Le Conseil d'État s'est prononcé en faveur de la compétence du juge spécialisé de la tarification sanitaire et sociale pour connaître des litiges portant sur la fixation des forfaits journaliers des lieux de vie et d'accueil.
Le juge spécialisé de la tarification sanitaire et sociale est seul compétent pour connaître des litiges tarifaires portant sur la fixation des forfaits journaliers des lieux de vie et d'accueil (LVA), vient de trancher le Conseil d'État dans une décision rendue le 26 septembre 2016.
Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.
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Saisine du tribunal administratif
Dans l'affaire soumise à la Haute juridiction, saisie en cassation dans le cadre d'une procédure de référé, quatre personnes, dont la qualité n’est pas mentionnée par l’arrêt, avaient demandé au tribunal administratif de Toulouse d’annuler l’arrêté du président du conseil départemental de l’Aveyron fixant le forfait journalier du LVA dénommé « Le Brox ». Elles avaient assorti leur demande d’annulation d’une demande de suspension de l’arrêté par le biais d’un référé suspension.
L’article L. 521-1 du code de justice administrative (CJA) prévoit en effet que "quand une décision administrative (...) fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision (...) lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". Dans ce cadre, le tribunal administratif se prononce en premier et dernier ressort (CJA, art. L. 523-1). L’ordonnance rendue par le juge des référés peut faire l’objet d’un pourvoi en cassation devant le Conseil d’État.
Incompétence du tribunal administratif
Pour que le tribunal administratif (TA) prononce cette suspension, il faut que les conditions évoquées ci-dessus soient réunies mais également que ce juge soit compétent pour trancher le fond de l’affaire. Or, le TA de Toulouse considéra que ce type de litige tarifaire ne relevait pas de sa compétence. Les quatre personnes en question contestèrent devant le Conseil d’État cette ordonnance de rejet rendue en référé. Elles considéraient que les TITSS n’étaient pas compétents dans la mesure où l’article L. 351-1 du code de l'action sociale et des familles (CASF), qui détermine leur compétence, ne fait référence qu’aux tarifs des établissements et services sanitaires, sociaux et médico-sociaux de statut public ou privé et d'organismes concourant aux soins. Un raisonnement que ne partage par la Haute juridiction administrative.
Le Conseil d’État a confirmé la position du TA de Toulouse. Tout en rappelant que les LVA ne sont juridiquement pas des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS), il relève que l’article L. 312-1, III du CASF prévoit l’application aux LVA de plusieurs dispositions qui concernent les ESSMS dont la procédure d’autorisation, de contrôle et des règles de tarification et de financement fixées par décret. L’article D. 316-5 du CASF indique ainsi que leurs frais de fonctionnement sont pris en charge par les organismes financeurs sous la forme d'un forfait journalier, arrêté par les autorités de tarification après l'envoi par la personne ayant qualité pour représenter le lieu de vie et d'accueil d'une proposition fondée sur un projet de budget.
Compétence des juridictions tarifaires spécialisées
Pour le Conseil d’État, dans la mesure où cette tarification « prend la forme d'un forfait journalier, qui est l'une de celles que prévoit l'article R. 314-8 de ce code pour la tarification des établissements et services sociaux et médico-sociaux et qui est arrêtée par l'autorité de tarification au vu d'un budget prévisionnel et à un niveau destiné à permettre la prise en charge des dépenses nécessaires à l'accueil des personnes qui leur sont adressées », le juge spécialisé de la tarification sanitaire et sociale est seul compétent pour connaître des litiges tarifaires portant sur la fixation des forfaits journaliers des LVA. Le tribunal administratif n’étant pas compétent en la matière, il ne pouvait donc pas prononcer la suspension de l’arrêté du président du conseil départemental de l’Aveyron.
Notons que les tribunaux interrégionaux de la tarification sanitaire et sociale (TITSS) et la Cour nationale de la tarification sanitaire et sociale (CNTSS) n’étant pas dotés par la loi du pouvoir de suspendre les arrêtés de tarification (ni des autres procédures de référé d’ailleurs), les quatre auteurs du recours devront attendre que le juge spécialisé de la tarification se prononce sur le fond de l’affaire. On peut penser que le tribunal administratif, quand il rejettera sur le fond la requête, transmettra l’affaire au TITSS de Bordeaux ainsi que le prévoit le code de justice administrative (CJA, art. R. 351-3).
Arnaud Vinsonneau, Juriste en droit de l'action sociale