Parution du décret d'application sur l'isolement et la contention en psychiatrie

01.04.2022

Droit public

Le décret d’application de l’article 17 de la loi du 22 janvier 2022 relatif au contrôle juridictionnel du placement à l'isolement ou en contention est paru au journal officiel. Ce décret complète ou remplace les dispositions issues d'un décret n° 2021-537 du 30 avril 2021 qui avait introduit dans le code de la santé publique les articles R. 3211-31 et suivants relatifs à la mise à l'isolement et en contention.

A l’issue de nombreuses avanies subies depuis 2020 par l’article L. 3222-5-1 du code de la santé publique relatif à la mise à l’isolement et en contention en psychiatrie, il semblerait que le dispositif légal et réglementaire concernant l’encadrement de la mise à l’isolement et en contention en psychiatrie soit à présent complet et opérationnel.

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Pour mémoire, on rappellera qu’une précédente version de l’article L. 3222-5-1 issue de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 (L. n° 2020-1576, 14 déc. 2020, art. 84 : JO, 15 déc.), elle-même issue d’une abrogation sur QPC (Cons. const., 19 juin 2020, déc. n° 2020-844 QPC), avait été de nouveau abrogée par le Conseil constitutionnel qui avait estimé que le législateur avait imparfaitement traduit ses exigences en matière de mise en place d’un contrôle systématique de légalité des mesures de mise à l’isolement et en contention (Cons. const., 4 juin 2021, n° 2021-912/913/914 QPC). En effet, cette nouvelle version de la loi ne prévoyait qu’une « information »  du juge pouvant déboucher sur sa saisine et non un contrôle juridictionnel obligatoire. Néanmoins, peu de temps avant la décision du Conseil constitutionnel abrogeant ce texte, un décret d’application découlant de celui-ci avait été publié (D. n° 2021-537, 30 avr. 2021 : JO, 2 mai 2021), qui créait les articles R. 3211-31 et suivants du code de la santé publique.

Pour satisfaire aux exigences réaffirmées par le Conseil constitutionnel, une nouvelle version de l’article L. 3222-5-1 du code de la santé publique a finalement été adoptée en l’article 17 de la loi n° 2022-46 du 22 janvier 2022 renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique. A la suite de ce texte, un nouveau décret d’application vient donc d’être adopté le 22 mars.

Ce nouveau décret ne chamboule par l’architecture des dispositions introduites par le décret d’avril 2021. La partie réglementaire du code de la santé publique en matière d’isolement et de contention demeure donc organisée en une section subdivisée en deux sous-sections, l’une étant consacrée à l’obligation d’information du juge des libertés et de la détention (JLD) et des autres personnes concernées en cas de placement à l’isolement ou en contention, et l’autre étant consacrée à la procédure de contrôle de légalité de la mesure devant le juge des libertés et de la détention.

Des précisions sur l’obligation d’information

Quant à l’obligation d’information, le décret d’application déplie assez scrupuleusement les exigences légales. L’article L. 3222-5-1 organise, à présent, le régime de contrôle de légalité de l’isolement et de la contention autour de différentes phases. Au-delà de certains délais (24 h pour la contention, 48 h pour l’isolement) intervient une première étape d’information obligatoire par le directeur de l’établissement d’accueil. Celle-ci doit viser le JLD mais aussi les proches du malade. Ensuite, si la mesure se prolonge, avant 72 h pour l’isolement ou 48 h pour la contention, le directeur d’établissement doit saisir le JLD qui se prononcera sur la légalité de la mesure.

Dans ce contexte, le décret précise les choses en matière de computation des délais de durée d’une mesure d’isolement ou de contention. Il précise que lorsqu'une mesure d'isolement ou de contention est prise moins de quarante-huit heures après qu'une précédente mesure d'isolement ou de contention a pris fin, sa durée s'ajoute à celle des mesures d'isolement ou de contention qui la précèdent. A ce titre, le décret (C. santé publ., art. R. 3211-31, I) spécifie que cette durée cumulée peut résulter :

  • de mesures prises de façon consécutive ;

  • de mesures prises de façon non consécutive mais séparées de moins de quarante-huit heures. La durée cumulée est calculée en additionnant les durées de toutes les mesures intervenant à moins de quarante-huit heures de la précédente ;

  • de mesures prises de façon non consécutive mais dont la durée cumulée est atteinte sur une période de quinze jours.

De même, le texte rappelle, comme le prévoit déjà l’article L. 3222-5-1, que lorsque le médecin décide de prendre une nouvelle mesure d’isolement ou de contention avant l’expiration d’un délai de quarante-huit heures suivant une décision de mainlevée d’une précédente mesure d’isolement ou de contention, il doit également procéder à l’information du JLD qui peut alors se saisir d'office pour mettre fin à la nouvelle mesure.

