Mineurs non accompagnés : le Conseil constitutionnel valide les tests osseux

25.03.2019

Droit public

Le Conseil constitutionnel considère que, bien que peu fiable, le recours à la radiologie osseuse en vue de déterminer l'âge de l'intéressé dans les conditions de la loi du 14 mars 2016 reste dans l'intérêt supérieur de l'enfant.

Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) concernant la conformité à la Constitution des deuxième et troisième alinéas de l’article 388 du code civil tels que modifiés par la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant (L. n° 2016-297, 14 mars 2016, art. 43 : JO, 16 mars), le Conseil constitutionnel juge, dans une décision du 21 mars 2019, que le recours aux tests radiologiques osseux pour estimer l’âge d’une personne qui se revendique mineure est conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant, sous réserve que les garanties prévues par loi soient respectées, c’est-à-dire :
 
- que ces tests soient décidés par l’autorité judiciaire ;
 
- qu’ils ne soient ordonnés qu’en l’absence de documents d’identité valables et si l’âge allégué n’est pas vraisemblable ;
 
- que l’intéressé, informé dans une langue comprise, y consente, sans que son refus puisse faire présumer sa majorité ;
 
- que soit pleinement pris en compte la marge d’erreur entourant les conclusions de l’examen radiologique.
Remarque : le Conseil constitutionnel rejette également les griefs tirés de la méconnaissance du droit à la protection de la santé et de l’atteinte à la dignité humaine, jugeant qu’il ne lui appartient pas « de substituer son appréciation à celle du législateur sur les conséquences sur la santé de la réalisation d’un examen radiologique osseux, dès lors que cette appréciation n’est pas, en l’état des connaissances, manifestement inadéquate ». Il juge de même qu’un examen radiologique osseux ne peut être ordonné, outre les conditions précitées, « qu’en tenant compte d’un avis médical qui le déconseillerait à raison des risques particuliers qu’il pourrait présenter pour la personne concernée » et que réalisés avec le consentement de la personne, ils « n’impliquent aucune intervention corporelle interne et ne comportent aucun procédé douloureux, intrusif ou attentatoire à la dignité des personnes ».
Un examen... dans l’intérêt de l’enfant
Principal apport de la décision, le Conseil constitutionnel donne une base constitutionnelle à l’exigence de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant, qui jusqu’à présent trouvait sa source dans la Convention internationale sur les droits de l’enfant (CIDE, 20 nov. 1989, art. 3-1), en la rattachant directement aux dixième et onzième alinéas du préambule de la Constitution de 1946, aux termes desquels « la Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. Elle garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs ».
 
Pour le Conseil constitutionnel, « il en résulte une exigence de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant [qui impose] que les mineurs présents sur le territoire national bénéficient de la protection légale attachée à leur âge ».
 
Et, par conséquent, la fin (la protection des mineurs en danger) justifie les moyens (les tests osseux), dès lors que l’examen a pour finalité la détermination de l’âge d’une personne, quand bien même ce type d’examen comporte une marge d’erreur significative.
Remarque : il existe en effet un consensus sur le fait que le recours aux examens radiologiques osseux n’est plus pertinent pour l’évaluation de l’âge dès lors qu’elle repose sur une méthode d’interprétation élaborée dans le premier tiers du vingtième siècle selon un référentiel anatomique standardisé et réducteur (Test de Greulich et Pyle). Dans un avis publié en janvier 2014, le Haut Conseil de la santé publique avait d’ailleurs estimé que « l’estimation d’un âge osseux [...] ne permet pas de déterminer l’âge exact du jeune lorsqu’il est proche de la majorité légale » et que « la détermination d’un âge physiologique sur le seul cliché radiologique [était] à proscrire ».
Des garanties légales suffisantes
En raison de cette « marge d’erreur significative », le Conseil constitutionnel juge que, pour être conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant, il convient d’assortir le recours à cet examen « des garanties nécessaires afin que des personnes mineures ne soient pas indûment considérées comme majeures ».
 
A ce titre, pour les Sages, les garanties posées par la loi (C. civ. art. 388) sont suffisantes. Elles sont de quatre ordres.
 
D’abord, seule l’autorité judiciaire peut en décider, le Conseil constitutionnel ne restreignant toutefois pas ce pouvoir aux juges du siège si bien que le procureur de la République est aussi compétent pour en prendre l’initiative.
 
Ensuite, l’examen ne peut être diligenté que si l’intéressé « n’a pas de document d’identité valable et si l’âge [qu’il] allègue n’est pas vraisemblable ».
Remarque : on relèvera toutefois que, d’une manière générale, c’est parce que l’authenticité des documents d’identité (actes d’état civil, carte d’identité ou passeport) est contestée par les services compétents que le recours aux examens osseux est décidé si bien que cette condition posée par les sages n’apporte rien. En revanche, la question de l’appréciation du caractère vraisemblable de l’âge devrait supposer que l’examen osseux n’intervienne qu’en dernier recours, en tout cas à l’issue de l’évaluation à laquelle doivent procéder les services de l’aide sociale à l’enfance.
L’examen ne peut en outre être réalisé qu’après le recueil du « consentement éclairé » de l’intéressé, et le refus de s’y soumettre ne peut emporter présomption de majorité.
 
Le Conseil constitutionnel observe enfin que le législateur a tiré les conséquences de l’existence objective d’une marge d’erreur en imposant « la mention de cette marge dans les résultats de ces examens » et en précisant que les conclusions d’un tel examen ne peuvent constituer l’unique fondement dans la détermination de l’âge de la personne. Car, en effet, c’est à l’autorité judiciaire qu’il appartient d’apprécier la minorité ou la majorité « en prenant en compte les autres éléments ayant pu être recueillis, tels que l’évaluation sociale ou les entretiens réalisés par les services de la protection de l’enfance ».
Un doute qui doit profiter « à la qualité de mineur »
En dernier lieu, le Conseil constitutionnel estime que, « si les conclusions des examens radiologiques sont en contradiction avec les autres éléments d’appréciation susvisés et que le doute persiste au vu de l’ensemble des éléments recueillis, ce doute doit profiter à la qualité de mineur de l’intéressé ».
Remarque : toutefois, si le doute naît des documents et allégations de la personne qui se prétend mineure, et que la fiabilité des examens osseux est sujette à caution, ce doute ne devrait-il pas persister à l’issue de la procédure et conduire le juge à en déduire que l’intéressé doit être regardé comme mineur ? Il est peu probable que ce soit le cas dans les faits. Et en cas de refus de se soumettre à ces examens, face à des documents d’identité présumés apocryphes ou jugés douteux, le doute profitera-t-il réellement « à la qualité de mineur » ?

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

Découvrir tous les contenus liés
Christophe Pouly, avocat
Vous aimerez aussi

Nos engagements