Le tribunal administratif de Paris enjoint au LNE/G-Med de communiquer la liste des dispositifs médicaux certifiés et commercialisés, mais rejette la demande concernant l'accès à la liste des dispositifs médicaux auxquels la certification a été refusée.
Dans le cadre de l’enquête du consortium international des journalistes d’investigation sur les dispositifs médicaux implantables (dite « implant files »), la société éditrice du Monde, soutenue par plusieurs associations de journalistes, a introduit devant le tribunal administratif de Paris un recours visant à annuler les décisions du Laboratoire national de métrologie et d’essais (LNE) et de sa filiale chargée de l’évaluation des dispositifs médicaux en France, la société G-Med, lesquels ont refusé de communiquer la liste des dispositifs auxquels un certificat de conformité CE n’a pas été accordé et celle auxquels un certificat a été délivré.
Par un jugement du 15 octobre 2020, le Tribunal administratif de Paris leur a donné partiellement raison, en annulant les décisions ayant refusé de communiquer la liste des dispositifs médicaux auxquels un certificat a été délivré, enjoignant au LNE et au G-Med de communiquer cette liste dans un délai d’un mois.
Le jugement infirme corrélativement la position adoptée par la CADA qui, dans un
avis n° 20182659 du 25 octobre 2018, s’était déclarée défavorable à la communication de la liste des dispositifs médicaux ayant obtenu le marquage CE par le LNE/G-Med et de la liste des dispositifs auxquels l’organisme notifié a refusé de délivrer un certificat.
Le tribunal a estimé que la protection du secret des affaires, visée par le deuxième alinéa de l’article L. 311-6 du code des relations entre le public et l’administration, ne justifie pas d’opposer un refus dans le cas des dispositifs certifiés déjà mis sur le marché. Il a par ailleurs indiqué que les dispositions de l’article L. 151-8 du code de commerce, qui prévoient les cas dans lesquels le secret des affaires n’est pas opposable, ne peuvent pas être utilement invoquées à l’appui d’un recours concernant l’accès à des documents administratifs.
Non seulement la communication aux tiers de la liste des dispositifs médicaux certifiés mis sur le marché n’est pas de nature à divulguer une information économique ou financière sensible, dès lors qu’elle ne comporte que le nom des dispositifs, mais elle contribue également « de manière significative au débat public sur une question d’intérêt général et permet de surcroît une meilleure traçabilité des dispositifs défectueux, conformément à l’objectif de santé publique visant à garantir la sécurité et la fiabilité des dispositifs médicaux ».
Pour autant, même si l’enquête du consortium international de journalistes a révélé des dysfonctionnements dans le processus de certification des dispositifs médicaux au sein de l’Union européenne, elle ne justifie pas de déroger au secret des affaires dans toutes les circonstances. L’exercice de la liberté d’expression journalistique, protégée par l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, doit en effet être mis en balance avec d’autres considérations que la loi entend également protéger.
Pour la juridiction administrative parisienne, la communication de la liste des dispositifs médicaux auxquels un marquage CE a été refusé et des dispositifs auxquels un certificat a été accordé, mais qui ne sont pas encore commercialisés, doit être regardée comme la divulgation d’une information confidentielle relative à la stratégie commerciale et industrielle des fabricants concernés, relevant de la protection du secret des affaires.
Un refus de certification par l’organisme notifié G-Med n’interdit cependant pas qu’une procédure d’évaluation de la conformité soit effectuée par un autre organisme certificateur établi dans un autre État membre de l’UE, voire dans un Etat tiers avec lequel une reconnaissance mutuelle est établie. Or, si la procédure conduit au marquage CE, le principe de la libre circulation permet au fabricant de commercialiser tout dispositif certifié sur le marché français.
C’est ce qui explique que, pour le tribunal, le critère de la mise sur le marché effective (la mise à disposition du marché dans le langage du droit de l’Union) soit pertinent pour faire prévaloir la protection du secret des affaires sur l’exercice de la liberté de la presse. Tant qu’ils ne sont pas encore commercialisés, les dispositifs médicaux certifiés ne présentent qu’un risque théorique pour la santé publique, ce qui ne constitue pas un motif suffisant pour qu’il soit dérogé au secret des affaires en autorisant l’accès à des informations économiques confidentielles.
Compte tenu de la nature des intérêts en présence et du caractère ambivalent de cette jurisprudence, on peut penser que l’affaire sera examinée en appel et finira devant le Conseil d’Etat.
Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.
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Jérôme Peigné, Professeur à l'université de Paris (Institut droit et santé)