Le décret prévoit enfin que le JLD doit également recevoir information lorsque le médecin, après une décision de maintien de la mesure prise par le JLD, renouvelle à titre exceptionnel une mesure de contention atteignant la durée cumulée de quatre-vingt-seize heures, soit 4 jours, ou une mesure d’isolement atteignant la durée cumulée de cent quarante-quatre heures, 6 jours. Cette information est réitérée en cas de renouvellement ultérieur de la même mesure.

Par ailleurs, le décret d’application du 22 mars crée un nouvel article R. 3211-31-1 spécifiant les modalités d’information des proches de la personne concernée tant pour l’information obligatoire de premier rang à 24 h ou 48 h que pour l’information relative à la saisine du juge des libertés et de la détention après deux décisions de maintien prises par le juge des libertés et de la détention. Le texte, reprenant l’article L. 3222-5-1, prévoit que cette information doit concerner au moins un membre de la famille du patient, en priorité son conjoint, le partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité ou son concubin, ou une personne susceptible d'agir dans son intérêt. Le décret ajoute, ce que ne prévoyait ni l’ancienne version de celui-ci ni l’article L. 3222-5-1, que « l'établissement informe les personnes […] de leur droit de saisir le juge des libertés et de la détention aux fins de mainlevée d'une mesure d'isolement ou de contention ».

Procédure de contrôle de l’isolement et de la contention

La deuxième partie des décrets d’application de l’article L. 3222-5-1 concerne les règles de procédure applicables devant le JLD. Celles-ci avaient été déjà largement fixées par le premier décret d’avril 2021. Le décret du 23 mars 2022 les modifie ou les complète parfois pour tenir compte de la nouvelle version de l’article L. 3222-5-1. En substance, on retiendra, concernant cette procédure, diverses choses résultant tant des textes législatifs que de décrets d’application d’avril 2021 et mars 2022.

D’abord, cette procédure est, comme la procédure de contrôle des soins psychiatriques sans consentement, soumise aux règles énoncées par le code de procédure civile à l’exception de certaines dispositions relatives à la computation des délais.

Ensuite, il s’agit, comme l’avait déjà énoncé le législateur (C. santé publ., art. L 3211-12-2, III) d’une procédure écrite. Néanmoins, les textes réservent la possibilité, s'il l'estime nécessaire, que le juge des libertés et de la détention décide de tenir une audience.

Dans le cadre de cette procédure écrite, les parties peuvent échanger leurs observations et leurs pièces par tout moyen dès lors que le juge peut s'assurer du respect du contradictoire. Lorsqu'il n'est pas partie principale, le ministère public fait connaître son avis. Le patient concerné par la mesure et, s'il y a lieu, son avocat, la personne chargée à son égard d'une mesure de protection juridique relative à la personne ou, s'il est mineur, ses représentants légaux, ainsi que, le cas échéant, le requérant et son avocat, adressent leurs observations et leurs pièces au juge des libertés et de la détention. Le médecin qui a pris la mesure peut également adresser des observations au juge des libertés et de la détention.

De même, le juge peut se rendre à tout moment sur place afin d'apprécier les conditions d'exécution de la mesure d’isolement ou de contention.

Dans tous les cas, le patient ou le demandeur à la mainlevée de la mesure peut demander à être entendu par le juge des libertés et de la détention, auquel cas cette audition est de droit. Néanmoins, si, au vu d'un avis médical motivé, des motifs médicaux font obstacles, dans son intérêt, à l'audition du patient, celui-ci est représenté par un avocat choisi, désigné au titre de l'aide juridictionnelle ou commis d'office. A ce titre, le directeur de l’établissement d’accueil informe le patient de la saisine du juge des libertés et de la détention. Il lui indique qu'il peut, dans le cadre de cette instance, être assisté ou représenté par un avocat. Il lui indique également qu'il peut demander à être entendu par le juge des libertés et de la détention. Le directeur d’établissement est chargé de transmettre au greffe tous les éléments de volonté et les documents souhaités par la personne.

S’agissant de la saisine du juge, celle-ci peut émaner tant de la personne, que de ses proches (ou la personne chargée d’une mesure de protection). Lorsqu’elle procède de la survenance d’une échéance de contrôle obligatoire, c’est le directeur d’établissement qui en a la charge.

Sont jointes à la requête les pièces relatives à l’admission en soins psychiatriques sans consentement ainsi que les précédentes décisions d'isolement ou de contention prises à l'égard du patient, de même que tout autre élément de nature à éclairer le juge.

Le juge doit rendre sa décision dans certains délais prévus par la loi qui varient selon le moment de la mesure où il est saisi. Il s’agit, pour le cas qui sera sans doute le plus fréquent en pratique, à savoir celui du contrôle obligatoire initial à 48 h pour la contention ou 72 h pour l’isolement, d’un délai de 24 h.

Dans tous les cas, la mesure est levée si le directeur de l’établissement n’a pas saisi le juge avant l’expiration des durées requises ou si le juge statue au-delà des délais prévus.

Mathias Couturier, Maître de conférences à l'université de Caen
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