Le décret permettant de croiser le fichier des « fichés S » et HOPSYWEB est légal

02.06.2020

Droit public

Le Conseil d'État rejette les requêtes de différents acteurs de la santé mentale tendant à l'annulation du décret n° 2019-412 du 6 mai 2019 autorisant la mise en relation des données enregistrées dans le fichier HOPSYWEB et le fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste.

Depuis son actualisation et une réforme de son fonctionnement opérée par un décret de mai 2018 (D.  n° 2018-383, 23 mai 2018 : JO, 24 mai), le fichier HOPSYWEB, qui enregistre les données relatives aux personnes faisant l’objet de mesure de soins psychiatriques sans consentement, est au premier plan des débats voire des contestations dans le monde de la psychiatrie. Cette effervescence a été notablement renforcée par un décret du 6 mai 2019 (n° 2019-412), très décrié depuis son adoption, qui a autorisé le croisement par les services préfectoraux des données contenues dans ce fichier avec le fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT). Ce texte repose sur le postulat qu’une fraction significative des personnes présentant une forme de radicalisation à caractère terroriste présenterait des troubles mentaux. Après l’adoption de ce décret, plusieurs organisations et instances professionnelles du monde médical (dont le CNOM) ou du droit, associations de malades ou de familles avaient présenté un recours en excès de pouvoir contre lui.
Un traitement des données adéquat, pertinent et non excessif selon le Conseil d’État
Dans une décision du 23 mars 2020, le Conseil d’État a rejeté tous ces recours. Les principaux arguments soulevés tournaient autour du respect des exigences de la loi de 1978 relative à l’informatique et aux libertés. Le Conseil d’État y répond, en substance, qu’un tel traitement des données issues de ces deux fichiers répond aux exigences de l’article 6 de la loi de 1978 imposant que « [les données collectées soient] adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées et de leurs traitements ultérieurs ». Le Conseil d’État se fonde sur l’affirmation « que ne sont mises en relation que les données strictement nécessaires à l'identification des personnes inscrites dans ces deux traitements, que seul le représentant de l'État dans le département du lieu de l'admission en soins psychiatriques sans consentement et, le cas échéant, les agents placés sous son autorité désignés à cette fin sont informés de la correspondance révélée par cette mise en relation, alors qu'il ressort notamment du rapport d'information sur les services publics face à la radicalisation, enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 27 juin 2019, que 12% des personnes enregistrées dans le FSPRT présenteraient des troubles psychiatriques ».
Le CNOM, de son côté, s’appuyait essentiellement sur le fait qu’un tel croisement des fichiers portait atteinte au secret médical protégé par l’article L 1110-4 du code de la santé publique. A ceci, le Conseil d’État répond que « le décret attaqué a pour seul objet d'organiser, grâce à la mise en relation des traitements HOPSYWEB et FSPRT, l'information du représentant de l'État dans le département du lieu de l'admission en soins psychiatriques sans consentement - lequel a déjà connaissance de cette admission même lorsque la décision a été prise par le directeur de l'établissement d'accueil en application de l'article L. 3212-5 du code de la santé publique - sur l'inscription de la personne concernée dans le FSPRT ».
Inapplicabilité du RGPD
Par ailleurs, le Conseil d’État a souligné, dans sa décision, que la mise en relation de HOPSYWEB et du FSPRT « a pour finalité la prévention de la radicalisation à caractère terroriste. Il s'ensuit qu'[elle] relève, au même titre que le traitement FSPRT, des seules dispositions applicables aux traitements intéressant la sûreté de l'Etat et la défense, aujourd'hui regroupées au sein du titre IV de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ainsi que des dispositions communes à l'ensemble des traitements figurant aujourd'hui au titre I. Il ne relève dès lors pas du champ d'application du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 (RGPD), ni du titre II de la loi du 6 janvier 1978 relatif aux traitements relevant du régime de protection prévu par ce règlement ».

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Mathias Couturier, Maître de conférences à l'université de Caen
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