Loi DDADUE : les mesures concernant la santé publique

14.03.2023

Droit public

La loi du 9 mars 2023 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture (« loi DDADUE ») comporte des mesures intéressant la pharmacie et les dispositifs médicaux.

La loi n° 2023-171 du 9 mars 2023 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture (DDADUE) totalise 39 articles, dont les articles 23 à 30 sont dédiés à la « protection de la santé publique ».

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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A côté des dispositions visant le retrait d’autorisation des installations de chirurgie esthétique ne respectant pas les restrictions relatives à la publicité, notamment vis-à-vis des mineurs (C. santé publ., art. L. 6322-1), la suppression des exemptions dont bénéficie le tabac à rouler ou à chauffer (C. santé publ., art. L. 3512-1 et s.) et l’adaptation des règles de déclaration des mélanges classés dangereux (C. santé publ., art. L. 1342-1 et s.), les principales innovations apportées par la loi DDADUE en matière de santé concernent le régime des denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales, l’obligation de sérialisation des médicaments par les pharmaciens d’officine et la lutte contre les ruptures d’approvisionnement en dispositifs médicaux ou dispositifs médicaux de diagnostic in vitro.

Adaptation du régime juridique des denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales

Les produits utilisés en nutrition clinique et qui ne relèvent pas du statut de médicament sont, du fait de leur composition, susceptibles de présenter un risque pour les personnes auxquelles ils ne sont pas destinés, ce qui explique le traitement juridique qu’il leur a été réservé par le droit de l’Union. Entré en application le 20 juillet 2016, le règlement (UE) n° 609/2013 du Parlement européen et du Conseil du 12 juin 2013 introduit des exigences spécifiques en matière de composition et d’information applicables aux denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales (DADFMS).

Une DADFMS y est définie comme « une denrée alimentaire spécialement traitée ou formulée et destinée à répondre aux besoins nutritionnels de patients, y compris les nourrissons, et qui ne peut être utilisée que sous contrôle médical, et destinée à constituer l’alimentation exclusive ou partielle des patients dont les capacités d’absorption, de digestion, d’assimilation, de métabolisation ou d’excrétion des denrées alimentaires ordinaires ou de certains de leurs ingrédients ou métabolites sont diminuées, limitées ou perturbées, ou dont l’état de santé détermine d’autres exigences nutritionnelles particulières qui ne peuvent être satisfaites par une modification du seul régime alimentaire normal ».

La Cour de justice a récemment apporté des précisions sur l’articulation des statuts juridiques de médicament et de DADFMS (CJUE, 27 oct. 2022, aff. C-418/21, Orthomol pharmazeutische Vertriebs ; CJUE, 2 mars 2023, aff. C-760/21, Kwizda Pharma GmbH).

En droit interne et bien qu’elles ne puissent être utilisées que sous contrôle médical, les DADFMS ne sont pas considérées comme des produits de santé au sens de l’article L. 5311-1 du code de la santé publique (il en résulte que l’autorité de police compétente est la DGCCRF et les directions locales, et non l’ANSM, l’ANSES étant pour sa part compétente en matière de vigilance).

Eu égard à leur finalité médicale, les DADFMS peuvent être prises en charge par l’assurance maladie, dès lors qu’elles sont inscrites sur la liste des produits et prestations remboursables (LPP), selon des modalités établies par un arrêté du 7 mai 2019 (JO, 10 mai 2019), et qu’elles font l’objet d’une prescription médicale.

Leur régime de prescription et de délivrance, qui relève de la compétence des Etats membres, a été réécrit par l’article 24 de loi DDADUE. Celui-ci maintient dans le monopole des pharmaciens, prévu à l’article L. 4211-1 du code de la santé publique, la vente au détail et la dispensation au public des préparations pour nourrissons (moins de 12 mois), ainsi que des denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales à destination des enfants de moins de six mois (1er âge) et dont les caractéristiques sont fixées par arrêté des ministres chargés de la consommation et de la santé (laits infantiles à base d’hydrolysats adaptés aux besoins nutritionnels du nourrisson, en cas d’allergie aux protéines de lait de vache ou d’intolérance au lactose).

