Non dit le Conseil constitutionnel. Il peut cependant prendre toutes les précautions sanitaires utiles (jauge, distribution de masques et aération).
Le Conseil constitutionnel s'est prononcé le 21 janvier 2022 sur la loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire. S'il a admis la conformité à la Constitution des dispositions subordonnant l'accès à certains lieux à la présentation d'un « passe vaccinal » en imposant qu'il y soit mis fin dès lors qu'elle ne sera plus nécessaire, il a censuré celle permettant de subordonner à la présentation d'un « passe sanitaire » l'accès à une réunion politique.
Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.
Découvrir tous les contenus liés
La loi adoptée par le Parlement prévoyait en effet, que par dérogation à la règle selon laquelle nul ne peut exiger la présentation d'un passe sanitaire ou vaccinal pour l'accès à d'autres lieux que ceux soumis par le Premier ministre à cette formalité, la personne responsable de l'organisation d'une réunion politique pouvait en subordonner l'accès à la présentation soit du résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, soit d’un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19, soit d’un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination par la covid-19.
Pour les parlementaires à l'origine de la saisine, ces dispositions étaient contraires d'une part, au droit d'expression collective des idées et des opinions dans la mesure où elles allaient contraindre les personnes non vaccinées à effectuer un test de dépistage payant pour se rendre à un meeting politique et, d'autre part, au droit au respect de la vie privée puisque, de fait, ces personnes seraient amenées à révéler leur identité.
Pour examiner ces dispositions, le Conseil constitutionnel rappelle que, aux termes de l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ». La liberté d'expression et de communication, dont découle le droit d'expression collective des idées et des opinions, est d'autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l'une des garanties du respect des autres droits et libertés. Il s'ensuit que les atteintes portées à l'exercice de cette liberté et de ce droit doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l'objectif poursuivi.
Le législateur se doit dès lors de concilier l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé et le respect des droits et libertés constitutionnellement garantis au nombre desquels figurent le droit au respect de la vie privée garanti par l'article 2 de la Déclaration de 1789, ainsi que le droit d'expression collective des idées et des opinions résultant de l'article 11 de cette déclaration.
Or si l'exigence du passe sanitaire à l'entrée d'une réunion politique en raison du risque accru de propagation de l'épidémie poursuit bien l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé, le fait que l'édiction de telles mesures par l'organisateur ne soit soumis ni à la condition qu'elles soient prises dans l'intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre l'épidémie de covid-19, ni à celle que la situation sanitaire les justifie au regard de la circulation virale ou de ses conséquences sur le système de santé, ni même à celle que ces mesures soient strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu ne permet pas de concilier de manière équilibrée les exigences constitutionnelles précitées. Les dispositions en cause sont donc déclarées contraires à la Constitution.
Remarque : cette censure n'est aucunement une surprise dans la mesure où, à l'occasion de l'examen de la loi portant diverses dispositions de vigilance sanitaire, publiée au Journal officiel du 11 novembre 2021, qui prévoit notamment la prorogation de 8 mois de l'état d'urgence sanitaire, le Conseil constitutionnel avait indiqué clairement qu'à l'occasion des élections présidentielles et législatives qui auront lieu durant cette période, le « passe sanitaire ne pourra pas être exigé pour l'accès aux bureaux de vote ou à des réunions et activités politiques ».
Le Conseil constitutionnel précise in fine que les responsables des réunions politiques ont cependant toujours la possibilité de prendre toutes mesures de précaution sanitaire utiles, telles que la limitation du nombre de participants, la distribution de masques ou l'aération des salles.
Cecile GUERBIGNOT, Dictionnaire Permanent Commande publique et Guide pratique des élections