Nouvelles modifications des règlements relatifs aux dispositifs médicaux et aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro en vue d’éviter les pénuries

10.07.2024

Droit public

Modifiant les règlements (UE) 2017/745 et 2017/746, le règlement (UE) 2024/1860 prévoit un déploiement progressif des modules de la base Eudamed, introduit de nouvelles obligations en matière de prévention des pénuries de dispositifs médicaux et proroge la période transitoire pour certains dispositifs médicaux de diagnostic in vitro.

Le règlement (UE) 2017/745 relatif aux dispositifs médicaux (DM) et le règlement (UE) 2017/746 relatif aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro (DMDIV) sont respectivement entrés en application le 26 mai 2021 et le 26 mai 2022. Compte tenu des difficultés rencontrées par les différents protagonistes pour se conformer aux exigences et aux délais prévus par ces textes, des modifications ont été adoptées par le Parlement européen et le Conseil, à l’initiative de la Commission, notamment en vue d’éviter les pénuries de produits, dans un contexte marqué par les suites de la pandémie de covid-19.

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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S’agissant des DM, la période transitoire a été prolongée par le règlement (UE) 2023/607 du 15 mars 2023, période se terminant le 31 décembre 2027 (pour tous les dispositifs de classe III et les dispositifs implantables de classe IIb, sauf exceptions) ou le 31 décembre 2028 (pour les autres dispositifs de classe IIb, les dispositifs de classe IIa et les dispositifs de classe I non soumis à auto-certification), et sous réserve de certaines conditions. Le règlement (UE) 2023/607 prolonge non seulement la durée de validité des certificats délivrés conformément aux anciennes directives 90/385/CEE et 93/42/CEE, mais également la période transitoire pendant laquelle les dispositifs conformes à ces directives peuvent être légalement mis sur le marché (« legacy devices »).

Pour les DMDIV, les dispositions transitoires du règlement (UE) 2017/746 ont été modifiées par le règlement (UE) 2022/112 du 25 janvier 2022, afin de tenir compte des effets de la crise sanitaire et du faible nombre d’organismes notifiés conformément au règlement (seulement 12 organismes certificateurs avaient été notifiés par les États membres à la Commission au 1er juillet 2024). La prolongation de la période transitoire doit s’échelonner du 26 mai 2025 pour les DMDIV à haut risque (classe D), au 26 mai 2027 pour les DMDIV à plus faible risque (classes A et B), et au 26 mai 2028 dans le cas de certains dispositifs fabriqués et utilisés dans les établissements de santé (« in house »).

De nouvelles modifications viennent encore d’être introduites par le règlement (UE) 2024/1860 du Parlement européen et du Conseil du 13 juin 2024. Le texte vise une nouvelle fois à prolonger la période transitoire pour les DMDIV, afin de réduire le risque de pénuries pour les dispositifs à haut risque. Il prévoit également un déploiement progressif des systèmes électroniques intégrés dans la base de données européenne (Eudamed) qui sont déjà fonctionnels, au lieu d’attendre l’entrée en fonction du dernier des six modules pour une utilisation obligatoire d’Eudamed. Il introduit enfin une obligation d’information préalable incombant aux opérateurs économiques, en cas d’interruption ou de cessation de la fourniture de certains DM et DMDIV par les fabricants.

Prolongation de la période transitoire pour certains DMDIV

L’un des effets les plus notables de l’entrée en application du règlement (UE) 2017/746 est que 80 % des DMDIV doivent désormais faire l’objet d’un contrôle par des organismes notifiés, dont la plupart pour la première fois. S’il reste encore quelques années de période transitoire pour les dispositifs de classes B et C, ainsi que pour les dispositifs stériles de classe A, cette période doit s’achever le 26 mai 2025 pour les dispositifs de classe D (dispositifs utilisés, par exemple, pour le dépistage d’infections dans les dons de sang ou d’organe ou pour la détermination du groupe sanguin avant les transfusions). Étant donné le faible nombre de certificats déjà délivrés et de demandes en cours concernant cette catégorie de dispositifs et compte tenu de la durée de la procédure d’évaluation de la conformité, il existe un risque élevé de pénuries pour beaucoup de ces dispositifs.

Bien qu’un échelonnement des périodes transitoires ait déjà été acté par le règlement (UE) 2022/112, un délai supplémentaire est devenu nécessaire, notamment pour limiter les tensions sur le marché des DMDIV à haut risque. Mais en raison du faible nombre d’organismes notifiés, cette prolongation doit également s’accompagner d’un report des délais de transition pour les autres classes de dispositifs, afin d’éviter un goulet d’étranglement dans la procédure de certification, lequel serait de nature à engendrer des pénuries pour tous les DMDIV.