Relèvent également du monopole pharmaceutique les DADFMS présentant un risque grave pour la santé en cas de mésusage (C. santé publ., art. L. 5137-1). Ces DADFMS à risque peuvent en outre être soumises à prescription médicale obligatoire par arrêté ministériel, leur délivrance pouvant même être réservée aux seules pharmacies à usage intérieur, pour des raisons de santé publique ou dans l’intérêt des patients (C. santé publ., art. L. 5137-3).

Les DADFMS, qui ne relèvent pas de cette catégorie à risque, doivent être utilisées sous contrôle médical et ne peuvent être délivrées que par les pharmacies à usage intérieur, les pharmacies d’officine et, dans des conditions garantissant l’effectivité du contrôle médical, par des établissements, des services ou des prestataires (PSDM), dont la liste est arrêtée par le ministre chargé de la santé. Ce dernier peut également soumettre à prescription médicale obligatoire les DADFMS qui répondent aux besoins nutritionnels particuliers de personnes atteintes de certaines pathologies (C. santé publ., art. L. 5137-2).

La loi DDADUE instaure cependant une période transitoire de deux ans avant l’entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions, afin de permettre une mise en place concertée des nouveaux circuits de distribution et de répondre aux inquiétudes des patients atteints de maladies héréditaires du métabolisme pour lesquels les DADFMS étaient délivrées jusqu’à présent par les seules pharmacies à usage intérieur, ces dernières (notamment l’agence générale des équipements et produits de santé de l’AP-HP) conservant provisoirement la compétence de délivrer au public ces produits.

Mécanisme de sanction à l’encontre des pharmacies ne respectant pas l’obligation de sérialisation

Compte tenu de la mise en demeure adressée à la France par la Commission européenne le 10 décembre 2021 concernant le non-respect de l’obligation incombant aux pharmaciens d’officine de procéder à la vérification et à la désactivation du numéro d’identification au moment de la dispensation de certains médicaments (« obligation de sérialisation » applicable depuis le 9 février 2019 en application de l’article 25 du règlement délégué (UE) 2016/161 du 2 octobre 2015), le gouvernement avait prévu de mettre en place, avec la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, un dispositif de sanction susceptible d’être appliqué à l’encontre des pharmaciens défaillants. L’article avait toutefois été annulé par le Conseil constitutionnel en tant que cavalier social (Cons. const., 16 déc. 2021, n° 2021-832 DC).

L’article 28 de la loi DDADUE introduit dans le code de la sécurité sociale la possibilité de sanctionner les pharmacies (en tant que personnes morales) qui ne respectent pas leur obligation de désactivation de l’identifiant des médicaments (CSS, art. L. 162-16-3-2). C’est le directeur de l’organisme local d’assurance maladie qui peut, sur la base des éléments constatés par l’organisme gérant le répertoire national de vérification des médicaments (France-Mvo), prononcer à l’encontre de la pharmacie d’officine (y compris une pharmacie mutualiste ou minière), et après l’avoir mise en mesure de présenter ses observations, une pénalité financière en cas de manquements à l’obligation de sérialisation. Le montant de la sanction a été fixé à 2 000 euros, la sanction pouvant être réitérée par période trimestrielle en cas de persistance des manquements. Les modalités d’application de la procédure devront encore être fixées par décret.

Lutte contre les ruptures d’approvisionnement en dispositifs médicaux et dispositifs médicaux de diagnostic in vitro

La loi DDADUE procède à la ratification de trois importantes ordonnances adoptées en 2022 : l’ordonnance n° 2022-582 du 20 avril 2022 portant adaptation du droit français au règlement (UE) 2017/745 du 5 avril 2017 relatif aux dispositifs médicaux, l’ordonnance n° 2022-1086 du 29 juillet 2022 portant adaptation du droit français au règlement (UE) 2017/746 du 5 avril 2017 relatif aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro (DMDIV) et l’ordonnance n° 2022-414 du 23 mars 2022 portant adaptation des dispositions du code de la santé publique et du code rural et de la pêche maritime au droit de l’Union européenne dans le domaine des médicaments vétérinaires et aliments médicamenteux.

