L'expulsion d'un imam validée en raison de discours antisémites et théorisant l'infériorité des femmes

05.09.2022

Droit public

Le juge des référés du Conseil d'État refuse de suspendre l'expulsion d'un imam dont la protection contre l'éloignement a été écartée en raison d'un comportement constitutif d'actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes.

Par une ordonnance du 30 août 2022, réformant l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Paris qui avait fait droit à la requête du demandeur, le juge des référés du Conseil d’État confirme la légalité, au regard des conditions posées par l’article L. 521-2 du code de justice administrative, de l’expulsion d’un imam marocain, âgé de cinquante-huit ans, né en France où il a résidé toute sa vie, marié avec une compatriote avec laquelle il a eu cinq enfants, tous majeurs à la date de la décision litigieuse.

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Le juge des référés estime que, dans les circonstances de l’espèce, la décision du ministre de l’intérieur ne portait d’atteinte disproportionnée ni à son droit au respect de sa vie privée et familiale, ni à sa liberté de religion ou d’expression, et que la décision de pays de renvoi ne l’exposait pas à des traitements contraires à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Sanction de discours antisémites et théorisant l’infériorité de la femme

Dans son ordonnance, le juge des référés du Conseil d’État considère d’abord qu’il a été suffisamment établi :

  • que l’intéressé avait « développé depuis plusieurs années, à l’occasion de nombreuses conférences et discours relayés par les réseaux sociaux à un public large, un discours antisémite » ;

  • que les excuses qu’il avait alors présenté dans un premier temps, puis sa condamnation de l’antisémitisme, n’étaient en fait « intervenues qu’en réaction à l’émotion créée par son discours et ne comport[aient] pas de réfutation explicite des propos antisémites précédemment tenus » ;

  • qu’il avait « réitéré des propos à caractère antisémite après ses « excuses » de 2004 et que les vidéos relayant ses propos antisémites [étaient] restées en ligne jusqu’à une date récente sans qu’il n’ait cherché à en faire cesser la diffusion ».

Il souligne également que le ministre de l’intérieur a suffisamment documenté « les nombreuses interventions diffusées dans des vidéos toujours disponibles sur internet, dont les dernières ont été réalisées en 2021, [développant] un discours systématique sur l’infériorité de la femme […] théorisant la soumission de la femme à l’homme et impliquant que les femmes ne puissent bénéficier des mêmes libertés ou des mêmes droits que les hommes », méconnaissant de ce fait  « au détriment des femmes le principe constitutionnel d’égalité ».
 

Le juge en conclut que, du fait de ces discours, le comportement du requérant était constitutif d’ « actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes » justifiant que soit écartée, conformément aux dispositions de l’article L. 613-3 du Ceseda, toute protection contre l’éloignement.

Remarque : en revanche, les motifs de la décision d’expulsion tirés des prises de positions radicales concernant Al-Qaïda, les attentats revendiqués par Daech, et l’incitation au séparatisme, ne constituent pas, pour le juge, des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes.

Il relève par ailleurs que le fait que le comportement du requérant n’ait pas été immédiatement suivi d’un retrait de titre de séjour ou de poursuites pénales est « sans incidence sur l’exercice, par l’autorité administrative compétente, de son pouvoir d’apprécier si sa présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public ».

Proportionnalité de la mesure au regard des libertés fondamentales

Dans un deuxième temps, le juge des référés du Conseil d’État rappelle qu’il appartient également à l’autorité administrative « de concilier, sous le contrôle du juge, les exigences de la protection de la sûreté de l’État et de la sécurité publique avec la liberté fondamentale que constitue le droit à mener une vie familiale normale ».

En l’espèce, il estime que la gravité des comportements de l’intéressé neutralise la protection du droit au respect familiale (le droit à la vie privée n’ayant semble-t-il pas été examiné par le juge), d’autant plus que, de nationalité marocaine, son épouse peut se déplacer au Maroc et y vivre le cas échéant et que ses enfants, majeurs et ne dépendant plus de lui, ne constituent plus des attaches suffisamment fortes pour que les liens soient maintenus sur le territoire.

Remarque : le Conseil d’État rejette par ailleurs, sans s’y attarder, les moyens tirés de l’atteinte à la liberté de religion et d’expression, ainsi que ceux tirés des risques en cas de retour dans le pays d’origine.

Christophe Pouly, Avocat
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