La loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 qui fixe les modalités d’élection des représentants français au Parlement européen devrait être prochainement remaniée. Un projet de loi a été déposé à l’Assemblée nationale après avoir été soumis à l’avis du Conseil d’État. La principale nouveauté consiste à constituer une seule circonscription nationale pour le scrutin. Sur 27 Etats-membres de l’Union européenne, 22 ont fait le choix d’une circonscription unique et le gouvernement souhaite s’aligner.
Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.
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Le nouveau régime devrait s’appliquer aux prochaines élections européennes prévues en 2019. Il pourrait toutefois être abrogé avant même son entrée en vigueur. L’Union européenne envisage en effet de rendre obligatoire la création de listes transnationales, ce qui rendait obsolète le principe d’une circonscription nationale unique. Ce projet européen n’étant toutefois qu’hypothétique, le gouvernement maintient son projet de loi.
La circonscription unique fait son grand retour
Le projet de loi rétablit la circonscription nationale unique instituée pour les premières élections du Parlement européen en 1979 et qui avait perduré jusqu’en 1999.
Ce n’est en effet que depuis 2003 que 8 circonscriptions interrégionales ont été constituées (Nord-Ouest, Ouest, Est, Sud-Ouest, Sud-Est, Massif central-Centre, Ile-de-France et Outre-mer). Le but était d’encourager la participation à un scrutin délaissé par les électeurs en rapprochant les élus de leurs administrés.
Mais, en pratique, cela n’a pas enrayé l’augmentation du taux d’abstention. Estimé à 53 % avant la réforme (élections de 1999), il a grimpé de 4 points après le découpage en 8 circonscriptions (élections de 2004), puis encore de 2 points pour s’établir à 59 % en 2009. Lors du dernier scrutin de 2014, il est redescendu à 56,5 %.
Fort de ce constat, le gouvernement estime aujourd’hui que ce découpage soulève plus de problèmes qu’il n’en règle. Il tend à favoriser les grands partis qui, au contraire des formations indépendantes, ont les moyens logistiques et financiers de mener campagne dans toutes les circonscriptions. Cela est d’autant plus regrettable que les élections européennes sont soumises à un scrutin proportionnel censé justement permettre aux formations politiques les plus modestes d’avoir leur place dans la représentation démocratique.
Le redécoupage des régions au 1er janvier 2016 a en outre rendu obsolète les 8 circonscriptions électorales. Celle du Sud-Est, par exemple, réunit les anciennes régions de la Corse, de la Provence-Alpes-Côte-D’azur et des Rhône-Alpes. Or, cette dernière région a désormais fusionné avec l’Auvergne qui dépend elle-même de la circonscription Massif central-Centre. C’est une preuve flagrante de l’inadéquation de ces circonscriptions avec la réalité administrative du pays.
Une nécessaire adaptation des modalités du scrutin
Revenir à une circonscription unique a des implications sur l’organisation des élections. Des ajustements sont donc apportés à plusieurs stades du scrutin.
Composition des listes
Sur chaque liste, le nombre de candidats devrait désormais être aligné sur le nombre de sièges à pourvoir. Actuellement, on exige le double de candidats en métropole et le triple en outre-mer.
Le Conseil d’État a donné son accord à cette réduction drastique. S’agissant en effet d’un scrutin proportionnel, il estime que le nombre de candidats dans la liste sera toujours suffisant pour assurer le remplacement des élus en cas de vacance (démission, décès, incompatibilité). En outre, cela encourage les candidatures des petites formations qui avaient du mal �� recruter en nombre suffisant pour constituer une liste complète.
Globalisation et limitation du plafond des dépenses électorales
Le plafond serait fixé à 9,2 millions d’euros. Ce montant global est obtenu en multipliant par 8 le plafond établi en 2003 pour chaque circonscription (1,15 million d’euros).
A noter toutefois : ledit plafond avait été réévalué de 10 % en 2009 pour s’établir à 1,265 million d’euros (D. n° 2009-370, 1er avr. 2009, art. 1er). Le gouvernement fonde cependant son calcul sur l’ancien montant, entraînant ainsi une baisse de la somme globale allouée pour les élections européennes.
Par ailleurs, une limite serait désormais fixée pour les frais de transport aérien, maritime et fluvial exposés par les candidats au départ et à destination des départements et collectivités d’outre-mer. Le plafond des dépenses devrait être majoré de 2 % et les frais seront pris en charge dans ce cadre. A l’heure actuelle, ils ne sont pas inclus dans le plafond des dépenses et sont remboursés sur présentation de justificatifs.
Le Conseil d’État a validé cette mesure. A l’avenir, il recommande toutefois au gouvernement d’harmoniser les dispositifs en transposant cette majoration du plafond aux élections présidentielles. Une réflexion devrait également être engagée sur la prise en charge des frais de transport pour les circonscriptions des Français établis hors de France.
Une répartition plus équitable du temps d’antenne
A l’occasion des dernières élections législatives, le Conseil constitutionnel a invalidé le système de répartition entre les différentes listes de la durée des émissions de la campagne audiovisuelle officielle (Cons. Const., déc. n° 2017-651 QPC, 31 mai 2017). Ce dispositif, très similaire à celui prévu pour les élections européennes, allouait la majorité du temps d’antenne en fonction de la représentation des partis politiques à l’Assemblée nationale. L’apparition du mouvement En Marche !, alors absent de l’hémicycle, avait mis en lumière l’inadéquation des critères de répartition avec l’émergence de nouvelles formations politiques dans le paysage électoral.
Le projet de loi définit donc de nouvelles règles de répartition conformes aux recommandations du Conseil constitutionnel. Trois dispositifs sont mis en œuvre simultanément :
- chaque liste dont la candidature a été régulièrement enregistrée dispose de 2 mn d’antenne ;
- 2 h sont allouées aux listes soutenues par des partis et groupements politiques représentés à l’Assemblée nationale et au Sénat. Cette durée est répartie au prorata des députés et sénateurs inscrits ou rattachés à ces partis et formations. Le Conseil d’État a émis des doutes sur la pertinence de ce rattachement aux élus du Parlement. Le paysage politique peut évoluer de manière surprenante entre deux élections et il n’est pas forcément opportun de se fonder sur les résultats obtenus aux élections législatives et sénatoriales pour allouer un temps d’antenne aux élections européennes. Le projet de loi n’a toutefois pas tenu compte de cette recommandation ;
- le CSA dispose d’une variable d’ajustement. Il répartit 1h entre toutes les listes dont la candidature est régulière. Son rôle est d’assurer l’adéquation du temps global accordé à chaque liste avec sa représentativité électorale. La mission est délicate. C’est pourquoi le projet de loi prévoit 3 critères de répartition de cette heure supplémentaire : 1/la répartition des 2h déjà effectuée entre les partis politiques ; 2/la représentativité des listes appréciée en fonction des sondages d’opinion et des résultats obtenus aux dernières élections européennes et aux plus récentes élections ; 3/la contribution de chaque liste à l’animation du débat électoral.
Anne Debailleul, Guide pratique des élections