juridiction, les fonctionnaires doivent disposer d’un temps « strictement nécessaire » pour procéder aux vérifications dans « le respect des règles de forme et de procédure édictées dans l’intérêt des personnes intéressées », lesquelles impliquent inévitablement qu’elles soient retenues durant les opérations.
Un tel délai est susceptible de varier en fonction des circonstances, notamment compte tenu « des difficultés que peut engendrer l’afflux soudain d’un nombre inhabituel de personnes en un même lieu et des contraintes qui s’attachent à l’éventuelle remise des intéressés aux autorités de l’État frontalier ».
Ainsi, pour le juge des référés du Conseil d’État, la retenue des étrangers susceptibles de faire l’objet de refus d’entrée et de procédure de remise aux autorités italiennes dans des locaux spécialement aménagés à cette fin, le temps nécessaire à l’examen de leur situation, sans qu’aucune durée ne soit fixée avec précision, n’est pas, dans son principe, manifestement illégale.
Des conditions de retenues acceptables mais sous surveillance du juge
Statuant sur le fond de la demande des associations, qui critiquaient les conditions dans lesquelles les migrants sont retenus à la frontière, le Conseil d’État observe que, si les conditions matérielles ne sont pas optimales, elles restent acceptables et, en tout cas, ne sont pas de nature à caractériser une atteinte à une liberté fondamentale.
Le juge des référés du Conseil d’État écarte les autres allégations des associations, qui dénonçaient des atteintes aux droits durant ces périodes de retenues (dont certaines auraient duré près de vingt-quatre heures), tels que des refoulements illégaux de mineurs isolés ou des refus d’enregistrement de demandes d’asile.
Il considère à ce titre que, si dysfonctionnements il y a eu un moment, il y a été mis fin. Par ailleurs estimant que « l’augmentation du nombre d’étrangers se présentant à la frontière franco-italienne ne saurait justifier le non-respect des garanties prévues, notamment par l’article L. 213-2 » du Ceseda, il juge qu’il est toujours loisible aux associations requérantes de saisir le juge des référés, au cas par cas, des atteintes aux droits dénoncées.
Remarque : l’article L. 213-2 impose que la décision de refus d’entrée soit prise par écrit, motivée et notifiée dans une langue comprise, avec mention du droit d’avertir ou de faire avertir la personne chez laquelle l’étranger a indiqué qu’il devait se rendre, son consulat ou le conseil de son choix ainsi que de sa possibilité de refuser d’être rapatrié avant l’expiration du délai d’un jour franc. En cas de demande d’asile, « la décision mentionne également son droit d’introduire un recours en annulation sur le fondement de l’article L. 213-9 et précise les voies et délais de ce recours […]. L’étranger mineur non accompagné d’un représentant légal ne peut être rapatrié avant l’expiration du délai d’un jour franc ».
Un dispositif de retenue qui doit respecter le droit d’asile
Le Conseil d’État rappelle également qu’aucune circonstance ne peut justifier que le droit de demander l’asile à la frontière ne soit pas respecté et que les intéressés ne puissent bénéficier des garanties afférentes (tel que le droit de ne pas être refoulé durant les premières quarante-huit heures suivant la notification du refus d’entrée et, le cas échéant, l’intervention de la décision du tribunal administratif).
Remarque : le Conseil d’État ne précise toutefois pas à quel régime juridique obéit la mesure de contrainte à laquelle sont soumis les intéressés durant la procédure d’examen de cette demande, tant par l’administration que par la juridiction. S’ils ne peuvent être placés en zone d’attente, est-ce à dire qu’ils peuvent être maintenus dans les locaux affectés aux procédures de vérifications, qui ne sont manifestement pas adaptés à ces situations ? Dès lors que le juge des référés du Conseil d’État rappelle une fois encore qu'en cas de méconnaissance grave et manifestement illégale des droits des personnes, le juge des référés pourrait être saisi de chaque cas, il est probable que ce dernier soit appelé à statuer rapidement sur cette difficulté.
Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.
Découvrir tous les contenus liés