"On va continuer à perdre plusieurs dizaines de milliers de mandats dans les années à venir"

"On va continuer à perdre plusieurs dizaines de milliers de mandats dans les années à venir"

01.05.2024

Gestion d'entreprise

Le nombre de mandats détenus par les commissaires aux comptes dans les petites entreprises a baissé de 12 % après l'audit des comptes 2022, selon une étude annuelle de la CNCC. Et le taux de renouvellement volontaire a baissé d'un point. Sur les nouvelles missions, les Cac se mobilisent massivement pour se former à la durabilité.

La présence des commissaires aux comptes dans les petites entreprises poursuit sa lente diminution. A l’issue de l’audit des comptes 2022, la profession détient un peu moins de 114 000 mandats dans les petites entreprises (seuils de l’époque de 4 millions d’euros de bilan, 8 millions d’euros de chiffre d’affaires et 50 salariés), selon le Icône PDFbaromètre annuel publié hier par la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC) (*). C’est 12 % de moins que l’année précédente.

Au total, les Cac détiennent 229 457 mandats dont 49 % dans les petites entreprises. "On va continuer à perdre plusieurs dizaines de milliers de mandats dans les années à venir", a déclaré Yannick Ollivier, président de la CNCC, lors d’une conférence de presse. La "disparition du commissaire aux comptes, malheureusement, dans le tissu économique des PME, (...) est en marche", déplore-t-il.

Cap des 3 millions d’euros de chiffre d’affaires

Le taux de renouvellement volontaire des mandats arrivés à échéance baisse également dans les petites entreprises. Il s’élève à 44 % (après 45 % en 2021 et 48 % en 2020). "2022 est sans doute la première année de référence pour estimer l'impact annuel de la loi PACTE et sa traduction sur le taux de renouvellement de la mission de certification des comptes. En effet, les années 2018 et 2019 ont vu l'entrée en vigueur de la loi PACTE et les années 2020 et 2021 ont été marquées par un climat particulièrement atypique avec la pandémie de COVID et ses suites", explique la CNCC.

L’absence d’obligation légale est la première cause de non-renouvellement. La taille de l’entreprise joue. "Dès qu’on s’approche des seuils, le taux de renouvellement devient de plus en plus élevé. C’est essentiellement sensible sur le chiffre d’affaires", relève Fabrice Vidal, président la commission "marché petites entreprises" à la CNCC. "Quand on est très éloigné des seuils, le taux de renouvellement est beaucoup plus bas".

"On commence à cibler les critères qui font qu’une entreprise a vraiment intérêt à avoir un commissaire aux comptes", ajoute Yannick Ollivier. A partir de 3 millions d’euros de chiffre d’affaires et d’une quinzaine de collaborateurs, l’entreprise commence à se poser des questions, précise le président de la CNCC. Selon le baromètre, le chiffre d'affaires moyen des entreprises ayant renouvelé leur mandat est de 3184 K euros en 2022, contre 1840 K euros pour les entreprises qui n’ont pas renouvelé. A partir de ces seuils, "le dirigeant commence à avoir de vrais sujets" et "a besoin, à côté de lui, de quelqu’un pour l’accompagner", selon Yannick Ollivier.  

Relèvement des seuils : Bercy demande à la CNCC des études d’impact

Cette tendance risque de se poursuivre au-delà de l’année 2022 car la loi Pacte 1 continue à produire ses effets et les seuils d’audit légal ont de nouveau été relevés pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2024 (seuils de 5 millions d’euros de total bilan, 10 millions d’euros de chiffre d’affaires et toujours 50 salariés). Sans compter la menace d'un alignement des seuils sur le droit européen au niveau le plus élevé, lesquels passeraient ainsi à 7,5 millions d’euros de total bilan et 15 millions d’euros de chiffre d’affaires.

Les discussions se poursuivent avec Bercy, indique le président de la Compagnie nationale. "Ils écoutent, ils échangent (…) ils nous ont demandé de fournir des éléments d’études d’impact". Yannick Ollivier précise avoir le soutien des représentants des entreprises (Medef, CPME et U2P) et des tribunaux de commerce. Et la Chancellerie, ministère de tutelle des Cac ? "Le ministère de la justice nous soutient sur ce sujet-là", assure Yannick Ollivier. Qui rappelle que l’arbitrage sur un éventuel relèvement de seuils sera interministériel. La Chancellerie considère, selon lui, que le relèvement à 5 millions de bilan et 10 millions d’euros de chiffre d’affaires est déjà "significatif".

Plus de 3000 Cac en cours de formation pour obtenir le visa de durabilité

La profession compte donc sur l’émergence de nouveaux sujets pour rebondir. Le reporting de durabilité, mis en place depuis le 1er janvier, fait partie des nouvelles missions des Cac qui pourront certifier les rapports contenant les informations de durabilité des entreprises concernées. Selon une enquête de la CNCC dévoilée également hier, un tiers des Cac répondants (**) déclare avoir au moins une entité dans leur portefeuille concernée par la CSRD (corporate sustainability reporting directive) en 2024 ou en 2025. Entre 4000 et 5000 entreprises seraient concernées par la directive européenne, selon la Compagnie nationale.

Les professionnels se mobilisent massivement sur ce sujet. Plus de 3000 commissaires aux comptes (sur 11 467 Cac personnes physiques inscrits) suivent, depuis le 1er janvier, la formation homologuée de 90 heures pour obtenir le "visa de durabilité". Cet "engouement" va au-delà des espérances de la Compagnie nationale et au-delà du nombre de Cac qui seront concernés par la CSRD. Les premiers "diplômés" du visa durabilité vont arriver à l’été, indique Fabrice Vidal. Après avoir formé les Cac, l’enjeu sera de former les équipes.

Mandats dans les petites entreprises : les chiffres clés à l'issue de l'audit des comptes 2022

► 113 851 mandats dans les petites entreprises

► 80 % de ces mandats concernent des SAS

► 61 % sont sous les trois seuils (au moment de l'analyse : 4 millions d’euros de bilan, 8 millions d’euros de chiffre d’affaires et 50 salariés)

► 3,9 % de mandats ALPE (audit légal des petites entreprises)

► 630 millions d'euros d'honoraires (pour les 113 851 mandats)

► 5 186 euros d'honoraires moyens

► 56 % des mandats arrivant à échéance ne sont pas renouvelés

Source : baromètre 2024 de la CNCC

 

(*) Les données du baromètre 2024 sont issues de l’analyse des déclarations d’activité faites en 2023 par les commissaires aux comptes sur les audits réalisés au titre de l’exercice 2022.

(**) 1700 commissaires aux comptes répondants.

Céline Chapuis

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