Comme c’est généralement le cas, les ratifications n’ont pas été réalisées exactement à droit constant, quelques corrections et nouvelles dispositions ayant été ajoutées par le législateur. En matière de dispositifs médicaux, la principale nouveauté concerne la politique de lutte contre les ruptures d’approvisionnement, sachant que la disposition de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 ayant envisagé un tel mécanisme avait été annulée par le Conseil constitutionnel en tant que cavalier (Cons. const., 16 déc. 2021, n° 2021-832 DC).

L’article 27 de la loi DDADUE rétablit un article L. 5211-5-1 du code de la santé publique, en application duquel les critères permettant de qualifier une situation de risque dans la prise en charge de l’état de santé du patient en raison de l’indisponibilité d’un dispositif médical sont fixés par voie réglementaire.

Peuvent procéder à cette qualification, les opérateurs économiques (fabricants, mandataires, importateurs et distributeurs, à l’exclusion des distributeurs au détail) ou, à défaut, l’ANSM, après consultation des opérateurs précités.

En cas de situation de risque pour la santé des patients, les entreprises qui prennent la décision de suspendre ou de cesser la commercialisation d’un dispositif médical ou qui ont connaissance de faits susceptibles d’entraîner la suspension ou la cessation de cette commercialisation doivent informer l’ANSM, selon des modalités à définir par voie réglementaire.

Lorsque la qualification de la situation révèle un risque dans la prise en charge de l’état de santé des patients, les opérateurs doivent mettre en œuvre toute mesure utile et nécessaire anticipée visant à assurer la continuité de leur prise en charge.

Dans certaines situations identifiées ou lorsque les mesures adoptées par les opérateurs n’ont pas permis d’éviter le risque dans la prise en charge de l’état de santé du patient, ceux-ci doivent effectuer une déclaration auprès de l’ANSM du risque de rupture, ou de toute rupture, relatif au dispositif médical concerné.

Pour sa part, l’agence peut prendre toute mesure utile et nécessaire pour éviter la rupture et assurer la continuité de la prise en charge de l’état de santé du patient, lorsqu’elle constate un risque de rupture ou une rupture dans la disponibilité d’un dispositif médical conduisant à une situation identifiée, dispositif pour lequel l’opérateur n’a pas mis en œuvre les mesures utiles ou n’a pas effectué la déclaration de risque de rupture ou de rupture (les mesures de l’agence étant prises après « consultation » des opérateurs, des professionnels de santé et des associations de patients et d’usagers du système de santé).

Les informations relatives aux qualifications des situations liées à l’indisponibilité de dispositifs médicaux, aux risques identifiés de rupture dans leur disponibilité et aux mesures d’anticipation prises par les opérateurs sont tenues à la disposition de l’ANSM et lui sont transmises à tout moment à sa demande.

Un mécanisme identique a été instauré pour les situations de risque visant les DMDIV (C. santé publ., art. L. 5221-7). Dans les deux cas, les opérateurs économiques qui ne respectent pas leur obligation d’informer l’ANSM d’un risque de rupture ou de toute rupture dans la disponibilité des dispositifs concernés s’exposent à une sanction financière de l’agence (C. santé publ., art. L. 5461-9 et L. 5462-8).

En complément des pénalités que peut prononcer l’ANSM en matière de manquements aux règles sur les dispositifs médicaux et les DMDIV, la loi DDADUE a par ailleurs attribué un pouvoir de sanction financière à l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation (DGCCRF, DREETS, DDPP ou DDETSPP selon les départements) s’agissant des produits pour lesquels cette autorité de police est compétente, à savoir les dispositifs médicaux, les accessoires et les produits énumérés à l’annexe XVI du règlement (UE) 2017/745, exclusivement destinés à être utilisés directement par les consommateurs ou par des utilisateurs professionnels, autres que les professionnels de santé, dans le cadre d’une prestation destinée aux consommateurs, ainsi que les DMDIV et leurs accessoires, destinés à être utilisés directement par le public (C. santé publ., art. L. 5473-1).

Jérôme Peigné, Professeur à l'Université Paris Cité (Institut Droit et santé)
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