Le règlement (UE) 2024/1860 a donc décidé de prolonger la période transitoire en prorogeant la durée de validité des certificats délivrés par des organismes notifiés conformément à la directive 98/79/CE à partir du 25 mai 2017 qui étaient encore valables le 26 mai 2022. Les certificats délivrés par des organismes notifiés conformément à la directive à partir du 25 mai 2017 qui étaient encore valables le 26 mai 2022 et qui sont arrivés à expiration avant le 9 juillet 2024 sont considérés comme valables jusqu’au 31 décembre 2027, sous réserve de condition (notamment un accord conclu entre le fabricant et l’organisme notifié). Dans ce cas, les DMDIV munis d’un certificat délivré conformément à la directive 98/79/CE et qui est valable peuvent être mis sur le marché ou mis en service jusqu’au 31 décembre 2027.

Les dispositifs pour lesquels la procédure d’évaluation de la conformité prévue par la directive 98/79/CE ne nécessitait pas l’intervention d’un organisme notifié, pour lesquels une déclaration de conformité a été établie avant le 26 mai 2022 conformément à la directive et pour lesquels la procédure d’évaluation de la conformité prévue par le règlement (UE) 2017/746 nécessite désormais l’intervention d’un organisme notifié peuvent être mis sur le marché ou mis en service jusqu’aux nouvelles dates suivantes : le 31 décembre 2027 pour les dispositifs de classe D ; le 31 décembre 2028 pour les dispositifs de classe C ; le 31 décembre 2029 pour les dispositifs de classe B et les dispositifs de classe A mis sur le marché à l’état stérile. Ces prorogations ne sont toutefois applicables que sous réserve de respecter plusieurs conditions, garantissant que seuls les fabricants qui prennent activement les mesures nécessaires pour se conformer aux nouvelles règles puissent bénéficier de ces délais supplémentaires.

Déploiement progressif des modules électroniques de la base Eudamed

En application de l’article 33 du règlement (UE) 2017/745 (et de l’article 30 du règlement (UE) 2017/746), il revient à la Commission européenne d’établir et d’actualiser la base de données européenne sur les dispositifs médicaux (Eudamed). Cette base de données intègre sept systèmes électroniques : la base relative aux acteurs (Commission, autorités compétentes, opérateurs économiques…), la base des identifiants des dispositifs (IUD), la base des organismes notifiés et des certificats, la base relative aux vigilances et à la surveillance post-commercialisation, la base relative à la surveillance du marché et la base relative aux investigations cliniques de DM et aux études des performances de DMDIV, ainsi qu’un site internet accessible au public.

Le portail Eudamed est accessible aux utilisateurs autorisés par un site web restreint et aux utilisateurs non identifiés par le site internet public, selon les modalités précisées par le règlement d’exécution (UE) 2021/2078 du 26 novembre 2021.

En décembre 2020 et en octobre 2021, trois modules (acteurs, IUD et organismes notifiés/certificats) sont devenus disponibles pour une utilisation facultative. Deux autres (surveillance du marché et vigilances) devraient être fonctionnels avant la fin de l’année 2024. En revanche, le module relatif aux  investigations cliniques et aux études des performances ne devrait pas entré en fonction avant la fin de l’année 2026. Force est de constater que des difficultés analogues ont été à l’origine d’un important retard de l’entrée en fonction du portail électronique CTIS (Clinical Trial Information System) pour les essais cliniques de médicaments (l’entrée en application du règlement (UE) n° 536/2014 du 16 avril 2014 ayant dû attendre le 31 janvier 2022).

Reste que l’utilisation d’Eudamed ne peut être rendue obligatoire qu’à partir d’une date officielle, à savoir quand la Commission aura publié un avis au Journal officiel de l’UE, attestant que celle-ci est pleinement opérationnelle (ce qui, en pratique, devrait repousser l’échéance de l’entrée en vigueur de l’obligation à 2028).

Afin d’éviter d’entraver l’utilisation obligatoire d’Eudamed par le retard fonctionnel d’un seul module, le règlement (UE) 2024/1860 a donc modifié l’article 34 du règlement (UE) 2017/745 afin d’organiser une mise en service progressive des différents modules d’Eudamed, dès lors qu’ils auront fait l’objet d’audits indépendants et qu’ils auront été déclarés opérationnels par la voie d’un avis de la Commission publié au JOUE. En l’occurrence, les obligations et les exigences relatives aux modules électroniques d’Eudamed s’appliqueront à compter de la date correspondant à six mois suivant la date de publication de l’avis (concrètement, l’utilisation obligatoire de plusieurs modules pourrait s’appliquer avant la fin de de l’année 2025).

