Les établissements psychiatriques face à l'épidémie de Covid-19

30.03.2020

Droit public

Le ministère de la santé a publié, le 22 mars, une série de recommandations relatives au fonctionnement des établissements de santé autorisés en psychiatrie dans le contexte du passage au stade 3 de l'épidémie de Covid-19.

Il est nécessaire, dans le cadre du phénomène épidémique de grande ampleur que connaît la France à l’heure actuelle, d’adapter le fonctionnement des établissements de santé. Les établissements autorisés en psychiatrie ont fait l’objet d’une recommandation particulière diffusée le 22 mars 2020.
Privilégier la prise en charge ambulatoire et à distance
Dans un premier temps, cette recommandation souligne la nécessité de maintenir et même d’intensifier la réponse soignante en santé mentale dans la période actuelle qui, notamment en raison de son caractère anxiogène, peut provoquer des troubles spécifiques ou des phénomènes de décompensation dans la population. A ce propos, la recommandation prévoit que l’accueil téléphonique soit renforcé et organisé dans les Centre médico-psychologique (CMP) pour que les personnes en situation de détresse psychique puissent obtenir une réponse de façon à prévenir les décompensations et les prises en charge en urgence en situation de crise.
Cependant, afin d’éviter la concentration de personnes et de favoriser ainsi la propagation de l’épidémie, la recommandation insiste sur la nécessité d’offrir le plus possible une prise en charge ambulatoire. La recommandation indique d’ailleurs que les patients initialement admis en hospitalisation complète mais dont la prise en charge peut se poursuivre en ambulatoire doivent sortir, avec un programme de suivi adapté et rapproché de post-hospitalisation afin de garantir la continuité de soins.
Cette prise en charge ambulatoire, d’une part, devra se faire dans un cadre exclusivement individuel, ce qui implique la suspension, pour le temps de l’épidémie, des prises en charge sous forme de thérapie de groupe pour des raisons bien compréhensibles. D’autre part, cette prise en charge ambulatoire devra privilégier les contacts téléphoniques et les téléconsultations (ou autre solution de visio-conférence). Les prescriptions et modifications de traitement peuvent être adressées par fax/mail directement aux pharmacies des patients, avec copie au médecin traitant.
Par ailleurs, La venue des patients, lorsqu’elle est nécessaire, doit être organisée de façon à éviter les temps d’attente au sein des salles d’attente et la concentration de personnes au sein de la structure. Les salles d’attente pourront être fermées, les patients étant invités à attendre à l’extérieur de la structure dans le respect des mesures barrières.
La filière des prises en charge individuelles, urgentes et de crise, doit être aménagée, en lien avec les acteurs de la régulation et des urgences somatiques, pour les prises en charge ne pouvant être traitées par téléphone : maintien de consultations ciblées (situations complexes, personnes vulnérables, poursuite des traitements indispensables notamment d’action prolongée, suivi des personnes en programme de soins, sortie d’hospitalisation après tentative de suicide…) pour réduire les risques de décompensation clinique, et afin d’éviter au maximum un passage des personnes par les urgences.
Les interventions à domicile ne sont pas proscrites mais sont à évaluer au cas par cas au regard du rapport bénéfice/risque de chaque situation clinique.
Il est également demandé aux soignants d’accorder la plus grande importance à l’éducation des patients, mais aussi de leurs proches qui les hébergent, aux gestes barrière et à la distanciation sociale, à leur répétition pluriquotidienne, ainsi qu’à l’éducation à la santé et la promotion à la santé sur l’épidémie en cours et les moyens de s’en prémunir.
Organisation de l’hôpital en contexte épidémique
Lorsque l’hospitalisation demeure le seul mode de prise en charge possible pour un patient, celle-ci peut continuer. Néanmoins, au sein des unités de soins, il convient d’éviter la concentration et le regroupement des patients, ainsi que dans les espaces de déambulation de l’établissement. Les activités et prises en charge en groupe sont suspendues, sauf exception justifiée au regard de l’évaluation bénéfice/risque de la situation clinique.
Les chambres individuelles sont à privilégier. Les repas sont servis en chambre pour les patients à risque. Pour les autres, les repas au réfectoire doivent être organisés afin de permettre le respect des distances préconisées.
