Nutri-Score : une notoriété en pleine progression

05.02.2021

Droit public

Santé publique France a publié les résultats d'une enquête portant sur l'évolution de la notoriété, la perception et l'utilisation du logo Nutri-Score.

Depuis son lancement en 2017, le Nutri-Score s’impose progressivement dans le paysage alimentaire des français et pourrait même devenir un logo européen.

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Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Issu d’un arrêté en date du 31 octobre 2017, adopté en application de la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016, le logo Nutri-Score est l’étiquetage simplifié recommandé par l’Etat aux exploitants du secteur agroalimentaire. Cette signalétique attribue une lettre et une couleur à l’aliment (sur une échelle allant de A vert à E rouge) en fonction de critères de composition en nutriments et en ingrédients. Il s’agit d’un score global reposant sur la prise en compte de quatre éléments défavorables sur le plan nutritionnel (la densité énergétique (apport calorique pour 100g d’aliment), la teneur en sucres simples, la teneur en graisses saturées et la teneur en sel), mais aussi d’éléments nutritionnels considérés comme positifs (teneur de l’aliment en fruits ou légumes (et noix), en fibres et en protéines).

Apposé en face avant des emballages, ce logo coloriel incite-t-il les consommateurs français à privilégier les aliments plus favorables à leur santé, conformément aux objectifs fixés dans l’article L. 3232-8 du code de la santé publique issu de la loi de 2016 ? Il semblerait que ce soit le cas. En effet, Santé publique France a publié en janvier 2021 un bilan de trois vagues d’enquêtes réalisées auprès de plus de mille consommateurs depuis 2018. Les résultats de cette synthèse montrent une évolution très favorable et rapide de la notoriété et de l’impact du Nutri-Score. Dans un contexte où près de 500 entreprises se sont engagées dans la démarche et les parts de marché des marques qui ont élu le logo ont atteint 50% des volumes de ventes en 2020, la publication de cette étude montre qu’au-delà de l’information des consommateurs, le Nutri-Score joue son rôle d’aide à la décision et modifie les comportements d’achat des personnes interrogées. Ce bilan positif est de nature à nourrir les espoirs des tenants de ce logo qui préconisent d’étendre son application tant matériellement que géographiquement.

Une information nutritionnelle connue et comprise par les consommateurs

Selon l’étude de Santé publique France, en septembre 2020, 93% des individus interrogés déclaraient avoir déjà vu ou entendu parler de ce logo contre 58 % en 2018. Il est spontanément cité comme outil d’évaluation nutritionnelle par 18% des individus contre 1% en 2018. Cette connaissance du Nutri-Score s’accompagne d’une adhésion au système car 94% se disent favorables à la présence du logo sur les emballages et une proportion similaire (93%) qualifie d’utile l’information délivrée par le Nutri-Score en simplifiant l’information nutritionnelle. Ce constat est riche d’enseignements concernant la pertinence des informations nutritionnelles complémentaires et sur le choix particulier fait par la France en faveur du système Nutri-Score.

Rappelons tout d’abord le cadre juridique dans lequel s’inscrit l’adoption de ce système coloriel. Depuis décembre 2016 le règlement INCO n°1169/2011 concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires exige que figure au dos des emballages une déclaration nutritionnelle présentée le plus souvent sous forme de tableau. Pour faciliter le choix par les consommateurs d’aliments plus favorables à leur santé, le texte prévoit que cette déclaration puisse s’accompagner d’autres formes d’expression ou de présentations complémentaires (par exemple des représentations graphiques ou des symboles) apposées à titre facultatif sur la face avant de l’emballage. L’article 35 du règlement INCO autorise la répétition des informations fournies dans la déclaration nutritionnelle, c’est à dire la valeur énergétique et les quantités de nutriments visés à l’article 30 (matières grasses, acides gras saturés, sucres et sel).

D’autres systèmes relevant des « informations fournies à titre volontaire » régies par l’article 36 du règlement peuvent également fournir aux consommateurs des informations sur la qualité nutritionnelle globale des denrées alimentaires au moyen d’un logo synthétique sans pour autant reprendre les informations fournies dans la déclaration nutritionnelle. Pour éviter l’émergence d’un maquis de logos ou signaux nutritionnels privés susceptibles d’induire le consommateur en erreur, le règlement INCO prévoit que l’information complémentaire soit objective car fondée scientifiquement, compréhensible par le consommateur et qu’elle ne soit pas de nature à l’induire en erreur. Dans ce contexte, différents systèmes ont été recommandés par les Etats membres aux exploitants du secteur agro-alimentaire. Parmi ces systèmes, le Nutri-Score a été élu par la France comme celui le plus à même d’être compris par les consommateurs, y compris ceux ayant les revenus les plus faibles, et de guider leurs choix alimentaires.

Le rapport de la Commission européenne du 20 mai 2020 « relatif à l'utilisation des formes d'expression et de présentation complémentaires de la déclaration nutritionnelle » qualifie le Nutri-Score « d’indicateur synthétique de notation » fournissant des informations globales et notées sur la qualité nutritionnelle des aliments. Il relève ainsi de l’article 36 et fournit une information synthétique associée à un code de couleurs en un seul coup d’œil. Le succès d’un tel système tient à se capacité de changer les comportements d’achat des consommateurs. Dès lors, le logo doit capter l’attention des personnes, il doit être connu, accepté et compris par les consommateurs. Or, l’étude de Santé publique France démontre sans conteste l’efficience de l’information ainsi délivrée et son aptitude à éclairer le consentement de l’acheteur.

