Par deux arrêtés du 15 février 2019, le ministre de l’intérieur fixe le nouveau contenu des cahiers des charges des lieux d’hébergement d’urgence pour les demandeurs d’asile (Huda) et des centres d’accueil pour demandeurs d’asile (Cada) prévus à l’article R. 744-6 du Ceseda dont ils reprennent la trame.
Ces nouveaux documents reflètent donc les orientations de la loi du 10 septembre 2018 et de ses décrets d’application. Ils détaillent les missions qui incombent aux gestionnaires des lieux d’hébergement, en matière d’accueil, d’hébergement, d’accompagnement dans les démarches administratives et juridiques et de suivi sanitaire et social. Ils précisent également leur rôle dans la préparation à la sortie des demandeurs du dispositif.
Remarque : en raison du caractère provisoire de l’hébergement en Huda, le périmètre des missions est plus restreint. Toutefois, certaines différences dans le traitement des demandeurs d’asile et dans les obligations pesant sur les gestionnaires restent difficilement justifiables.
Le cahier des charges applicable aux Huda contient également des éléments propres aux personnes faisant l’objet d’une procédure « Dublin », actant le fait que ce type d’hébergement est désormais conçu comme un temps de préparation au transfert vers l’État responsable de l’examen de la demande d’asile.
Prestations d’accueil et d’hébergement
Les cahiers des charges précisent d’abord que la structure d’hébergement, quel qu’en soit le type (hébergement collectif, modulaires, en appartement ou en maisons), doit répondre à des normes minimales en termes d’espaces collectifs, de sanitaires ou de prestations de restauration. Dans tous les cas, la superficie privative ne peut être inférieure à 7,5 m² par adulte.
S’agissant plus spécifiquement des Cada, il est précisé que la cohabitation de plusieurs personnes isolées ou de ménages doit préserver, dans la mesure du possible, un espace de vie privée suffisant pour chaque personne. Les familles prises en charge bénéficient d’un espace suffisant notamment au regard de l’âge des enfants (une attention particulière étant portée au respect de l’intimité des adolescents). Le gestionnaire du Cada fait participer les personnes hébergées au fonctionnement du centre.
Dans les tous les cas (Cada comme Huda), les arrêtés rappellent que les gestionnaires sont tenus de domicilier les personnes hébergées pendant l’instruction de leurs demandes d’asile.
Remarque : le cahier des charges des Cada fixe par ailleurs le taux d’encadrement à un ETPT (équivalent temps plein annuel travaillé) pour quinze personnes hébergées. Ce taux peut être fixé à un ETPT pour 10 personnes « en fonction des caractéristiques des centres et des publics accueillis et avec l’accord du préfet de département ».
Accompagnement administratif et juridique
Qu’ils interviennent en Huda ou en Cada, les personnels d’encadrement doivent assurer l’accompagnement des demandeurs d’asile dans les démarches administratives et juridiques, « y compris de manière dématérialisée », tout au long de la procédure d’examen de leur demande d’asile.
Ils informent donc les intéressés sur la procédure d’asile et sur le droit au séjour des étrangers en France ; ils renseignent les personnes en procédure « Dublin » des conditions de transfert vers l’État membre responsable de leur demande d’asile (assignation à résidence, modalités de transfert, etc.).
S’agissant des personnels des Cada, il est précisé qu’ils accompagnent les demandeurs d’asile dans leurs démarches devant l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra). A ce titre, leur activité recouvre :
- l’aide à l’élaboration du dossier de demande d’asile ;
- l’appui à la traduction du récit ;
- l’aide dans le cadre des démarches auprès de la préfecture pour le renouvellement de l’attestation de demande d’asile ;
- la communication de toute information relative à la procédure d’examen de demande d’asile.
En cas de décision de rejet, les personnels du Cada sont chargés d’informer les intéressés de la date de notification de la décision. Ils ne prennent toutefois pas en charge l’accompagnement dans le cadre de l’exercice, le cas échéant, d’un recours. En effet, dans cette hypothèse, ils « orientent le demandeur d’asile vers les professionnels de droit qualifiés » (autrement dit les avocats) « et informent des délais et modalités pour la demande d’aide juridictionnelle ».
Remarque : il ressort donc clairement du cahier des charges concernant les Cada que la rédaction du recours présenté devant à la Cour nationale du droit d’asile relève de la mission des avocats, et non des personnels des Cada. Un certain nombre d’avocats estimaient jusqu'alors que leur désignation à l’aide juridictionnelle ne comprenait pas cette mission. Le débat paraît désormais tranché.
Dans l’hypothèse où le demandeur d’asile serait en procédure « Dublin », les personnels des Huda doivent plus particulièrement délivrer les courriers et document relatifs aux convocations, aux bons de transport, etc. Ils doivent également informer les intéressés :
- des implications et du déroulement de la procédure de transfert vers l’État membre responsable de l’examen de sa demande d’asile ;
- de la possibilité de bénéficier d’un transfert volontaire (ils doivent alors assurer le contact avec la préfecture compétente pour l’organisation du transfert) ;
- de la nécessité de coopérer avec la préfecture et les autorités administratives et, dans le cas où ils sont assignés à résidence, de leurs obligations de présentation, ainsi que des conséquences auxquelles ils s’exposent en cas de non-coopération ;
- des droits dont ils bénéficient au titre des textes européens applicables dans l’État de transfert.