Par ailleurs, compte tenu du retard dans la mise au point du module relatif aux investigations cliniques et aux études des performances, le règlement (UE) 2024/1860 a modifié l’article 78 du règlement (UE) 2017/745 en vue d’adapter le calendrier d’application de l’évaluation coordonnée des investigations cliniques (ainsi que des études des performances pour les DMDIV), celle-ci devant d’abord être appliquée par les États membres sur la base d’une participation volontaire et devenir obligatoire pour tous les États membres cinq ans après son application facultative.

Obligation d’information en cas d’interruption ou de cessation préjudiciable de la fourniture de dispositifs médicaux

Le règlement (UE) 2017/745 ne comporte aucune disposition relative aux pénuries de dispositifs médicaux. Eu égard aux leçons tirées de la pandémie de covid-19, l’Union européenne a introduit une première réponse avec le règlement (UE) 2022/123 du 25 janvier 2022, qui a confié à l’Agence européenne des médicaments (EMA) le soin de préparer et de gérer les crises impliquant des pénuries de médicaments ou de dispositifs médicaux. Mais à la différence des dispositions applicables aux médicaments, les mesures introduites par ce règlement pour la prévention et la gestion des pénuries de DM ne concernent que les situations d’urgence sanitaire (et non les événements majeurs comme pour les médicaments).

Or, malgré la période transitoire, la fourniture de nombreux DM et DMDIV est régulièrement interrompue – sachant que les solutions de substitution s’avèrent souvent inexistantes à partir du moment où les dispositifs sont peu nombreux et visent des petites catégories de population – ce qui est susceptible d’entraîner de graves conséquences pour la santé humaine ou la santé publique.

Le législateur européen a donc décidé d’introduire, sous un article 10 bis au règlement (UE) 2017/745, une obligation d’information à la charge des opérateurs économiques.

Lorsqu’un fabricant anticipe une interruption ou une cessation de la fourniture d’un dispositif, autre qu’un dispositif sur mesure, et qu’il est raisonnablement prévisible que cette interruption ou cessation pourrait entraîner un préjudice grave ou un risque de préjudice grave pour les patients ou la santé publique dans un ou plusieurs États membres, le fabricant doit informer l’autorité compétente (l’ANSM en France) de l’État membre dans lequel il est établi (ou dans lequel son mandataire est établi pour les fabricants situés en dehors de l’UE), ainsi que les opérateurs économiques, les établissements de santé et les professionnels de santé auxquels il fournit directement le dispositif de l’interruption ou cessation attendue.

Aucune précision n’est cependant donnée par le règlement s’agissant de la caractérisation du préjudice grave ou du risque de préjudice grave.

Sauf circonstances exceptionnelles, l’information doit être communiquée au moins six mois avant l’interruption ou la cessation attendue, le fabricant devant préciser les motifs de l’interruption ou de la cessation dans le cadre des informations communiquées à l’autorité compétente. Cette dernière doit alors informer, sans retard injustifié, les autres autorités nationales et la Commission de l’interruption ou de la cessation attendue.

Les opérateurs économiques (distributeurs) qui ont reçu l’information du fabricant ou d’un autre opérateur économique faisant partie de la chaîne d’approvisionnement (importateur ou autre distributeur) doivent également informer, sans retard injustifié, tout autre opérateur économique, les établissements de santé et les professionnels de santé auxquels ils fournissent directement le dispositif de l’interruption ou de la cessation attendue.

On signalera qu’en droit interne, la loi n° 2023-171 du 9 mars 2023 (DDADUE) a introduit des dispositions visant à lutter contre les ruptures d’approvisionnement des dispositifs médicaux dont l’indisponibilité implique une situation de risque pour la santé des patients (C. santé publ., art. L. 5211-5-1), les critères permettant de qualifier une telle situation devant encore être définis par la voie réglementaire.

En cas de situation de risque pour la santé des patients, les opérateurs économiques décidant de suspendre ou de cesser la commercialisation d’un DM ou qui ont connaissance de faits susceptibles d’entraîner la suspension ou la cessation de cette commercialisation doivent en informer l’ANSM.

Lorsque la qualification de la situation révèle un risque dans la prise en charge de l’état de santé des patients, les opérateurs doivent mettre en œuvre toute mesure utile et nécessaire anticipée visant à assurer la continuité de leur prise en charge. Et dans certaines situations identifiées ou lorsque les mesures adoptées par les opérateurs n’ont pas permis d’éviter le risque dans la prise en charge de l’état de santé du patient, ceux-ci doivent effectuer une déclaration auprès de l’ANSM du risque de rupture, ou de toute rupture, relatif au dispositif concerné.

Jérôme Peigné, Professeur à l'Université Paris Cité (Institut Droit et santé)
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