Les visites des familles et des proches des patients, sauf avis médical contraire, sont interdites au sein de l’unité mais aussi dans l’enceinte de l’établissement, sauf pour certaines situations exceptionnelles qui doivent être dûment justifiées et tracées dans le dossier du patient. Les communications téléphoniques ou vidéo avec les proches et l’entourage doivent être facilitées.
En vue de proscrire les allers-retours entre le domicile et l’hôpital qui favorisent la circulation du virus, les sorties de courte durée en autonomie ne sont plus autorisées. Dès lors, toute sortie est définitive. Les permissions accompagnées par un soignant doivent être organisées et strictement limitées.
Enfin, la recommandation indique que les établissements doivent se mettre en contact avec la juridiction dont elles dépendent pour organiser les audiences du juge des libertés et de la détention de façon dématérialisée (audiences en visioconférence ou autre procédé). Cette consigne pose question dans la mesure où la loi du 27 septembre 2013 avait précisément supprimé les audiences par visioconférence dont la loi du 5 juillet 2011 avait prévu la possibilité. On supposera, sans entrer dans le débat, que le contexte épidémique justifiera peut-être cette pratique contra legem.
En revanche, la recommandation insiste sur le fait que le contexte épidémique ne justifie aucune atteinte à l’incontournable nécessité de disposer des éléments requis pour prononcer toute admission en soins (notamment les certificats médicaux requis par la loi).
Une cellule de crise au sein de chaque établissement, placée sous la responsabilité du directeur et du président de la commission médicale d’établissement, doit être mise en place. Elle est notamment chargée de diffuser régulièrement auprès du personnel hospitalier les recommandations émises en fonction de l’évolution de la crise et des directives en vigueur, avec la responsabilité de consulter régulièrement ces consignes et leurs mises à jour.
Gestion des patients dépistés positifs au Covid-19
Les unités d’hospitalisation doivent être réorganisées pour faire face à la découverte de cas de Covid-19 parmi les patients. La recommandation prévoit 3 possibilités :
- une unité d’hospitalisation ou un secteur dédié doivent être réservés au confinement des cas possibles ou confirmés de Covid-19 ne nécessitant pas d’hospitalisation en soins somatiques et nécessitant la poursuite d’une hospitalisation complète en psychiatrie (unité Covid-19 psychiatrique exclusivement) ;
- une unité d’hospitalisation mixte, co-animée par des psychiatres et des somaticiens, peut être organisée pour les besoins des patients Covid-19 présentant une pathologie psychiatrique décompensée et un état somatique qui le justifie, afin d’éviter des transferts systématiques vers le MCO ;
- les patients qui justifient au regard de leurs signes cliniques d’une hospitalisation sur un plateau de soins critiques doivent être transférés en MCO.
Les unités prenant en charge des patients atteints du Covid-19 bénéficient d’une équipe soignante dédiée dont les membres devront bénéficier d’une formation spécifique.
Articulation avec la médecine somatique
Les établissements autorisés en psychiatrie doivent demeurer en contact étroit avec les autres établissements de son territoire pour assurer au mieux l’aval (en ambulatoire ou en hospitalisation) des services d’urgence, ceux-ci devant orienter le plus rapidement possible les patients psychiatriques sans problème somatique.
De même, les établissements autorisés en psychiatrie doivent pouvoir organiser le transfert de leurs patients atteints du Covid-19 hospitalisés en leur sein vers les plateaux techniques intensifs somatiques en cas de nécessité selon une procédure anticipée en fonction de la gravité de l’état du patient.
Dans le même temps, les établissements autorisés en psychiatrie sont invités à se mobiliser en soutien des établissements MCO : psychiatrie aux urgences, psychiatrie de liaison, mise à disposition de lits (psychiatriques Covid-19 et / ou somatiques), activation des cellules d’urgence médico-psychologique, accueil de patients au CMP adressés par les structures d’urgence, etc.

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Mathias Couturier, Maître de conférences à l'université de Caen
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