Une aide à la décision

Le Nutri-Score n’a pas seulement vocation à permettre au consommateur de mieux connaître le profil nutritionnel global des denrées alimentaires. Qualifié parfois de « nudge » par la doctrine (V. en ce sens, Catherine Thibierge), il constitue une norme sensorielle qui oriente le choix du consommateur vers la décision la plus favorable à sa santé, et assure ainsi l’effectivité de la norme juridique relative à l’information nutritionnelle complémentaire. Plus qu’une information, il incite le consommateur à faire certains choix plus sains dans un contexte de surcharge informationnelle.

Inspiré des feux tricolores qui régulent la circulation automobile, le Nutri-Score mobilise la pensée intuitive et automatique du consommateur et l’oriente par une « méthode douce » propre aux « nudges » vers le vert garant de sa santé. Au regard de cet objectif, les résultats de l’enquête montrent que le logo coloriel a un réel impact sur les comportements d’achat. Ainsi, 57% des personnes interrogées connaissant le Nutri-Score déclaraient avoir modifié une ou plusieurs habitudes d’achat, en changeant de marque pour un même produit (39%), en choisissant un produit avec un meilleur score plutôt qu’un autre avec un moins bon score au sein d’un même rayon (36%), en limitant l’achat de produits avec de moins bons scores (34%), ou encore en changeant durablement certaines habitudes alimentaires (35 %). Cela corrobore les conclusions des articles scientifiques sur lesquels se sont appuyés les pouvoirs publics pour élire le Nutri-Score. L’enquête révèle qu’une majorité de consommateurs est bien influencée par cet outil d’aide à la décision. Toutefois, la publication fait aussi état des limites de l’étude et du Nutri-Score lui-même.

D’abord, les comportements d’achat ont été évalués sur la base de déclarations et non en conditions réelles, ce qui conduit à surestimer l’effet du logo même si l’évolution reste positive. Ensuite, comme les entreprises sont libres d’opter ou non pour cette signalétique nutritionnelle, cette dernière ne peut déployer tous ses effets au même titre qu’une information obligatoire. Même si les distributeurs se sont largement engagés dans la démarche et que les parts de marché des marques qui ont élu le logo ont atteint 50% des volumes de ventes en 2020, l’absence de Nutri-Score n’est pas pénalisée par les consommateurs. Ainsi, le fait de renoncer à l’achat d’un produit qui ne comporte pas de logo était le comportement le moins adopté (18% contre 30 à 40% pour les autres comportements d’achat). Santé publique France suggère à cet égard que l’ancrage du Nutri-Score pourrait être amélioré par son utilisation dans la restauration collective et commerciale comme le préconise le quatrième volet du Programme national nutrition santé (PNNS) publié le 20 septembre 2019 (Action 7 du PNNS 4). Ajoutons que le PNNS propose aussi d’étendre son utilisation aux denrées alimentaires non pré-emballées et vendues en vrac (Action 16 du PNNS 4).

Perspectives européennes pour intensifier le déploiement du Nutri-Score

Le succès du Nutri-Score pourrait être amplifié s’il était adopté et rendu obligatoire à l’échelle de l’ensemble des Etats membres de l’Union européenne. Il est d’ores et déjà recommandé comme présentation complémentaire en Belgique, en Suisse, en Allemagne, en Espagne, aux Pays-Bas et au Luxembourg.

L’étude publiée montre par ailleurs que cela répondrait aux vœux des consommateurs car 93% des individus interrogés se disent favorables à la présence du logo sur les produits alimentaires et 89% d’entre eux considèrent même que son apposition devrait être obligatoire sur toutes denrées alimentaires. Cette généralisation du Nutri-Score est aussi au cœur du PNNS 4 qui se fixe comme objectif de le rendre obligatoire au niveau européen (Action 18).

Le rapport de la Commission relatif à l’utilisation des formes d’expression et de présentation complémentaires de la déclaration nutritionnelle publié le 20 mai 2020, va en ce sens. Il juge approprié d’instaurer un étiquetage nutritionnel obligatoire harmonisé sur la face avant des emballages et indique que la Commission élaborera une proposition législative en ce sens dans le cadre de la stratégie « De la ferme à la table » (COM (2020) 381) d’ici la fin 2022.

Les espoirs français de voir leur logo être élu et se généraliser au sein de l’Union européenne vont néanmoins se heurter à l’opposition de sept pays (Italie, République Tchèque, Grèce, Chypre, Hongrie, Lettonie et Roumanie) exprimée le 17 septembre 2020. Malgré les efforts déployés par la Présidence allemande, aucun consensus n’a été trouvé au sein du Conseil, le 15 décembre 2020, quant à la mise en place d’un logo obligatoire et harmonisé. Ce débat est important car l’étiquetage nutritionnel simplifié est l’une des actions phares de l’Union européenne pour favoriser une alimentation plus saine alors qu’un enfant sur trois est en surpoids ou obèse.

Marine Friant-Perrot, Maître de conférences à l'université de Nantes
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