Le tuteur de Vincent Lambert sera bien son épouse

13.12.2016

Droit public

Par un arrêt du 8 décembre 2016, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi contre un arrêt de la cour d'appel de Reims du 8 juillet 2016 qui avait confirmé la désignation de l'épouse de Vincent Lambert comme tutrice de celui-ci pour une durée de 10 ans.

L’affaire Vincent Lambert n’est pas encore parvenue à son terme mais l’espoir des parents de voir la vie de leur fils maintenue s’éloigne de plus en plus.
 
L’épouse de Vincent Lambert se voit en effet confortée dans son rôle de tutrice de son mari, alors qu’elle avait, en l’absence de directives anticipées émanant de lui, témoigné de la volonté de ce dernier, inconscient et dépendant depuis un grave traumatisme crânien consécutif à un accident de la circulation, de ne pas continuer à vivre dans ces conditions.  Plus précisément, elle avait ��té désignée tutrice de celui-ci pour une durée de 10 ans par une décision du juge des tutelles de Reims du 10 mars 2016. L’union départementale des associations familiales (UDAF) avait été choisie pour l’assister, en tant que subrogé tuteur.
 
Contestée par les parents de Vincent Lambert, cette décision avait été confirmée par un arrêt de la cour d’appel de Reims le 8 juillet 2016. C’est le pourvoi contre cet arrêt que la Cour de cassation vient de rejeter.
 
La Haute juridiction a d’abord approuvé les juges du fond d’avoir, en application des articles 425 et 428 du code civil, ordonné une mesure de protection en faveur de Vincent Lambert. Tout en relevant le rôle et la présence au quotidien des parents de Vincent Lambert auprès de lui, ils ont pu estimer que celui-ci devait être représenté dans les différentes procédures le concernant et que les décisions relatives à sa personne devaient être prises dans son seul intérêt, sous le contrôle du juge des tutelles, conformément aux dispositions de l’article 459 du code civil.
 
Répondant ensuite au grief adressé aux juges du fond d’avoir privilégié la désignation comme tutrice de l’épouse de Vincent Lambert malgré le conflit familial auquel elle n’est pas étrangère et son éloignement consécutif à un déménagement loin du lieu d’hospitalisation, la Cour de cassation s’appuie sur l’article 449 du code civil, selon lequel, « à défaut de désignation par la personne protégée elle-même, le juge nomme comme curateur ou tuteur son conjoint, à moins que la vie commune ait cessé entre eux ou qu’une autre cause empêche de lui confier la mesure ». Elle relève, pour caractériser la non violation de ce texte, que personne n’avait contesté la capacité de l’épouse à représenter son mari jusqu’à ce que se pose la question de la décision médicale de l’arrêt de ses traitements pour obstination déraisonnable. Son éloignement était dû en outre à son souci de se rapprocher de son père avec sa fille, en raison de la pression médiatique dont elle souhaitait protéger son enfant. Comme les juges du fond, elle note enfin que l’épouse n’avait jamais demandé un arrêt des soins mais seulement dit qu’elle ne s’y opposerait pas, ce qui respectait la règle selon laquelle un tuteur ne peut se substituer à la procédure collégiale définie par le code de la santé publique, qui relève des médecins chargés du suivi du patient, ni remettre en cause les décisions de justice passées en force de chose jugée. En conclusion de quoi elle décide, à l’instar des juges du fond, que la cessation de la vie commune n’était pas liée à des circonstances imputables à l’épouse et qu’il n’y avait donc pas d’obstacle à désigner celle-ci comme tutrice de son mari.
 
Pour le reste, la Haute juridiction approuve les juges du fond d’avoir désigné l’épouse pour une durée de dix ans, supérieure à celle de cinq ans prévue par l’article 441 du code civil, dans la mesure où le même texte permet au juge d’aller au-delà, par une décision spécialement motivée et sur avis conforme d’un médecin inscrit sur une liste établie par le procureur de la République constatant que l’altération des facultés personnelles de l’intéressé n’apparaît manifestement pas susceptible de connaître une amélioration selon les données acquises de la science, ce qui est le cas, selon l’estimation des juges, de Vincent Lambert.
 
Il revient à chacun d’apprécier la façon dont les faits ont pu être interprétés par les juges du fond, avec la bénédiction de la Cour de cassation, pour privilégier la désignation de l’épouse de Vincent Lambert comme tutrice.  Il n’empêche que le rôle de celle-ci dans le processus décisionnel de fin de vie contesté en justice n’a pas été neutre dans la mesure où elle a bien témoigné de la volonté de Vincent Lambert de ne pas continuer à vivre dans l’état qui est le sien alors que ce dernier ne peut plus exprimer de volonté et n’a laissé aucune directive explicite à ce sujet, et que ce témoignage a pesé lourd dans les décisions rendues sur la licéité de la procédure d’arrêt des traitements le concernant, notamment dans l’arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 24 juin 2014. S’il est exact, comme le souligne la Cour de cassation, que la décision d’arrêt des traitements relève de la seule responsabilité du corps médical, dans le respect d’une procédure collégiale, il reste que « lorsque la décision de limitation ou d’arrêt de traitement concerne un mineur ou un majeur protégé, le médecin recueille l’avis des titulaires de l’autorité parentale ou du tuteur, selon les cas, hormis les situations où l’urgence rend impossible cette consultation » (C. santé publ., art. R. 4127-37-2). En l’occurrence, c’est bien l’épouse de Vincent Lambert qui aura à donner un « avis » sur la décision de fin de vie envisagée. Et cet avis, dont le sens est déjà connu de tous, ne devrait pas être indifférent, quoi qu’on en pense, au sort qui attend désormais Vincent Lambert, probablement bien avant que n’expire le délai de dix ans de « protection tutélaire ».
 
Les parents, qui assistent au quotidien leur fils, devront se contenter pour leur part d’être « informés de la nature et des motifs de la décision de limitation ou d’arrêt de traitement » (C. santé publ., art. R. 4127-37-2).

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Daniel Vigneau, Agrégé des facultés de droit, professeur à l'université de Pau et des Pays de l'Adour, conseiller scientifique honoraire du DP Santé, bioéthique, biotechnologies
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