Le régime d'implantation des officines de pharmacie réformé par ordonnance

05.01.2018

Droit public

Les conditions d'implantation des pharmacies d'officine sur le territoire métropolitain et ultramarin sont simplifiées.

Adoptée en application de l’article 204 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, l’ordonnance n° 2018-3 du 3 janvier 2018 réforme les conditions d’implantation des pharmacies d’officine sur le territoire métropolitain et ultramarin.
L’objet du texte est de simplifier les dispositions relatives aux créations, transferts et regroupements de pharmacies, afin de rééquilibrer le maillage officinal entre les zones saturées et les zones déficitaires, tout en allégeant certaines règles procédurales. De nombreux articles du code de la santé publique sont modifiés et renumérotés en conséquence.
Régime de planification administrative
A la différence des professions médicales gouvernées par le principe de la liberté d’installation, les pharmaciens d’officine ne peuvent s’installer et ouvrir une officine que s’ils bénéficient d’une autorisation accordée par le directeur de l’ARS (dénommée licence), celle-ci étant accordée en fonction de critères qualitatifs et quantitatifs.
L’ouverture d’une pharmacie peut résulter de l’une des trois opérations suivantes : la création d’une nouvelle officine, le transfert d’une officine existante ou le regroupement de deux ou plusieurs officines.
L’ordonnance fait toujours du transfert et du regroupement la voie privilégiée de la restructuration du maillage officinal (environ 22000 pharmacies ouvertes au public).
Les créations d’officine restent donc une exception et ne sont permises qu’à une double condition. D’une part, elles ne peuvent concerner que des communes comportant des zones franches urbaines, des quartiers prioritaires de la politique de la ville ou des zones de revitalisation rurale. D’autre part, les conditions démographiques exigées pour une ouverture doivent être remplies depuis deux ans à compter de la publication du dernier recensement, aucun transfert ou regroupement n’ayant été autorisé dans ces zones durant cette période.
L’ordonnance établit des conditions générales d’autorisation d’ouverture qui impliquent des critères d’ordre qualitatif et d’ordre quantitatif.
Critères d’ordre qualitatif
Le premier critère qualitatif est positif. L’ouverture d’une pharmacie doit permettre d’assurer une desserte en médicaments optimale au regard des besoins de la population résidente et du lieu d’implantation (C. santé publ., art. L. 5125-3).
Le second critère qualitatif est négatif. Les transferts ou les regroupements d’officines ne doivent pas compromettre l’approvisionnement nécessaire en médicaments de la population résidente du quartier, de la commune ou des communes d’origine.
L’ordonnance innove en apportant d’utiles précisions sur les notions d’approvisionnement, de desserte optimale et de quartier, l’interprétation de ces notions ayant donné lieu, par le passé, à plusieurs contentieux.
L’approvisionnement en médicaments est compromis lorsqu’il n’existe pas d’officine au sein du quartier, de la commune ou de la commune limitrophe accessible au public par voie piétonnière ou par un mode de transport motorisé (à définir par décret) et disposant d’emplacements de stationnement (C. santé publ., art. L. 5125-3). Les besoins d’approvisionnement en médicaments pour la population du territoire sont évalués par le directeur de l’ARS dans le cadre du schéma régional de santé (C. santé publ., art. L. 5125-6).
Le quartier d’une commune est défini en fonction de la présence d’une population résidente et d’une unité géographique, cette dernière étant déterminée par des limites naturelles, les voies communales ou les infrastructures de transport qui circonscrivent le quartier (C. santé publ., art. L. 5125-3-1).
Le caractère optimal de la desserte en médicaments est réputé satisfait dès lors que trois conditions cumulatives sont réunies (C. santé publ., art. L. 5125-3-2).
Il faut d’abord que l’accès à la nouvelle officine soit aisé ou facilité par sa visibilité, par des aménagements piétonniers, des stationnements, le cas échéant, des dessertes de transports en commun.
