La nouvelle loi de bioéthique est parue au Journal officiel du 3 août, sa mesure la plus emblématique étant l'ouverture de l'assistance médicale à la procréation à toutes les femmes.
Une fois de plus, c’est au cœur de l’été qu’une nouvelle loi de bioéthique paraît. Celle-ci aussi, il aura fallu l’attendre patiemment. Elle aurait dû normalement être révisée en 2018. La loi de bioéthique de 2011 avait en effet prévu une révision tous les 7 ans. Mais finalement 10 ans ont passé.
Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.
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Débats et travaux d'évaluation
Son parcours a été mouvementé avec des rebondissements divers. Avant d’être voté, le texte a d’abord fait l’objet de débats intenses et de nombreux travaux d’évaluation. Les débats démarrent dès le début de l’année 2018 dans le cadre d’états généraux de la bioéthique. Organisés par le Comité consultatif national d’éthique (CCNE), ceux-ci ont pour objectif de permettre à tous de débattre sur les questions de bioéthique pour préparer la révision de la loi bioéthique de 2011. La consultation revêt diverses formes pour recueillir le plus d’avis possible : site web sur lequel chacun peut s’exprimer, débats en régions, auditions d’experts et comité citoyen. Ils s’achèvent en juin 2018, un rapport du CCNE du 5 juin 2018 en réalise la synthèse.
Quelques mois après, le CCNE rend sa propre contribution à la future révision de la loi de bioéthique. D'autres réflexions complètent le processus, notamment celles de l'Agence de la biomédecine qui rend public en janvier 2018 un rapport sur l'application de la loi de bioéthique ainsi que celles du Conseil d'État qui, en juillet 2018, remet son étude sur la révision de cette loi. En octobre 2018, c’est au tour de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) de rendre son rapport sur l'évaluation de l'application de la loi.
Parcours parlementaire
S'appuyant sur ces travaux, le Gouvernement présente son projet de loi en Conseil des ministres le 24 juillet 2019. Le 24 septembre 2019, les discussions s’ouvrent à l’Assemblée nationale avec la création d’une commission spéciale. Le projet de loi est adopté en 1re lecture par l’Assemblée nationale le 15 octobre 2019 et transmis au Sénat le lendemain. Le Sénat adopte le projet de loi, avec quelques modifications, le 5 février 2020. Quelques semaines plus tard, la pandémie de covid-19 impose la suspension de l’examen du texte. Les travaux reprennent l’été 2020 par une deuxième lecture de l’Assemblée nationale qui adopte le texte le 31 juillet 2020. C’est au tour du Sénat d’adopter le projet de loi en 2e lecture, le 3 février 2021 avec un coup de théâtre : celui-ci l’ampute de sa mesure phare sur l’ouverture de l’assistance médicale à la procréation, pourtant adoptée un an plus tôt. Le 17 février, sénateurs et députés échouent à parvenir à un accord sur le projet de loi bioéthique en commission mixte paritaire. Retour à la case départ ! Les députés reprennent les débats début juin et le texte est adopté le 10 juin. Le 24 juin, lors de l’ultime retour du texte au Sénat, ce dernier le rejette en opposant la question préalable, une motion de procédure qui entraîne un rejet de l’ensemble du texte. Devant l’impossibilité de parvenir à un consensus, c’est donc l’Assemblée nationale qui a eu le dernier mot en adoptant définitivement le projet de loi le 29 juin par 326 voix pour et 115 contre. Peu après, 80 députés de l’opposition saisissent le Conseil constitutionnel, s'opposant principalement à deux articles :
l’article 20 qui autorise les recherches sur l’embryon humain et les cellules souches embryonnaires non seulement à des fins médicales, mais aussi en vue d’« améliorer la connaissance de la biologie humaine ». Pour les députés, la formule est imprécise : aucune définition n’est donnée ni de l’embryon humain ni de cette finalité nouvelle de recherche. Cette imprécision ouvrirait la porte à l’eugénisme.
l’article 23 de la loi de bioéthique, qui remplace dans le code de la santé publique la phrase "la création d'embryons transgéniques ou chimériques est interdite" par "la modification d'un embryon humain par adjonction de cellules provenant d'autres espèces est interdite". Cette modification acte le fait que la création d’embryons transgéniques est désormais possible et autoriserait la création de chimères animal-homme (adjonction de cellules humaines à des embryons animaux). Pour les députés, il en résulterait une méconnaissance de l’intégrité de l’embryon et du patrimoine génétique de l’espèce humaine ainsi que du principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine. Sur la question des embryons chimères, ils font valoir que le procédé porterait atteinte à la distinction entre l’homme et l’animal, méconnaîtrait l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement, le principe de précaution, la diversité biologique ainsi que le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine.
Le Conseil constitutionnel écarte les griefs des députés et déclare la loi conforme à la Constitution dans une décision du 29 juillet. Il juge que le terme d’embryon humain n’est pas imprécis et estime que ces recherches, soumises à autorisation ou déclaration auprès de l’Agence de biomédecine, ne dérogent pas à l’interdiction des pratiques eugéniques. Quant à la création d'embryons transgéniques, le Conseil constitutionnel rappelle qu’elle n’est permise que dans le cadre de recherches sur l'embryon entourées de garanties effectives. Il affirme en outre que les dispositions contestées, qui portent uniquement sur l'embryon humain, n'ont pas pour objet de modifier le régime juridique applicable à l'insertion de cellules humaines dans un embryon animal. La loi est enfin promulguée le 2 août.
Des dispositions diverses et variées
Très attendu, le volet sociétal de la nouvelle loi de bioéthique annonce de profondes transformations : il ouvre l’assistance médicale à la procréation à toutes les femmes, crée un nouveau mode de filiation pour les enfants de couples de femmes, met fin à l’anonymat des donneurs de gamètes, autorise la conservation de gamètes (ovocytes et spermatozoïdes) sans raison médicale. D’autres dispositions moins médiatisées mais aux enjeux aussi importants portent sur la recherche sur les embryons et les cellules souches embryonnaires, la médecine génomique, les neurosciences ou encore l’intelligence artificielle.
Un numéro spécial sur la nouvelle loi de bioéthique, rédigé par des experts, vous sera prochainement proposé.
Orianne MERGER, Dictionnaire Permanent Santé, bioéthique, biotechnologies