Accompagnement social et sanitaire
Au titre de l’accompagnement social et sanitaire, les personnels du lieu d’hébergement assurent d’abord les démarches d’ouverture des droits sociaux, et notamment l’affiliation à la protection universelle maladie. Les demandeurs d’asile sont aussi informés sur le fonctionnement des systèmes de santé et, au besoin, sont mis en relation avec les services de soins compétents.
Une visite médicale systématique dès l’admission est organisée (elle peut prendre place dans le cadre du
parcours santé migrant).
Remarque : les gestionnaires des Cada doivent développer, « une collaboration ou des partenariats » avec les médecins généralistes et les structures de soins (Hôpitaux, PASS, PMI, CMP) et assurer la mise en relation des demandeurs d’asile avec les services de soins compétents en matière de traumatisme psychique.
Les personnels doivent également veiller à la scolarisation des enfants soumis à l’obligation scolaire (dès 3 ans à compter de la rentrée 2019) et contacter les services compétents en les informant sur la spécificité des besoins des mineurs concernés.
Remarque : « avec l’accord du préfet », les gestionnaires de Cada peuvent « contribuer à des dépenses liées à la scolarité des mineurs hébergés, notamment les frais de cantine ou de transports ».
Les gestionnaires des lieux d’hébergement procèdent enfin à une évaluation des vulnérabilités des personnes hébergées et informent dans les meilleurs délais l’Ofii de tout changement de situation de vulnérabilité (l’Ofii peut alors, le cas échéant, les réorienter vers un hébergement adapté).
Remarque : il est également demandé aux gestionnaires des structures d’hébergement de développer des partenariats avec les collectivités locales et le tissu associatif de proximité afin de favoriser, notamment pour les personnes accueillies en Cada, « l'autonomie et l’intégration des personnes hébergées dans le territoire ».
Accompagnement à la sortie du dispositif
Sujet sensible dans certains cas, les cahiers des charges précisent les obligations pesant sur le gestionnaire concernant la sortie des personnes hébergées, lesquelles dépendent de l’issue de la procédure d’asile.
Personnes ayant obtenu une protection
S’agissant des personnes reconnues réfugiées ou bénéficiaires de la protection subsidiaire, il est rappelé qu’elles peuvent, à leur demande, être maintenues pour une durée maximale de six mois, cette période devant être consacrée à la préparation des modalités de sortie (ouverture des droits sociaux, délivrance de l’attestation familiale provisoire, accompagnement dans les démarches administratives telles que l’ouverture d’un compte bancaire, l’inscription à pôle emploi ou à une formation professionnelle, etc.).
Les intéressés sont également informés sur les dispositifs dédiés aux personnes bénéficiaires d’une protection internationale concernant notamment l’accès à un logement pérenne dans le parc social ou privé ou l’orientation vers un centre provisoire d’hébergement.
Tout refus de logement proposé non justifié entraîne la fin de la prise en charge.
Personnes déboutées de leur demande d’asile
S’agissant des personnes déboutées, elles peuvent, à leur demande, être maintenues dans le lieu pendant une durée maximale d’un mois. Au cours de cette période, le gestionnaire du lieu d’hébergement informe les intéressés :
- de la possibilité de réexamen de leur demande d’asile auprès de l’Ofpra ;
- des démarches relatives au droit au séjour des étrangers en France ;
- des démarches relatives aux prestations de droit commun et d’accès aux droits pour les personnes les plus vulnérables.
Remarque : les gestionnaires des Huda ont aussi l’obligation d’informer le demandeur débouté de la possibilité de saisir, dans le délai de quinze jours, l’Ofii d’une aide au retour et à la réinsertion (on ne comprend pas pourquoi cette obligation ne pèse pas sur les gestionnaires des Cada).
Personnes en procédure « Dublin »
S’agissant des personnes en procédure « Dublin », les gestionnaires sont informés des décisions de sortie prises par l’Ofii, notamment en cas de transfert effectif vers l’État membre responsable de l’examen de la demande d’asile ou en cas de fuite du demandeur d’asile. Dans cette hypothèse, si le demandeur d’asile effectivement transféré revient sur le territoire et se présente à nouveau au lieu d’hébergement, il doit être orienté vers le guichet unique.
L’arrêté relatif au Huda précise par ailleurs qu’en cas de nécessité, pour permettre l’intervention des forces de l’ordre :
- l’accès aux parties communes doit être autorisé par le directeur du lieu d’hébergement ;
- l’accès « aux parties privatives peut être autorisé avec l’accord de l’étranger dans les conditions prévues au II de l’article L. 561-2 du Ceseda ».
Remarque : phrase énigmatique dès lors que, précisément, les dispositions visées permettent les visites domiciliaires sur décision du juge des libertés et de la détention sans que l’accord de l’étranger ne soit requis.
Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.
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