LFSS pour 2022 : création d'un dispositif de prise en charge des consultations de psychologues libéraux

21.01.2022

Droit public

La loi de financement pour la sécurité sociale pour 2022 (LFSS), à la suite de l’annonce du président de la République à l’issue des assises de la santé mentale, introduit dans le code de la sécurité sociale un dispositif de remboursement par l’assurance maladie des consultations chez les psychologues libéraux, en centre de santé et en maison de santé.

La France était l’un des rares pays d’Europe occidentale dans lequel les consultations chez les psychologues libéraux n’étaient jusqu’à ce jour pas prises en charge par les mécanismes d’assurance maladie ou de protection sociale. Les consultations de psychologues pouvaient faire l’objet d’une telle prise en charge seulement en établissement de santé ou en établissement médico-social. A l’issue des assises de la santé mentale qui se sont tenues à l’automne, le président de la République avait annoncé sa volonté de rectifier cette carence. La LFSS pour 2022 vient de mettre en œuvre cette volonté au travers de son article 79 qui crée l’article L. 162-58 du code de la sécurité sociale prévoyant que les consultations de psychologues libéraux, en centre de santé ou en maison de santé pourront à partir du printemps faire l’objet d’un remboursement par l’assurance maladie.

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Un remboursement soumis à des conditions et limites

Cette prise en charge est cependant enserrée dans des conditions et limites.

D’abord, cette prise en charge ne sera pas accessible pour des consultations avec n’importe quel psychologue. Les psychologues souhaitant faite bénéficier à leur patients d’un tel remboursement devront être autorisés pour cela et devront se conventionner avec l’assurance-maladie. Le texte exige l’existence, pour le psychologue candidat à l’intégration dans ce dispositif, de justifier, outre le diplôme ouvrant droit à user du titre, d’une « expérience professionnelle » dont le décret d’application du texte précisera la substance.

Ensuite, il sera nécessaire, pour bénéficier de ce remboursement, que le patient ait fait l’objet d’un adressage par son médecin traitant ou, à défaut, par un médecin impliqué dans sa prise en charge.

Enfin, un décret en Conseil d’Etat fixera les caractéristiques des séances, notamment le nombre pouvant être pris en charge par patient et par année civile, ainsi que les modalités d’inscription de ces séances dans le parcours de soins. Le décret n’est pas encore paru mais, dans ses éléments de communication à l’automne, le ministère de la santé avait évoqué un forfait de 8 séances par an. Celui-ci sera renouvelable l’année suivante sur la base d’un nouvel adressage par le médecin.

Le même décret fixera le tarif de ces séances. Dans ses éléments de communication, le ministère de la santé évoquait un montant de 40 euros pour la séance initiale d’évaluation du cas du patient (celle-ci étant réputée plus longue que les autres) puis de 30 euros pour les séances suivantes. Le texte précise qu’il sera interdit aux psychologues, dans le cadre de ce dispositif, de pratiquer le moindre dépassement d’honoraire.

Un dispositif posant des questions

Ce dispositif vient d’entrer dans sa phase opérationnelle en ce début 2022. Les psychologues souhaitant candidater pour s’y intégrer peuvent le faire depuis le début de l’année civile au moyen d’un formulaire téléchargeable sur le site du ministère. On reste cependant, en l’état, dans l’incertitude quant au succès de cette nouveauté. En effet, les organisations de psychologues ont fait valoir avec force que les tarifs proposés semblent déconnectés de la réalité des prix pratiqués sur le marché où la moyenne, pour une consultation dont la durée tourne autour d’une quarantaine de minute, se situerait plutôt autour de 50 à 60 euros en province et 60 à 70 euros en région parisienne. On suppose que les finances contraintes de l’assurance maladie ne permettaient pas d’élever le tarif remboursé à ce niveau, mais pourquoi, alors, avoir interdit tout dépassement d’honoraire ? Une telle possibilité aurait notamment pu être pensée en articulation avec les contrats d’assurances complémentaire santé qui, de plus en plus souvent de nos jours, offrent des remboursements des consultations chez les psychologues libéraux. En tous les cas, les montants annoncés par le ministère de la santé font affirmer aux organisations syndicales de psychologue que le dispositif ne trouvera pas beaucoup d’écho auprès des psychologues expérimentés et ne sera sans doute pris en main que par les plus jeunes, prêt à travailler pour des honoraires sensiblement plus faibles. Certaines critiques affirment que l’Etat met en place ainsi à bon compte un dispositif de désengorgement des centres médico-psychologiques où les délais, pour obtenir un rendez-vous, se comptent souvent en mois.

Par ailleurs, le dispositif a également indisposé les organisations de psychologues dans la mesure où le remboursement de leur pratique est conditionné à un adressage par le médecin du patient. En effet, les psychologues, dans leur large majorité, conçoivent leur identité professionnelle dans un rapport d’autonomie avec la médecine qui les rend rétif à l’idée d’une prescription de leur pratique professionnelle par un représentant de cette dernière. Dans un contexte de contrôle des dépenses lié au respect du parcours de soins, il paraissait cependant peu envisageable de procéder différemment du côté du ministère de la santé : il ne serait pas question de laisser « filer » la dépense sans qu’un contrôle puisse être exercé en termes de déclenchement de celle-ci. On notera, à ce propos, que l’inclusion d’un psychologue dans le dispositif ne lui interdit nullement de continuer à exercer, autant qu’il le souhaite, avec des patients non adressés par leur médecin et pour lesquels la consultation ne sera pas remboursée.

Mathias Couturier, Maître de conférences à l'université de Caen
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