Il faut ensuite que les locaux de la nouvelle officine remplissent les conditions d’accessibilité pour personnes handicapées (C. santé publ., art. D. 4364-14 et R. 5232-13), ainsi que les conditions minimales d’installation des pharmaciens (C. santé publ., art. R. 5125-9 et R. 5125-10), l’emplacement de l’officine devant garantir un accès permanent du public en vue d’assurer les services de garde et d’urgence.
Il faut enfin que la nouvelle officine approvisionne la même population résidente ou une population résidente jusqu’ici non desservie ou une population résidente dont l’évolution démographique est avérée ou prévisible au regard des permis de construire délivrés pour des logements individuels ou collectifs.
Cette dernière condition n’est toutefois pas exigée lorsque le transfert d’une officine est envisagé au sein d’un même quartier, ou au sein d’une même commune lorsqu’elle est la seule officine présente au sein de cette commune, ou lorsqu’un regroupement d’officines d’un même quartier est prévu au sein de ce dernier (C. santé publ., art. L. 5125-3-3).
Critères d’ordre quantitatif
L’octroi de la licence est également subordonné au respect de critères quantitatifs (géo-démographiques), déterminés en fonction de la population municipale issue du dernier recensement publié au JO (C. santé publ., art. L. 5125-4).
L’ouverture d’une officine par voie de transfert ou de regroupement ne peut être autorisée que si la commune d’accueil comprend au moins 2500 habitants (3500 dans les départements de la Guyane et les départements alsaciens-mosellan). L’ouverture d’une officine supplémentaire ne peut être autorisée qu’à raison d’une autorisation par tranche entière supplémentaire de 4500 habitants. Ces quotas sont identiques à ceux qui prévalaient jusqu’à présent.
Lorsque la dernière officine présente dans une commune de moins de 2 500 habitants a cessé définitivement son activité et qu’elle desservait jusqu’alors une population au moins égale à 2 500 habitants, une nouvelle autorisation peut être délivrée pour l’installation d’une officine, par voie de transfert ou de regroupement.
Le regroupement de deux officines, ou plus, n’est possible que si leur commune d’origine présente un nombre d’officines excédant les quotas d’habitants, le lieu de regroupement de ces officines étant l’emplacement de l’une d’elles ou tout autre emplacement situé sur le territoire national. Si le regroupement s’opère dans un lieu nouveau, la nouvelle officine ne peut être effectivement ouverte au public qu’après la fermeture des locaux d’origine de chacune des officines regroupées.
L’ordonnance conserve le régime du gel des licences libérées à la suite d’un regroupement. Le nombre de licences concernées par le regroupement au sein d’une des communes d’origine demeure ainsi pris en compte pour calculer le quota d’officine par habitants dans la commune où le regroupement est effectué. Le gel des licences ne peut être levé qu’à l’issue d’un délai de 12 ans, le directeur de l’ARS pouvant, après avis des instances syndicale et ordinale compétentes, autoriser une nouvelle officine si les besoins en médicaments de la population ne sont plus satisfaits de manière optimale.
Ouverture d’officine dans les territoires défavorisés
Des dispositions spécifiques ont été introduites en faveur des territoires au sein desquels l’accès à une pharmacie n’est pas assuré de manière satisfaisante. Il incombe au directeur de l’ARS de déterminer, par arrêté, les territoires concernés (un décret devant en préciser les critères de définition).
Pour ces territoires, le directeur de l’ARS arrête la liste des communes contiguës dépourvues d’officine – dont une comporte au moins 2000 habitants – afin de totaliser un nombre d’habitants conforme aux quotas démographiques (C. santé publ., art. L. 5125-6-1). Dans ce cas, l’ouverture d’une officine, par voie de transfert ou de regroupement, peut être autorisée dans l’une de ces communes, notamment auprès d’un centre commercial, d’une maison de santé ou d’un centre de santé. L’appréciation du caractère optimal de la desserte s’effectue alors au regard des seuls critères d’aménagement urbain (accessibilité extérieure de l’officine) et d’installation immobilière (accessibilité intérieure de l’officine) et non du critère de la population résidente, l’officine n’ayant donc pas à desservir immédiatement la population résidente d’un quartier mais pouvant viser une population de passage (C. santé publ., art. L. 5125-6-2).
