Mediator : la responsabilité civile des laboratoires confirmée

28.04.2016

Droit public

La cour d'appel de Versailles confirme la responsabilité civile des laboratoires Servier dans l'affaire du Mediator.

Par un arrêt du 14 avril 2016, la cour d'appel de Versailles confirme le jugement de première instance en toutes ses dispositions du tribunal de grande instance de Nanterre qui a déclaré la société Servier responsable du préjudice subi par une plaignante atteinte d’une double valvulopathie imputable à l’absorption de Mediator (TGI Nanterre, 2e ch., 22 oct. 2015, n° 13/06176).

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Pas de sursis à statuer

S’agissant de la demande de sursis à statuer invoquée par le fabricant du médicament litigieux, la cour rappelle que l’article 4 du code de procédure pénale n’impose un tel sursis que lorsque l’action civile a été exercée séparément de l’action publique, en réparation du dommage causé par une infraction. En l’espèce, l’action introduite par la victime était fondée sur les dispositions autonomes des articles 1386-1 et suivants du code civil, et non en réparation du dommage causé par les délits faisant l’objet de poursuites pénales en cours d’instruction (pour chefs de tromperie, d’homicides et de blessures involontaires).

Un médicament défectueux

S’agissant de la défectuosité du médicament, la cour retient qu’il est scientifiquement admis que le principe actif du médicament – le benfluorex – est impliqué dans la survenance de remaniements valvulaires dominés par des aspects de fibrose, avec épaississement et rigidité valvulaire à l’origine de régurgitations de type restrictif. Ces données scientifiques – en l’occurrence non contestées par le laboratoire – n’ont jamais été mentionnées dans le résumé des caractéristiques du produit (RCP) validé par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), devenue l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), pas plus qu’elles n’ont été reproduites dans le dictionnaire Vidal jusqu’au retrait de l’AMM (en novembre 2009). Il résulte de ces circonstances que le Mediator doit être regardé comme défectueux, c’est-à-dire un produit n’offrant pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre, tant au regard des risques afférents à son utilisation (inversion du rapport bénéfices sur risques) que du défaut d’information portée à la connaissance des médecins (RCP) et des patients (notice).

Pas d'exonération pour risque de développement

S’agissant de l’invocation d’un risque de développement – susceptible pour le fabricant d’un produit défectueux d’être exonéré de sa responsabilité dans la mesure où l’état des connaissances scientifiques et techniques au moment de la mise en circulation du produit ne permettait pas de déceler sa défectuosité – la cour estime qu’il convient de rechercher si les données scientifiques disponibles entre 2004 et 2009, période d’exposition de la plaignante au benfluorex, permettaient au laboratoire de déceler le défaut. S’appuyant notamment sur la jurisprudence administrative ayant retenu la responsabilité de l’Etat du fait de la carence fautive de l’AFSSAPS à retirer l’AMM du Mediator à compter de juillet 1999, compte tenu de l’inversion du rapport bénéfices sur risques présenté par le médicament (CAA Paris, 31 juill. 2015, n° 14PA04082), la cour juge que cette faute n’a pas pour effet d’exclure ou de diminuer la responsabilité première des laboratoires Servier et d’éteindre leur obligation de réparer les préjudices causés par le Mediator durant la période considérée.

Lien de causalité établi

S’agissant enfin du lien de causalité, la cour confirme que la preuve de ce dernier peut être rapportée par la réunion de présomptions suffisamment graves, précises et concordantes, à défaut de certitudes scientifiques et médicales. En l’espèce, malgré l’impossibilité d’exclure formellement d’autres causes possibles, l’expertise a conclu que l’insuffisance valvulaire aortique dont souffrait la victime pouvait être en lien de causalité plausible avec une exposition au Mediator, le collège d’experts placé auprès de l’ONIAM ayant également plaidé en faveur d’une imputabilité de l’insuffisance aortique à la prise de Mediator, fondée sur la chronologie de la découverte de cette pathologie par rapport à l’ingestion prouvée du médicament litigieux.

La réunion de l’ensemble de ces éléments a donc conduit la cour à confirmer la responsabilité civile des laboratoires Servier, le montant de l’indemnisation allouée au titre du déficit fonctionnel permanent ayant toutefois été réduit par rapport au jugement de première instance (les autres postes de préjudices corporels ayant en revanche été validés).

Jérôme Peigné, Professeur à l'université Paris Descartes
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