L'irrégularité de la mise à l'isolement ou en contention n'entraîne pas la mainlevée de la mesure de soins psychiatriques sans consentement

29.09.2021

Droit public

Les mesures d'isolement ou de contention sont des mesures médicales qui présentent un caractère autonome à l'égard de la décision de soins psychiatriques sans consentement. Dès lors, à l'occasion du contrôle de légalité d'une mesure de soins psychiatriques sans consentement, le constat, par le juge des libertés et de la détention, d'une irrégularité affectant une mesure d'isolement ou de contention ne peut donner lieu à la mainlevée que de cette dernière.

La Cour de cassation, par le biais d’un avis du 8 juillet 2021, revient sur la question de la sanction des irrégularités affectant les mesures de mise à l’isolement ou en contention. Le tribunal judiciaire de Versailles avait posé à la Cour de cassation, dans le cadre de la procédure de saisine pour avis, la question suivante : « Le constat par le juge des libertés et de la détention, à l'occasion du contrôle systématique d'une mesure de soins psychiatriques sans consentement prenant la forme d'une hospitalisation complète, ou d'une demande de levée de cette mesure ou d'une saisine d'office de la juridiction, d'une irrégularité affectant une mesure d'isolement ou de contention mise en œuvre à l'occasion de cette hospitalisation, peut-il être sanctionné par la levée de la mesure d'hospitalisation complète, en particulier lorsque l'isolement ou la contention n'est plus en vigueur lorsque la juridiction statue, dès lors qu'il est établi que l'irrégularité relevée a porté atteinte aux droits du patient ? ». La question était donc double. Il s’agissait, d’une part, de savoir si l’irrégularité d’une mesure de mise à l’isolement ou en contention se déroulant durant une mesure de soins psychiatriques sans consentement contamine la mesure de soins psychiatriques elle-même et doit donc être sanctionnée par la mainlevée de cette dernière et non de la seule mesure de mise à l’isolement ou en contention. D’autre part, dans l’hypothèse d’une réponse affirmative à la première question, il s’agissait de déterminer si, une fois la mise à l’isolement ou en contention terminée, cette mainlevée de la mesure de soins psychiatriques peut quand même encore être prononcée.

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Sanction de l’irrégularité de l’isolement ou de la contention : une question pendante depuis 2016

Sans revenir sur tout l’historique du sujet, on rappellera que cette question de la sanction de l’irrégularité de la mise à l’isolement ou en contention en psychiatrie est pendante depuis la création de l’article L.3222-5-1 par la loi de santé de 2016 qui n’avait rien précisé à ce sujet. Initialement les juridictions versaillaises, et notamment la cour d’appel, avaient considéré de manière audacieuse, d’une part, que le juge des libertés et de la détention (JLD) est compétent, dans le cadre du contrôle de légalité des soins psychiatriques sans consentement, pour examiner une demande fondée sur le non-respect des dispositions de l’article L. 3222-5-1 et, d’autre part, que celui-ci peut avoir pour sanction la mainlevée d’une mesure de soins psychiatriques sans consentement durant laquelle se déroule cette mise à l’isolement ou en contention (CA Versailles, 24 oct. 2016, no 16/07393 ; CA Versailles, 16 juin 2017, no 17/04374).

Concernant la question de la compétence du JLD, la position de la cour d’appel de Versailles avait ensuite été invalidée par la Cour de cassation qui avait considéré que le JLD chargé de contrôler une mesure de soins psychiatriques n’est pas compétent pour se prononcer sur une mesure de contention et d’isolement dans le cadre de son contrôle de légalité des mesures de soins psychiatriques sans consentement (Cass. 1re civ., 21 nov. 2019, no 19-20.513). Face au constat du vide juridictionnel qu’elle avait ainsi généré, la Cour de cassation avait cependant rouvert le dossier quelques mois après en transmettant au Conseil constitutionnel une QPC soulevant le problème de ce que la loi de 2016 n’avait pas créé de contrôle juridictionnel spécifique de ces mesures d’isolement et de contention (Cass. 1re civ., 23 mars 2020, QPC, n° 19-40.039). Suite à cela, le Conseil constitutionnel avait abrogé l’article L. 3222-5-1 comme contraire à l’article 66 de la Constitution (Cons. const., 19 juin 2020, n° 2020-844 QPC). En réponse à cette abrogation, un dispositif législatif nouveau avait alors été adopté par la loi de financement pour la sécurité sociale pour 2021. Le nouvel article L. 3222-5-1 qui en résulte attribue maintenant clairement compétence au JLD pour le contrôle de légalité de la mesure de mise à l’isolement ou en contention dans un cadre d’intervention spécifique et distinct de celui du contrôle de légalité des soins psychiatriques sans consentement. Il fixe les modalités et le moment de l’intervention du juge ainsi que la sanction de l’irrégularité, à savoir la mainlevée de la mesure de mise à l’isolement ou en contention. Par ailleurs, ce nouveau dispositif prévoit que tout placement à l’isolement ou en contention doit donner lieu immédiatement au déclenchement d’une mesure de soins psychiatriques sans consentement.

