Le projet de loi Montagne boude l'environnement

16.09.2016

Environnement

Un avis du CESE estime que le texte fait l'impasse sur certains enjeux écologiques.

"Notre route est droite, mais la pente est forte" disait un ancien premier ministre. Cette boutade paraît devoir s'appliquer à la réforme de la loi Montagne adoptée en 1985.

Environnement

La mise en place d’une stratégie environnementale cohérente s’impose de plus en plus aux entreprises du fait de la complexité de la législation pour la protection de l’environnement et de la multiplicité des réformes. En effet, de nombreuses lois et réglementations ont récemment impacté les activités économiques (autorisation environnementale, concernant notamment les ICPE, loi de transition énergétique, loi biodiversité)

Découvrir tous les contenus liés

Il ne fait pas de doute que ce texte fondateur aura droit à une sérieuse mise à jour d'ici à la fin de l'année. C'est en tout cas le souhait du Gouvernement qui, dans sa feuille de route pour la montagne présentée en septembre 2015, estimait que les conditions de mise en oeuvre de cette loi devaient être rénovées pour prendre en compte de nouvelles préoccupations (v. notre actualité "Un vent de réforme souffle sur la loi Montagne" du 15 octobre 2015).

Cette réforme est aussi l'aboutissement des propositions émanant du rapport parlementaire "Un acte II de la loi montagne pour un pacte renouvelé de la Nation avec les territoires de montagne, de juillet 2015 (v. notre actualité "Les élus à l'assaut de la loi Montagne" du 9 septembre 2015).

Un projet de loi reprenant une partie de ces propositions a été adopté lors du Conseil des ministres du 14 septembre 2016 et déposé au Parlement. Le texte, composé d'une vingtaine d'articles, doit être adopté au plus tard à la fin de l'année, mais cette échéance paraît très optimiste, compte tenu des délais inhérents à l'examen parlementaire, même via une procédure en urgence.

Un texte peu ambitieux qui délaisse les préoccupations environnementales

Les dispositions réformant la loi Montagne ne comporte finalement que peu de dispositions environnementales. Concrètement, le projet de loi comporte quatre grands axes :

  • préciser les objectifs généraux de la politique de la montagne et le fonctionnement des institutions qui lui sont propres ;
  • soutenir l’emploi et le dynamisme économique ;
  • faciliter la réhabilitation de l’immobilier de loisir ;
  • renforcer les politiques environnementales à travers l’action des parcs naturels régionaux et nationaux.

Si l'association des élus de montagne s'est félicitée des avancées de ce texte, les associations de protection de la nature craignent que de nouvelles dérogations voient le jour et en particulier un assouplissement de la procédure des unités touristiques nouvelles (UTN).

Quant au Conseil économique, social et environnemental (CESE) qui a rendu un avis sur ce projet, celui-ci fait grief au texte de prévoir des mesures trop partielles et insuffisamment stratégiques pour répondre à la vision générale annoncée.

Ainsi, le CESE estime que le texte fait l'impasse sur des sujets environnementaux importants, comme par exemple les enjeux climatiques, la gestion et de l'eau, la protection des milieux aquatiques ainsi que le soutien de l'État et des collectivités pour protéger la biodiversité. il recommande donc que les solutions de re-développement économique s'inscrivent dans la priorité de développement durable et d'adaptation au changement climatique. Il recommande également le renforcement de la présence des associations au sein du conseil national de la montagne (CNM) et la prise en compte systématique des orientations de la trame verte et bleue et des schémas directeurs d'aménagement et de gestion dans le schéma interrégional d'aménagement et de développement de massif.

Objectifs généraux de la politique de la montagne et gouvernance

Sur ce premier point, le projet de loi détaille les objectifs généraux de la politique de la montagne et réaffirme le principe d’adaptation des politiques publiques aux spécificités de ces territoires. Il ne s’agit plus seulement de compenser les handicaps liés aux conditions géographiques climatiques mais aussi de valoriser les atouts de la montagne en matière de qualité de vie, d'emploi et de loisirs, en mobilisant le potentiel d’innovation à l’œuvre dans ces territoires.

Le texte précise la place des collectivités territoriales au sein des institutions propres à la montagne, au regard de la réforme territoriale. Il renforce le rôle et les missions du Conseil national de la montagne (CNM) et des comités de massif et donne au CNM la capacité de saisir directement le Conseil national de l’évaluation des normes.

Soutien de l'emploi et dynamisme économique

Le projet de loi s’attache à répondre à des problèmes de la vie quotidienne des habitants et des acteurs économiques. Il prend en compte les conditions propres aux territoires de montagne en matière de communications électroniques fixes ou mobiles pour la mise en œuvre des investissements publics et la réalisation des équipements et leur maintenance.

Il aborde aussi les questions relatives à la pluriactivité et au travail saisonnier, formes complémentaires d’organisation du travail, à la fois traditionnelles et très présentes en montagne. Il propose notamment une meilleure protection sociale. Il prévoit par ailleurs des mesures destinées à faciliter le logement des travailleurs saisonniers qui demeure une grave cause de précarité pour ces actifs.

Il adapte les conditions d’adoption des « plans simples de gestion » d’ensembles forestiers et introduit le principe d’une gestion différenciée, par massif, des moyens de lutte contre les grands prédateurs, dans le respect des engagements internationaux.

En matière de promotion du tourisme en montagne, le projet de loi ouvre, pour les communes classées station de tourisme ou en cours de classement, la possibilité d’une dérogation au transfert vers les intercommunalités de la compétence « promotion du tourisme, dont la création d’offices de tourisme ».

Réhabilitation de l'immobilier les loisirs

Le projet de loi procède à une simplification du régime des « unités touristiques nouvelles » (UTN) en distinguant les opérations stratégiques qui relèvent d’une planification dans les schémas de cohérence territoriale (SCoT) et celles, d’impact plus local, qui relèvent des plans locaux d’urbanisme (PLU).

Il prévoit qu'avant l’autorisation délivrée par l’État de travaux sur un chalet d’alpage ou des bâtiments d’estive existants, non desservis par les voies et réseaux ou desservis par des voies non utilisables l’hiver, le maire a désormais l’obligation de mettre en place une servitude administrative interdisant l’utilisation du bâtiment en période hivernale ou limitant son usage en l’absence de réseaux. Cette disposition précise donc que la commune est libérée de l’obligation d’assurer la desserte du bâtiment par les réseaux et équipements publics.

Il encourage par ailleurs la réorientation de la construction vers la réhabilitation de l’immobilier de loisirs afin de lutter contre le phénomène des « lits froids » et de préserver les sols naturels, notamment pour des usages agricoles.

Renforcement des politiques environnementales

Le texte précise le rôle des parcs naturels régionaux et des parcs nationaux en matière de prise en compte des spécificités des territoires de montagne et de la préservation de la biodiversité. Le texte affirme le rôle du syndicat mixte d’aménagement et de gestion du parc naturel régional (PNR) pour prendre en compte, sur le territoire classé et dans le cadre de la charte du parc, les spécificités des territoires de montagne, favoriser la mise en cohérence des politiques publiques dans leur périmètre, ainsi que le renforcement des solidarités entre territoires urbains et montagnards.

Il permet également aux chartes des PNR et des parcs nationaux de créer des  « zones de tranquillité » donnant priorité aux espèces végétales et animales sauvages et garantissant l'absence de nuisances susceptibles de gêner le libre déroulement des processus écologiques.

Olivier Cizel, Code permanent Environnement et nuisances

Nos engagements