Légalisation des actes publics étrangers : publication du décret d'application

13.02.2024

Droit public

Après sa réintroduction dans la loi, l'obligation de légalisation de tout acte public établi par une autorité étrangère voit ses modalités précisées dans un décret d'application qui entrera en vigueur le 1er avril 2024.

La loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice pour 2023-2027 a rétabli, au paragraphe II de l’article 16 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, le principe selon lequel tout acte public établi par une autorité étrangère et destiné à être produit en France doit, sauf engagement international contraire, être légalisé pour y produire effet. Elle prend également soin de préciser que le refus de légalisation opposé par une autorité française peut faire l’objet d’un recours contentieux, devant la juridiction administrative. Le décret n° 2024-87 du 7 février 2024 vient détailler les modalités de cette obligation, en reprenant pour une large part les dispositions du précédent décret n° 2020-137 du 10 novembre 2020.

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Remarque : le principe de légalisation ne disposait plus de base légale depuis le 1er janvier 2023, à la suite de la censure de la loi par le Conseil constitutionnel (Cons. const., déc., 18 févr. 2022, no 2021-972 QPC) et de l’annulation subséquente de son décret d’application par le Conseil d’État (CE, 7 avr. 2022, n° 448296), ces deux annulations ayant vu leur effet différé au 31 décembre 2022.

Principe de la légalisation et modalités de recours

Après avoir rappelé l’obligation de légalisation des actes publics étrangers, présente dans la loi, le décret précise les modalités de recours en cas de silence ou de refus de l’administration. A l’instar des titres de séjour, il prévoit que le silence gardé pendant quatre mois par l’administration sur une demande de légalisation d’un acte public établi par une autorité étrangère vaut décision de rejet (article 1er). Les recours sont portés devant la juridiction administrative, dans les conditions du droit commun.

Champ d’application de l’obligation de légalisation

L’article 2 du décret établit la liste des actes publics étrangers couverts par l’obligation de légalisation. Aux côtés des actes de l’état civil établis par les officiers de l’état civil, des actes établis par les autorités administratives et des actes notariés, se retrouvent les actes émanant des juridictions administratives ou judiciaires, des ministères publics institués auprès de ces dernières et de leurs greffes ainsi que les actes établis par les huissiers et commissaires de justice. Figurent également dans la liste les déclarations officielles telles que les mentions d’enregistrement, les visas pour date certaine et les certifications de signatures, apposées sur un acte sous seing privé, ainsi que les actes établis par les agents diplomatiques et consulaires.

Principe et exceptions de la légalisation à l’étranger

Les actes étrangers produits en France doivent en principe être légalisés par l’autorité consulaire française de la circonscription dans laquelle l’acte a été établi (article 3).

L’article 3 précise à ce titre qu’à moins de disposer d’un spécimen des signature, sceau ou timbre original dont l’acte est revêtu, l’acte doit être préalablement légalisé par l’autorité compétente de l’État dont il émane, suivant ainsi une « double légalisation ».

Les dérogations prévues (qui figuraient déjà dans le décret d’application du 10 novembre 2020) visent deux cas très précis :

  • les actes publics émis par les autorités de l’État de résidence dans des conditions qui ne permettent manifestement pas à l’ambassadeur ou au chef de poste consulaire français d’en assurer la légalisation (sous réserve que ces actes aient été légalisés par l’ambassadeur ou le chef de poste consulaire de cet État en résidence en France) ;

Remarque : le décret précise que la liste des États concernés doit être rendue publique par le ministre des affaires étrangères. Elle n’avait jamais été communiquée dans le cadre de l’application du décret du 10 novembre 2020.

  • les actes publics légalisés par l’autorité compétente de l’État qui les a émis, lorsqu’ils sont requis par l’ambassadeur ou le chef de poste consulaire français en résidence dans cet État pour être transcrits sur les registres de l’état civil français.

Modalités de la légalisation

Pour être légalisés, les actes publics rédigés en langue étrangère doivent être accompagnés d’une traduction en français effectuée par un traducteur habilité, en France, dans un autre État membre de l’Union européenne, dans un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen, en Suisse ou dans l’État de résidence (article 5).

Conséquences d’une absence ou d’un refus de légalisation

La notice du décret annonçait également « les conséquences d’une absence ou d’un refus de légalisation » d’un acte public étranger, ce qui pouvait laissait craindre une réintroduction dans le décret de l’article 22 de la loi récemment censurée par le Conseil constitutionnel, suivant lequel les actes non légalisés relatifs à l’état civil, produits par un ressortissant étranger pour justifier notamment de son identité et de ses liens familiaux, ne peuvent produire effet en France (Cons. Const. Déc. n° 2023-863 DC, 25 janv. 2024, § 272).

En l’absence de telles dispositions, et même si la Cour de cassation adopte une position plus stricte, en considérant que les documents d’état civil qui n’ont pas été légalisés sont dépourvus de force probante (Cass. 1re civ., 15 mars 2023, n°22-18.147 ; Cass. 1re civ., 12 juill. 2023, n° 23-11.621), l’absence ou l’irrégularité de la légalisation d’un acte d’état civil étranger ne devrait par conséquent pas, ainsi que l’a précisé le Conseil d’État, faire obstacle à ce que puissent être prises en considération les énonciations qu’il contient, à la condition de présenter des garanties suffisantes d’authenticité (CE, avis n° 457494, 458031, 21 juin 2022).

Remarque : le décret rétablit également, en son article 8, une disposition du décret du 10 novembre 2020 modifiant le décret n°2007-1205 du 10 août 2007 (relatif aux attributions du ministre des affaires étrangères, des ambassadeurs et des chefs de poste consulaire en matière de légalisation d’actes), qui précise que ces autorités légalisent les actes publics émanant d’une autorité française et destinés à être produits à l’étranger. Il ajoute que la légalisation s’opère sous réserve qu’ils soient en mesure de s’assurer de la véracité de la signature de l’auteur de l’acte, de la qualité en laquelle le signataire de l’acte a agi et, le cas échéant, de l’identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu.

Marjolaine Roccati, Maitre de conférences en droit privé, Université Paris Ouest Nanterre
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