Néanmoins, le nouveau texte ne répond pas explicitement à l’un des aspects du problème initié par les décisions versaillaises évoquées plus haut : l’illégalité de la mesure d’isolement ou de contention peut-elle, au surplus, avoir pour effet de corrompre la légalité de la mesure de soins psychiatriques durant laquelle elle se déroule et conduire alors à la mainlevée de cette dernière ? La question se pose avec d’autant plus d’acuité, ainsi que l’implique la demande d’avis présentée par le tribunal judiciaire de Versailles, lorsque l’illégalité de la mesure d’isolement ou de contention est découverte après la fin de celle-ci par le JLD dans le cadre d’un contrôle périodique de la mesure de soins psychiatriques sans consentement.

Impact de l’irrégularité de l’isolement ou de la contention sur la décision d’hospitalisation complète

Pour répondre à cette question, la Cour de cassation, après avoir rappelé les éléments essentiels du nouveau dispositif ainsi que ceux du dispositif de contrôle des mesures de soins psychiatriques sans consentement, pose le constat qu’il résulte de ceux-ci que les mesures de soins psychiatriques sans consentement et les mesures de mise à l’isolement ou en contention, bien qu’elles soient intriquées, doivent faire l’objet d’une analyse distincte. La Cour l’exprime par ces phrases : « les mesures d'isolement ou de contention […] sont des mesures médicales qui, si elles ne peuvent concerner que les patients en hospitalisation complète sans consentement, ne sont pas nécessairement mises en œuvre et doivent au contraire être de dernier recours. Décidées par un psychiatre, elles présentent un caractère autonome à l'égard de la décision de soins psychiatriques sans consentement prise par le directeur de l'établissement de santé, le représentant de l'Etat dans le département ou l'autorité judiciaire. Le contrôle de ces mesures est spécifique, quel que soit le mode de saisine du juge des libertés et de la détention, et conduit, en cas d'irrégularité constatée, au prononcé de leur mainlevée. » Par suite, la Cour en déduit, concernant la première partie de la question qui lui était posée, « qu'à l'occasion du contrôle systématique d'une mesure de soins psychiatriques sans consentement prenant la forme d'une hospitalisation complète, d'une demande de mainlevée de cette mesure ou d'une saisine d'office, le constat, par le juge des libertés et de la détention, d'une irrégularité affectant une mesure d'isolement ou de contention ne peut donner lieu à la mainlevée que de l'une ou l'autre de ces dernières mesures ». Autrement dit, le juge ne peut prononcer que la mainlevée de l’isolement ou de la contention, et non celui de la mesure de soins psychiatriques elle-même. La jurisprudence de la cour d’appel de Versailles de 2016 et 2017 est donc maintenant entièrement renversée. La Cour de cassation en déduit logiquement que « si cette mainlevée est intervenue avant que le juge ne se prononce, il n'y a plus lieu de statuer à leur égard ». Ceci ne prive cependant pas la personne ayant subi l’illégalité de la possibilité de réclamer indemnisation de cette illégalité par la suite.

Contrôle de l’isolement ou de la contention : le mode de saisine du JLD censuré par le Conseil constitutionnel

On rappellera, pour conclure, que le mode de saisine du JLD pour le contrôle des mesures de mise à l’isolement ou en contention a fait l’objet d’une nouvelle censure par le Conseil constitutionnel (car la saisine du JLD n’y était pas systématique, ce qui contrevenait à nouveau à l’article 66 de la Constitution : Cons. const., déc., 4 juin 2021, no 2021-912/913/914 QPC), qui devrait donner lieu à la mise au point d’un nouveau dispositif par le législateur avant le 31 décembre prochain. Cependant, la mise au point de celui-ci ne rendra sans doute pas caduque la solution promue par cet avis.

Mathias Couturier, Maître de conférences à l'université de Caen
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