L’ARS peut également adopter des mesures destinées à favoriser ou maintenir une offre pharmaceutique au titre des expérimentations ou des actions prises en charge par le fonds d’intervention régional (C. santé publ., art. L. 1435-8).
Ouverture d’officine en zone aéroportuaire
L’ordonnance institue des dispositions particulières pour les ouvertures de pharmacies dans les aéroports, le nombre d’habitants recensés étant remplacé par le nombre annuel de passagers de l’aéroport (C. santé publ., art. L. 5125-7). Une annexe de l’officine peut également être ouverte dans la zone piste ou la zone ville, selon le site d’implantation de l’officine dans l’aéroport (C. santé publ., art. L. 5125-7-1). Lorsque plusieurs officines sont implantées au sein d’un aéroport, un service de garde et d’urgence doit être organisé (C. santé publ., art. L. 5125-7-2).
Règles gouvernant la délivrance et la fin de la licence
Certaines règles procédurales concernant les autorisations ont été modifiées. Le directeur de l’ARS conserve la faculté de déterminer le ou les secteurs de la commune dans lequel l’officine devra être située. En revanche, le pouvoir qu’il détenait en vue d’imposer une distance minimale entre l’emplacement prévu pour la future officine et l’officine existante la plus proche lui a été retiré (C. santé publ., art. L. 5125-18).
Les règles de priorité thématique ont été maintenues (C. santé publ., art. L. 5125-20) : les demandes de regroupement l’emportent sur les demandes de transfert et les demandes de transfert l’emportent sur les demandes de création. Une priorité est introduite - sans préjudice des priorités thématiques précédentes - au bénéfice des pharmacies des communes limitrophes sollicitant l’ouverture d’une officine au sein d’une commune nouvelle ou d’une commune figurant sur la liste arrêtée par le directeur de l’ARS au titre des territoires défavorisés. La règle de l’antériorité, donnant priorité chronologique au premier dossier complet déposé à l’ARS pour des demandes de même nature (création, transfert ou regroupement), est conservée.
Le régime de l’entrée en vigueur de la licence subit pour sa part quelques modifications. L’autorisation d’ouverture ne prend effet qu’à l’issue d’un délai de trois mois suivant la notification de l’arrêté au pharmacien (C. santé publ., art. L. 5125-19). A l’issue de ce délai, l’officine dont la création, le transfert ou le regroupement a été autorisé doit être effectivement ouverte au public dans les deux ans à compter de la notification de l’arrêté de licence (contre un an auparavant), le délai pouvant toujours être prorogé en cas de force majeure.
L’interdiction de cession, de transfert ou de regroupement d’une officine autorisée avant un délai de cinq ans a été supprimée. L’ordonnance précise que la cession d’une officine est possible au cours d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, la licence devenant caduque à compter de la date du jugement de clôture pour insuffisance d’actifs ou pour extinction du passif (C. santé publ., art. L. 5125-21).
Le régime de caducité des autorisations est reconduit. En cas de cessation définitive d’activité de l’officine, le titulaire, ou en cas de décès ses héritiers, doit déclarer cette cessation auprès de l’ARS. A défaut, la cessation d’activité est réputée définitive dès lors qu’aucune activité n’a été constatée pendant douze mois consécutifs, le directeur de l’ARS constatant par arrêté la caducité de la licence.
Date d’applicabilité
Les dispositions de l’ordonnance seront applicables à la date de publication des décrets pris pour leur application, et au plus tard le 31 juillet 2018.

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Jérôme Peigné, Professeur à l'université Paris Descartes
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